« À la recherche du lézard noir » – le sous-titre du documentaire consacré à Miwa le place directement en vis-à-vis avec Yukio Mishima, artiste baroque aux convictions formelles et politiques fermes. Pour autant, Miwa ne partage pas l’intensité nerveuse, bravache, de l’auteur de La Mer de la fertilité : serein et un tantinet ironique, l’icône populaire japonaise se révèle devant la caméra de Pascal-Alex Vincent comme une personnalité forte, capable d’incarner, voire de mener à la force du poignet, les mutations de la société japonaise.
On n’en finit pas d’écouter les confidences de Miwa, né Akihiro Murayama, sur sa carrière hors-normes : le (superbe) coffret édité par Outplay n’en finit pas de décliner les entretiens du réalisateur Pascal-Alex Vincent et de la star nippone. Nous voilà avec trois entretiens : dans la version « officielle », plus courte (52 minutes) et plus nerveuse, dans la version plus longue (60 minutes), légèrement plus hagiographique, destinée au marché japonais, et dans le livret comprenant l’intégralité des propos de la star !
Ces confidences fascinent : plus encore qu’un simple retour sur sa carrière, c’est tout l’histoire récente du Japon qui se trouve résumée dans la vie de Miwa. Une vie largement consacrée au spectacle, et notamment au cinéma (avec des collaborations avec Kinji Fukasaku, Yukio Mishima, mais aussi Hayao Miyazaki et Takeshi Kitano), mais aussi au théâtre, au jeu d’acteur, à la mise en scène, à la musique… Artiste polymorphe et extraordinairement populaire, Miwa est également une figure majeure de la lutte pour les droits des homosexuels au Japon.
Non que l’intéressé fasse, pour autant, preuve de militantisme. Si, parfois, son désespoir face aux conditions de pauvreté terrible qui frappe les couches populaires le pousse à écrire une chanson aux accents de revendications sociales (qui deviendra son plus grand succès), Miwa ne défend ses causes que par la force de son caractère. Faut-il se travestir pour s’assurer le succès ? Soit, ce sera un plan de carrière. L’homosexualité est-elle un tabou tu et caché ? Miwa insistera, sans éprouver la moindre peur, pour que les médias révèlent en dépit de tout son orientation sexuelle.
Pétri d’une arrogance paisible, Miwa raconte donc les tumultueuses années cinématographiques 1950 – 60 : ses débuts au théâtre, la rencontre avec Mishima, l’alchimie entre celui-ci, Kinji Fukasaku et lui autour de son plus grand succès international, Le Lézard noir. Le temps passe, la force de caractère souriante de Miwa ne faiblit pas : magnétique et fascinant, l’artiste n’a pas peur de se comparer à l’avatar d’un dieu sur Terre – et, après tout, pourquoi pas ? C’est sans doute bien ainsi que le voient ses milliers d’admirateurs japonais…
En creux, les propos de Miwa soulignent les bouleversements intellectuels et sociétaux survenus au Japon – sans doute l’importance de l’artiste y est-elle un peu exagérée par l’intéressé, se dit-on, mais, à voir les propos de ses admirateurs, de celles et ceux qu’il a inspiré et guidé dans leur lutte pour s’accepter et se faire accepter, le doute est permis. Pertinemment illustré, le documentaire de Pascal-Alex Vincent capture avec acuité l’aura qui entoure Miwa, ce demi-dieu échappé d’un âge où le cinéma était tout entrelacé de rêves et de fantasmes.
En parallèle, cette édition DVD propose un numéro du magazine diffusé par Arte, « Tracks », consacré aux « Extravagants japonais », avec Takeshi Kitano en tête de liste. Kinji Fukasaku, Sono Sion et Shinya Tsukamoto complètent le tableau, pour un DVD qui parvient à brosser les contours de l’âme expérimentale japonaise, qui, sans nul doute, habite encore Miwa.