Loué soit Jacinto Molina ! Admirateur passionné des monstres de la période Universal, Molina est une figure formidable du cinéma espagnol : ancien catcheur et haltérophile, il a mis sa musculature et son jeu… intense au service de tous le bestiaire fantastique. Avec ces Vampires du docteur Dracula, les éditions Artus font œuvre historique : c’est en effet le film avec lequel Molina, prenant pour l’occasion le pseudonyme Paul Naschy, va entamer sa série de film de monstres, et, plus particulièrement, la saga de Waldemar Daninsky, son personnage de loup-garou tourmenté.
De tous les monstres de l’Universal, Naschy avouera que son préféré était Larry Talbot, le loup-garou campé par Lon Chaney Jr dans le film de George Waggner, en 1941. Auteur du scénario des Vampires du docteur Dracula, Naschy voulait engager Lon Chaney Jr., alors septuagénaire, pour jouer le rôle – mais l’acteur est trop vieux. Ayant réussi à intéresser des investisseurs ouest-allemands à son projet, Paul Naschy prend donc le rôle titre, et vogue la galère.
Film de fan
C’est comme ça avec les passionnés : ils en font toujours trop. Naschy a donc rempli son scénario de tous les clichés possibles dans le domaine de l’épouvante à l’Universal : jeunes premiers un peu cons mais très beaux, paysages embrumés, autochtones superstitieux, châteaux majestueux et remplis de toiles d’araignées, loups-garou furibards et vampires languides et poseurs. Totalement elliptique, le montage alterne les scènes gothiques et les moments d’exposition mettant en scène les notables locaux, particulièrement peu concernés. En résulte un rythme parfaitement inexistant, un rapport au temps narratif faussé : une volonté manifeste d’aligner les moments de bravoure gothiques en sacrifiant le moins possible à la nécessité de raconter une histoire correctement.
En ce qui concerne le bestiaire, Julián Ugarte et Aurora de Alba composent un couple de vampires à l’outrance fabuleuse – notons par ailleurs l’importance donnée aux accessoires vestimentaires, comme ce voile vaporeux tombant inexplicablement sur la vampire en plein dégustation de jeune premier. De son côté, le vampire ne pas se départir de sa cape, ce qui le conduit à courir longuement dans les bois en la maintenant les bras tendus, évoquant plus un paon délirant que le prince des ténèbres. Paul Naschy constitue le morceau de choix : musculeux et nerveux, il compose un personnage de loup-garou enragé, hurlant et bavant, dont la visible puissance physique fait oublier le maquillage approximatif.
Plutôt bien servi par la photo d’Emilio Foriscot et la direction artistique de José Luis Ferrer, le film possède un véritable univers graphique aux couleurs intenses qui fait le plus gros du travail en matière d’évocation fantastique. Ce travail très correct offre un fond crédible aux gesticulations des acteurs, et au script un rien absurde, ce qui rend la vision des Vampires du docteur Dracula plutôt agréable. Totalement bis, le film respire pourtant la passion de son scénariste/acteur, une sorte d’erreur de jeunesse frappadingue, mais touchante et attendrissante.