Dûment estampillé – par deux fois – « dans la lignée [ou dans la veine] de Miyazaki », Yobi n’a pourtant que peu de rapports avec l’univers du créateur de Porco Rosso. Œuvre du réalisateur du charmant et étonnant Mari Iyagi, ce nouveau conte animé délaisse l’originalité formelle de son prédécesseur pour nous offrir l’illustration d’une légende bouddhiste. Un film peut-être trop sage ?
Figure ambiguë que celle du Renard dans l’Asie bouddhiste : métamorphe trompeur au Japon – ainsi que le montre Takahata dans son Pompoko –, le renard peut donc être, dans la tradition coréenne, pourvu de cinq queues, avec des pouvoirs de transformation proches de ceux de son cousin japonais, mais avec une nuance de taille. L’animal mythologique peut en effet devenir humain – il lui suffit pour cela de… voler une âme humaine. Aussi simple, aussi anodin que ça. Yobi, cela dit, n’a que faire de devenir humaine. Dernière représentante de sa race, la petite renarde, à cinq queues donc, vit dans la forêt, aux côtés d’une communauté de… petits extraterrestres atterris là par erreur et désireux de repartir. Les choses se compliquent cependant lorsqu’elle fait la connaissance, dans la cour de l’école voisine, d’un jeune garçon qui la captive. C’est le moment que choisissent, évidemment, plusieurs prédateurs, humains ou autres, pour se manifester – et Yobi aura, dès lors, d’importants choix à faire…
Yobi raconte donc, malgré sa volonté de suivre un scénario linéaire, beaucoup d’histoires en même temps, avec suffisamment de maîtrise pour qu’on ne s’y perde pas… ou presque pas. Ainsi, tout ce qui relève des duveteux petits extraterrestres paraît des plus déplacés, des plus artificiels, tandis que le reste du film pourrait aisément s’en passer. Cet aspect du film, certainement le plus enfantin, le plus littéralement mignon, tranche pourtant avec d’autres fils narratifs prometteurs, rappelant, quant à eux, les efforts plastiques et visuels du réalisateur sur Mari Iyagi. L’enchantement visuel n’est pas loin, lors de plans larges de toute beauté, également lors de la construction d’un monde spirituel parallèle. Un enchantement pourtant souvent mis de côté pour favoriser le bestiaire naïf et un brin agaçant venu d’outre-espace autour duquel Lee Sung-gang centre son film.
Forme bâtarde de consécration, la jaquette de Yobi se réclame, comme souligné plus haut, de Hayao Miyazaki. Ce n’est ni le premier ni le dernier film à faire évoquer abusivement le papa de Totoro – il est cependant indéniable que Yobi tente de marcher dans les pas écolos du réalisateur japonais. C’est dans l’air du temps, certainement. Comme son cousin Oseam, Yobi mêle donc considérations modernes pour l’environnement et tradition bouddhique – avec plus de bonheur que le lénifiant conte précité. C’est d’ailleurs la meilleure qualité de Yobi, que de parvenir à conserver une cohérence malgré la multiplicité des râteliers auxquels il fait mine de manger. Plus maîtrisé que ce que l’on eût pu craindre, donc, Yobi constitue cependant, pour les admirateurs du gracile et poétique Mari Iyagi, une déception – comme si, malgré les progrès de son style visuel, le réalisateur Lee Sung-gang avait perdu beaucoup de son âme, se contentant d’un film tiré vers le bas par sa propension au premier degré narratif et à une agaçante mièvrerie. Aurait-il rencontré un renard à cinq queues ?