Ce film totalement inconnu, au titre explicitement niais, signé par un réalisateur néerlandais que les historiographies ont daigné retenir pour la postérité, semble défier de la plus lamentable des manières les conventions et les attentes de ce genre qu’il faut malheureusement appeler ici un thriller. Tâchons de cerner la piteuse entreprise de ce récit au dessein soi-disant noir et macabre qui procure, à défaut de frissons, un sentiment indélébile de consternation.
Un jeune Franco-Néerlandais, Rex Hofman (Gene Bervoets), part sur la route des vacances en compagnie de sa conjointe en direction du sud de la France. En dépit des troubles mentaux avant-coureurs de cette jeune femme, Saskia Wagter (Johanna ter Steege), qui relate d’incorrigibles cauchemars à son partenaire (« Je suis emprisonnée dans un œuf d’or errant éternellement seul dans l’espace »), l’insouciance et la tendresse embaument les premières bobines de ce périple amoureux. D’une séquence archi-stéréotypée de panne d’essence au cœur d’un sombre tunnel à une scène de transe psychique mal habitée par l’actrice, un pacte d’amour sera scellé entre nos jeunes tourtereaux dans le plus romantique des décors : une aire d’autoroute…
Mais sur ce genre de vagues terrains de repos appelés non-lieux de la modernité, de monstrueux psychopathes au regard terrifiant patientent à l’entrée des toilettes en attendant leurs proies pour le moins naïves. Notre glacial antagoniste repérable d’entre tous arbore ainsi d’énormes montures d’où ressortent ses prunelles perverses et se fond derrière un simulacre de plâtre afin de préserver fort visiblement l’anonymat. Il s’agit donc de mesurer à cette première apparition la froideur glaciale d’un kidnappeur qui s’initie maladroitement à l’enlèvement de fraîches demoiselles. Il s’avère aussi de saisir rapidement que cette bête de sang-froid, professeur de biologie et père de famille à ses heures perdues, défie toute la concurrence des grands manipulateurs du cinéma tant son plan semble si peu opérant pour l’accroche du genre. À cet égard, l’acteur Bernard-Pierre Donnadieu sur lequel est censé reposer tout le film détient rétrospectivement le physique et le timbre d’un Benoît Poelvoorde joufflu et barbu… ce qui annihile dès le départ toute perspective de crédibilité à son égard.
Ainsi, notre bel amoureux patiente durablement sur le parking en attendant sa douce qui, magie du cinéma, s’est évaporée dans les creux de la collure et faite enlever par le génialissime pervers. La disparition de la jeune femme demeurera la profonde énigme d’un récit qui s’assomme graduellement devant tant d’explications grossières, de vaines tentatives d’expliquer les motivations d’un maniaque au crime impuni et courant aveuglément les cités à la recherche d’une nouvelle victime. Mais c’est sans compter sur l’obsession et la pugnacité du mari endeuillé qui, exposé quelques années plus tard par une campagne de recherche ridicule, voudrait effectivement savoir dans quel lieu a pu finir cette inexplicable histoire et éclaircir les motifs de cette disparition traumatisante.
Passons donc sur les traits d’une construction émaillée de flash-backs tellement démonstratifs qu’ils en donnent la nausée, les grossières explications concernant l’engrenage étrange qui ont conduit notre bourreau à programmer l’enlèvement de Saskia, et revenons plutôt sur le laborieux contre-pied qu’appose ici le réalisateur aux commandes de ce thriller pontifiant.
Le tueur dont on a suivi le parcours vient ainsi trouver la faible victime de mari à la sortie de son appartement pour lui expliquer tout bonnement comment il a agi pour masquer les traces de ses agissements… pour le plus grand bonheur de l’homme qui voulait savoir. L’alibi du féroce psychopathe étant en béton armé, le jeune mari qui persiste en toute naïveté à comprendre l’explication du meurtre de sa femme, suivra son bourreau et subira le même supplice. Le malheur tient à ce que le film vire au road-movie, voire au buddy-movie durant ces instants où le tueur et le mari veuf échangent comme des vieux amis d’enfance sans aucune pointe de rancœur ni animosité sur ce qui a poussé l’un à tuer la femme de l’autre.
La seule question qui s’impose, consiste à mystérieusement vouloir comprendre comment un film si lamentable et soporifique, dénué de toute idée manifeste de mise en scène et d’once de tensions narratives, ressort des oubliettes malheureuses du cinéma pour une parution DVD ?
À cet effet, je pourrais devenir l’homme qui voudrait savoir, mais le mystère de cette exhumation restera entier et bien gardé…