Les cinéastes qui font l’unanimité sont rares ; même les grands maîtres incontestés et réputés intouchables sont parfois victimes d’une fatwa. Qu’on pense ainsi aux critiques de la Nouvelle Vague, qui décidèrent de trancher entre les « bons » cinéastes (souvent américains) et les « mauvais » (souvent français), auréolant les uns d’une gloire qui dure encore et tachant les autres d’une mauvaise réputation qui leur colle toujours à la peau. Notre intention dans cette rubrique est plus ludique : d’un côté, pointer du doigt quelques cinéastes qui font débat et rendre hommage à ceux qu’on oublie ; de l’autre, laisser libre cours à nos agacements et à nos passions de façon plus informelle que dans la critique traditionnelle. Les résultats sont encore une fois surprenants et divers. On notera notamment avec délice que certains réalisateurs sont nommés dans les deux catégories : celle des surestimés et celle des mésestimés. De quoi lancer d’interminables et passionnants duels !
1/ Quels sont les réalisateurs que vous trouvez surestimés ?
2/ Quels sont ceux, au contraire, qui sont à votre avis mésestimés ou injustement méconnus ?
Vincent Avenel
C’est une question qui n’est pas super évidente, je trouve, parce que cela relève finalement d’une pure question de goût, du moins pour la « surestimation ».
1/ Cela posé, je désigne comme surestimés :
— Steven Spielberg, qui a beaucoup perdu de sa spontanéité et dont la « maturité » me semble nettement moins intéressante, engoncée qu’elle est dans un catalogue de valeurs passablement sclérosées.
— Michael Haneke & Lars von Trier (c’est mon carton « Cannes ») qui, s’ils peuvent être tout à fait intéressants au niveau formel, sont souvent considérés avant tout pour leurs approches morales, que je trouve personnellement à la fois simplistes et passablement racoleuses.
— Park Chan-wook : celui-là, il est surestimé… par moi ! Beaucoup d’esbroufe pour pas grand-chose, finalement.
2/ Et mes chouchous personnels :
— Makoto Shinkai : un grand de l’animation qu’on considère encore « en devenir », et dont la carrière est pour l’instant reléguée aux DVD-au-rabais (voir la sortie, même pas couverte par nos soins, du remarquable La Tour au-delà des nuages…).
— John Carpenter : parce que lui ne confond pas « maturité » avec « compromission » (au risque de se planter parfois – mais seulement parfois) et qu’on lui reproche souvent son côté toujours bis~/ 1980’s, ce qui ne sera jamais une tare pour moi.
— Terence Fisher : encore un qui est cantonné dans le mépris dans lequel on tient le cinéma de genre. S’il n’y avait pas eu des réalisateurs comme Fisher, et Fisher en tout premier lieu, beaucoup de choses de notre cinéma actuel n’auraient certainement jamais vu l’écran.
— Mamuro Oshii : certainement le cinéaste actuel le plus mésestimé, le plus insaisissable, capable avec chaque film de se renouveler, de prendre tous les risques, quitte à foirer son coup… ou à le réussir magistralement (cf. Avalon, Innocence : Ghost in the Shell…).
— Jacques Tourneur : parce que Vaudou est un des plus grands films qu’il m’ait été donné de voir, certes, mais surtout parce qu’un homme qui a tué sa carrière en acceptant de ne pas être payé par amour pour un script (sur Stars in my Crown, 1950) et qui, conséquemment, n’a plus jamais été considéré sérieusement par les studios, c’est on ne peut plus classe.
Ariane Beauvillard
1/ Plus que de cinéastes surestimés, je parlerai des réalisateurs dont je reconnais parfois le talent, voire le grand talent, mais qui ne me touchent pas.
— Michael Mann (la complexité ne fait pas la profondeur, et ma nature a horreur du vide)
— Les Dardenne (je n’aime pas les périphériques)
— Brian De Palma (ma nature a horreur du vide 2)
— Capra (sauf Arsenic et vieilles dentelles, mais je dois dire que je ne suis pas fanatique des morceaux de bravoure moraux dans des films comme La vie est belle ou M. Smith au Sénat)
2/ Chabrol (qui le sera toujours)
— Otto Preminger (dont on connait Laura, mais dont on oublie les autres grands films comme La Rivière sans retour ou L’Homme au bras d’or)
— Henry Hathaway (perdu dans l’âge d’or hollywoodien)
— Chris Marker (un chef de file oublié de la Nouvelle Vague)
— Julien Duvivier (on parle souvent des grands scénaristes et dialoguistes, des premières « stars » françaises des années 1930, on en oublie les grands réalisateurs qui ne s’appellent pas Renoir, et dont Duvivier serait peut-être la tête de liste).
Frédéric Caillard
1/ Gus Van Sant : un énorme talent de « filmeur », mais des propos « cliché » et quelque peu niais.
— Apichatpong Weerasethakul : du radicalisme qui tourne à vide…
— P.T. Anderson : cette tendance à surligner et tout répéter trois fois est … un peu lourde.
— Wong Kar-Wai : je n’ai jamais vu la fin de 2046, alors que je me fais un point d’honneur à toujours voir les films en entier…
— Jacques Rivette : Rivette fait de plutôt bons films, que l’on oublie après quelques mois…
2/ Tariq Teguia & Philippe Grandrieux : deux très grands talents actuels. Méritent bien plus qu’un petit succès d’estime confidentiel.
— Alexander Payne & Cédric Kahn : c’est léger (chez Payne), c’est brut (chez Kahn), c’est simple, c’est bien fait et ça fait du bien (chez les deux).
Stéphane Caillet
1/ Takashi Miike, un pseudo-artiste mégalo qui tourne des films avec ses pieds. Son cinéma : quelques séquences qui se prennent au sérieux, assemblées à de scènes malsaines qui veulent choquer le bourgeois.
— Tarantino qui, malgré son talent musical et le côté cool de son cinéma, n’est qu’une incroyable photocopieuse douée de parole. Ses films, manuels de la série B pour les nuls, donnent tout de même envie de revoir des Norifumi Suzuki ou des Kinji Fukasaku.
— Jean-Pierre Mocky, un magnifique spécialiste de la croute filmique.
— M. Night Shyamalan. Lui, je ne comprends pas. Hitchcock c’est quand même vachement mieux…
Hors catégorie : Gaspar Noé
2/ Palmarès dominé par des cinéastes asiatiques, mon péché mignon.
- Toshiaki Toyoda, réalisateur de Pornostar, Hangin Garden et 9 Souls, un jeune cinéaste japonais, à la mise en scène musicale, méconnu en France alors qu’il vaut bien un Aoyama Shinji par exemple.
— Shunji Iwai, un peintre de l’adolescence peu distribué en Occident, en raison, peut-être, de la trop grande — et belle — naïveté de ses films.
— Kim Ki-duk, auteur d’une oeuvre imparfaite, parfois bancale, mais attachante et cohérente. Trop souvent critiqué en raison de son côté touche-à-tout et de la naïveté de ses films.
— Jiang Wen, un auteur intéressant du cinéma chinois qui mériterait, peut-être, plus d’estime.
Sébastien Chapuys
1/ Tous ! Le désastreux dogme de la « politique des auteurs », qui entrave la pensée critique et cinéphile française depuis plus de 50 ans, a notamment décrété l’infaillibilité de l’artiste. Aujourd’hui, les journalistes s’ingénient dès le deuxième film d’un cinéaste à déceler ses thèmes et tics pour l’introniser « auteur ». Dès lors, il faut cesser de considérer les qualités intrinsèques d’un film, et ne plus l’analyser qu’à l’aune des œuvres précédentes de son réalisateur…
… ce qui l’amène à se complaire dans l’image que les critiques lui renvoient, et à se répéter, puis à ressasser.
… ce qui amène à survaloriser son rôle aux détriments de tous ceux qui ont participé à la création collective du film. Car dans la vision auteuriste, les scénaristes, techniciens et acteurs (à l’exception des « stars ») sont le plus souvent méprisés, ou au mieux ignorés : voir l’interruption grossière, lors du dernier festival de Cannes, du discours d’Alain Resnais qui rendait un bel hommage à tous ceux qui l’avaient aidé à réaliser ses Herbes folles.
… ce qui amène surtout à nier des évidences : nombre d’auteurs indiscutés ont connu de dramatiques baisses de régime voire de catastrophiques fins de carrière, tandis que des faiseurs médiocres ont su se surpasser et signer de grands films, portés par un bon scénario ou une brusque poussée d’inspiration.
Personnellement, je considère que la critique passe trop de temps à ériger des statues, et pas assez à les mettre à bas. Revenons aux films eux-mêmes !
2/ Sans toutefois leur rendre un culte aveugle, je nourris une certaine affection pour certains cinéastes :
— Laurent Cantet, reconnu depuis sa Palme d’or 2008, mais plutôt traité de haut par une bonne partie de la critique « sérieuse », alors qu’il s’agit de l’un des très rares réalisateurs français à avoir toujours su concilier intelligence, exigence et clarté… et à n’avoir raté aucun de ses films
— Juzo Itami, réalisateur de délicieuses comédies nippones (sa Dernière danse est une pure merveille), hélas pratiquement toutes inédites en France et introuvables en DVD ;
— Jerzy Kawalerowicz ne serait-ce que pour le sublime Pharaon de 1969 – péplum shakespearien situé dans l’Égypte ancienne et passionnante réflexion sur le pouvoir ;
— Godfrey Reggio, dont la trilogie Koyaanisqatsi-Powaaqatsi-Naqoyqatsi fait paraître bien falot notre Yann Arthus-Bertrand national
— Peter Watkins, réalisateur d’œuvres engagées et formellement sans concessions, qui a été censuré à peu près partout, qui n’aura jamais de Palme à Cannes et qui n’y sera sans doute jamais présent – tant mieux pour lui.
Emmanuel Didier
1/ Deux noms me viennent immédiatement à l’esprit : Brian de Palma et M.Night Shyamalan. Je les associe tous les deux à l’idée de boursouflure. Un peu comme un couple de bubons suintants, ces deux là naviguent dans l’emphase grandiloquente. Ça pourrait donc être drôle mais en fait, c’est tellement pompeux et vaniteux que non, c’est juste affligeant. La Palme revient tout de même à Shyamalan et son ringard Signes : c’est pas à un amateur de fantastique aliénisant qu’on fera gober cette bondieuserie pas bien finaude ! Prix d’honneur pour Carrie de De Palma, mauvais film culte par excellence.
— J’ajoute à ce duo aussi subtil qu’un regard-caméra de Brendan Fraser, l’inénarrable Oliver Stone dont World Trade Center aura convaincu le dernier fan de Platoon à entamer une cure introspective afin de comprendre ce qui tourne pas rond chez lui.
— Histoire de ne pas trop charger nos amis d’outre-atlantique, citons deux autres cinéastes pour équilibrer. D’abord Mikio Naruse dont je ne comprends pas le revival. Et ensuite François Truffaut, grand mystère insondable pour moi, mais ça doit être de ma faute.
2/ En sens inverse, Mikhaïl Kalatozov est connu, reconnu (Palme d’or 1958) mais trop peu eu égard à son importance première. Pour faire dans le moins clinquant, je pense à l’Islandais Dagur Kari qui est à l’orée d’une carrière très prometteuse et déjà auteur de quelques bijoux comme Noi Albinoi ou Dark Horse. Et comme je suis un sale scandinophile, je cite Fridrik Thor Fridriksson, grand gourou du cinéma islandais et l’un des plus importants cinéastes européens des trente dernières années.
Oscar Duboy
1/ Christophe Honoré pour ses mauvaises copies de tout ce qui a déjà été fait tellement mieux.
— David Lynch car il faudrait arrêter de crier au génie face à quelqu’un qui ne fait que se foutre de la gueule du monde.
— Abdellatif Kechiche avant que l’on en arrive à écrire que le sien est un style, alors qu’il est inutilement misérabiliste et passablement mal filmé.
— Mike Leigh pour son académisme bien trop mielleux — et ses récompenses bien trop nombreuses.
2/ Stephen Frears qui, loin d’être inconnu, mérite mieux que d’être cantonné au cinéma social britannique essoufflé et a su diversifier son cinéma avec une rare maîtrise.
— Wes Anderson parce qu’il est autre chose qu’un simple branché et compose dans une style vraiment personnel et fin.
— Emmanuel Mouret car il pratique une forme de romantisme sans gnan-gnan, chose particulièrement hardie.
Romain Génissel
1/ Claude Chabrol parce que « les bourgeois c’est comme les cochons plus ça devient vieux, plus…». Et puis, pour être plus respectueux, c’est malheureusement du cinéma de papa qui fut, selon moi, en totale contradiction par rapport aux recherches formelles de la dite « Nouvelle Vague ». Même si Le Boucher reste un grand film.
— François Truffaut pour son retour à un classicisme douteux après les années 1960
— Michael Haneke parce que c’est juste un cinéma pour vieux théoriciens en mal de sensations et qu’il ne me semble aucunement sincère et plus cynique que quiconque.
— Les Frères Dardenne parce que je préfère bien plus quand ils parlent du cinéma que quand ils réalisent des films.
— Arnaud Desplechin parce qu’il ne me parle pas du tout.
2/ Sam Peckinpah, parce que la critique reste trop suspicieuse envers la violence de ses films et ne comprend vraiment pas sa vision du monde. Parce qu’aujourd’hui la violence est partout et que le western crépusculaire reste profondément actuel.
— Wes Anderson parce que la mélancolie de ses films reste un secret bien gardé, qu’il a tout compris de Salinger et que ses B.O sont un rêve. Aussi parce qu’il ne veut pas grandir.
— Bill Plympton parce qu’on a jamais vu une imagination aussi débordante et un trait aussi furieux, profondément saturé.
— James Gray parce que son véritable chef-d’œuvre est à venir.
— Les frères Farrelly pour faire un clin d’œil à la mal aimée comédie « régressive ». Deux en un, un film régressif ? Vraiment ? A voir.
Clément Graminiès
1/ Pour moi, le réalisateur le plus surestimé est très certainement François Truffaut. S’il a joué un rôle fondateur dans la Nouvelle Vague et si je trouve certains de ses films admirables (Les Deux Anglaises et le continent, L’Histoire d’Adèle H), je trouve son cinéma englué dans des conventions très bourgeoises. Et d’un point de vue de la mise en scène, entre les films qui ont de véritables problèmes de montage (La Sirène du Mississippi, La Mariée était en noir, La Femme d’à côté) et ceux qui sont quand même assez laids à voir aujourd’hui (L’Argent de poche, La Nuit américaine), je ne comprends pas comment on peut élever ce cinéaste au même rang que Godard ou Rohmer.
— Au même titre, je ne comprends pas l’intérêt que l’on porte pour Kusturica qui est une véritable imposture dans le cinéma : hystérie, surcharge et prétention définissent pour moi un cinéma ambigu qui dissimule une belle misogynie (La Vie est un miracle).
2/ Du côté des réalisateurs mésestimés ou peu connus, je pense tout de suite à Robert Mulligan (pas inconnu évidemment mais pas estimé à sa grande valeur) et surtout à l’œuvre de Paul Newman en tant que metteur en scène qui, à elle seule, vaut toute sa carrière en tant qu’acteur.
Florian Guignandon
1/ Howard Hawks, John Huston, Marcel Carné, Jia Zhang-Ke, Jim Jarmusch
2/ Hideo Gosha, Mauro Bolognini, Mario Bava, Don Siegel, David W. Griffith
Arnaud Hée
1/ Beaucoup d’étoiles filantes et de réalisateurs de « films-baudruches » sont régulièrement démasqués. Tant mieux. En fait, mon attention s’est surtout portée sur « ceux qui durent » Il s’agit souvent des cinéastes que je ne méprise pas, mais pour lesquels la reconnaissance et l’engouement (des festivals mais aussi, et ça me semble plus problématique, de la critique), quant ce n’est pas l’unanimisme, me semblent assez peu fondé.
— Lars von Trier. À enfermer au fond des bois dans une maison isolée avec une sorcière castratrice, lui interdire d’évoquer Tarkovski. Après celle de l’avion, penser à lui donner aussi la phobie de la voiture, du vélo, de la marche à pied, et du cinéma. Il est possible que pour ce dernier ce soit déjà le cas.
— Pedro Almodovar. Pape épuisant d’une espagnolitude qui vampirise une belle cinématographie nationale, notamment Victor Erice ou Jose Luis Guerin, autrement plus audacieuse et riche. J’emprunte à Luc Moullet (qui aurait figuré dans la deuxième catégorie sans le bel et légitime hommage qu’on vient de lui rendre en mai au Centre Pompidou) cette formule limpide : « l’Espagnol souffre d’un handicap : il n’est pas très doué pour la mise en scène. Handicap qu’il compense largement par la richesse de son expression picturale. » Il est en effet très fort en ce qui concerne le choix du papier peint dans ses films.
— Un groupe hétéroclite de cinéastes venus des États-Unis s’impose à moi. Clint Eastwood, dont je reconnais la grande valeur de certains de ses films, mais il m’est difficile de comprendre l’emballement un peu hystérique autour de l’ensemble de son œuvre. Le rapprochement est certes périlleux, mais c’est un peu le même sentiment pour Quentin Tarantino. Quant aux Coen, là aussi malgré le plaisir procuré par certains de leurs films, je m’interroge sur la médiocrité érigée en système ; on a connu des opérations de camouflage plus honnêtes et habiles d’un manque d’inspiration. De talent ?
2/ Faut-il aimer ou détester le temps ? Je penche pour la seconde option. L’histoire du cinéma fait son œuvre, classe et déclasse, construit autant d’oubli que de mémoire, juste ou injuste. Difficile aussi de ne pas se situer ici dans un moment. Impossible même. À ceux donc, que j’oublie, que je ne connais pas, c’est-à-dire beaucoup de cinéastes, et qui sont injustement sous-estimés.
— Jean-Daniel Pollet. Figure marginale par excellence, qui a eu droit à un petit retour de flamme, trop vite retombé, lors de sa disparition en 2004 ; une filmographie incroyablement diverse, intelligente et sensible.
— Alexeï Guerman. Contemporain de Tarkovski, autre enfant terrible du cinéma soviétique, version punk bien frappée.
— Jim Mc Bride. Pas pour son remake de À Bout de souffle avec Richard Gere et Valérie Kapriski… Mais il a réalisé avant cela David Holzman’s Diary, My Girlfriend’s Wedding et Pictures from Life’s Other Side, trois films sacrément beaux et culottés. Le cinéma à la première personne lui doit une sacrée dette.
— Jacques Rivette. Le plus grand cinéaste issu de la Nouvelle Vague ? Disons au moins que ça se discute et sans aucun doute le plus constant.
— Claire Denis. Depuis 35 rhums, c’est promis, je vais regarder cette cinéaste et ses films autrement.
Anne-Violaine Houcke
1/ Pour les fausses « bonnes questions » qu’ils posent, pour les scandales gratuits :
— Laurent Cantet, parce qu’il y des Palmes perdues
— Lars von Trier, idem
— Gaspar Noé, parce que j’ai hésité à Cannes entre la consternation et le rire, et que manifestement Enter the Void ne cherchait à provoquer ni l’un ni l’autre… Y en a marre de ces réalisateurs qui font leur réputation sur la provocation gratuite (je reconnais une certaine maîtrise formelle, mais inutile au propos…)
2/ — Daniele Ciprì et Franco Maresco : deux cinéastes un peu stars quand même en Italie, deux inconnus en France… On y pense parce que Totò qui vécut deux fois vient de ressortir, et que ses réalisateurs font souffler sur le cinéma italien un vent de liberté, d’originalité et de « scandale » bien loin des provocations gratuites de certains. Et que c’est, vraiment, du cinéma. Cela peut paraître provocateur, justement, mais Totò qui vécut deux fois, c’est quand même un vrai moment de plaisir esthétique !
— Peter Brosens et Jessica Woodworth : parce qu’ Altiplano fut une révélation (personnelle) à Cannes cette année en Semaine de la Critique et qu’en parler un peu plus serait légitime
Raphaël Lefèvre
1/ Le roi des surestimés : François Truffaut, qui bénéficie en France et dans le monde d’une cote cinéphilique et critique ahurissante. Ayant accédé au rang d’incarnation du cinéma français, de classique absolu, il est quasiment intouchable. Son cinéma n’est pourtant constitué que de films platement sentimentaux, froidement romanesques, d’un académisme gentiment frémissant, d’une incroyable pauvreté du point de vue des enjeux, de l’incarnation, des sensations. Il a le malheur d’avoir inspiré une partie du cinéma français dans ce qu’il a de moins intéressant : l’intimisme, la vague fantaisie, la vaine frénésie.
— Le prince des surestimés : Arnaud Desplechin, qui – ce n’est pas un hasard – se réclame souvent de Truffaut, dont il a gardé la boulimie pseudo-romanesque et la faiblesse d’incarnation, mais dont il se distingue par une très gênante mesquinerie quant à ce qu’il raconte et par une pénible désinvolture verbeuse et tape-à‑l’œil dans sa manière de le raconter.
2/ Pedro Costa, pas vraiment mésestimé, plutôt encensé même par une frange de la critique et pourtant inconnu du grand public, sans doute parce qu’il fait un cinéma « difficile » (lent, parfois à la lisière du sordide). Mis à part le dernier, Ne change rien, où son sens de la beauté plastique tourne à vide faute d’enjeux, ses films sont d’une grandeur rares. La politique et l’esthétique s’y rejoignent en un geste nécessaire et puissant.
— Luiz Fernando Carvalho, un réalisateur brésilien dont je n’ai vu qu’un seul film, passé totalement inaperçu à sa sortie en France en 2003 et pourtant totalement éblouissant : A la gauche du père. Une audacieuse orgie baroque, un ample chant de la terre, une ode à la vie et à la jouissance, toujours à deux doigts de l’indigestion mais d’une beauté inouïe. Le réalisateur avait jusqu’alors œuvré dans le domaine des telenovelas, son incursion dans le cinéma fut un coup de maître. Il a semble-t-il poussé plus avant le délire figuratif et sensoriel dans son film suivant, La Pierre du royaume, oeuvre baroque de cinq heures que je meurs d’envie de découvrir.
Mathieu Macheret
1/ Roman Polanski, John Huston, Lars von Trier, Emir Kusturica, Louis Malle.
2/ Jean Grémillon, Andrzej Munk, John Gianvito, Santiago Alvarez, Paul Leni.
Vincent Malausa (critique aux Cahiers du cinéma et à Chronicart)
1/ Steven Soderbergh, J.J. Abrams et Nicolas Klotz (je déteste son film sur la Shoah que tout le monde avait pris au sérieux)
Camille Pollas
1/ Pour n’en citer qu’un qui m’énerve particulièrement : Clint Eastwood. En un mot : trop. Un goût pour charger ses films d’émotion dégoulinante, de morale sur le fil de l’ambigu, trop de classicisme. Et même trop de baskets blanches rutilantes au bout de ses jambes osseuses. Même la réflexivité de Gran Torino n’arrive pas vraiment à me toucher.
2/ Bergman, Bergman, Bergman et Bergman. On pourra s’étonner mais il reste en fait assez méconnu : une grande part de la critique a depuis longtemps cessé de faire mieux que de citer les grands thèmes et formes qui traversent son cinéma. Grande p(a)resse : facile d’en dire deux mots mille fois entendus, vertigineux d’aller plus loin.
En partie à cause de la première raison, l’image auprès d’un large public d’un cinéma lent, pénible, ennuyant. Faites le test, ceux qui tiennent ce discours n’ont généralement pas vu ses films. Convainquez-les de tenter l’aventure, avec par exemple Le Rite, qui ne dure qu’une heure. Le choc devrait être favorable.
Fabien Reyre
1/ Eric Rohmer et Manoel de Oliveira, avec lesquels je suis définitivement fâché
— Wes Anderson, David Fincher et Steven Soderbergh, qui m’ont emballé le temps d’un film et profondément ennuyé pour le reste, quand bien même l’ensemble de la presse et du public semble crier au génie
— Brian de Palma et Martin Scorsese, grand maîtres d’hier devenus ronflants pépères aujourd’hui
— Enfin, un joker pour Jacques Audiard, qui suscite un engouement qui me laisse perplexe, mais j’attends de voir Un prophète pour me prononcer définitivement…
2/ Sébastien Lifshitz, Raphaël Nadjari et Jérôme Bonnell : trois cinéastes qui ont un peu de peine à monter leurs films et à remporter une adhésion totale du public et de la critique, et qui me semblent infiniment plus intéressants que nombre de réalisateurs que l’on monte en épingle à Cannes ou ailleurs
— Michel Gondry : parce que même lorsque l’on parle de ses films avec bienveillance, c’est un réalisateur que l’on peine à ranger dans la catégorie des « déjà grands » alors que son oeuvre se révèle de plus en plus passionnante d’un film à l’autre
Bélinda Saligot
Surestimés, de qui parle-t-on ? Des critiques, je suppose, de ceux qui font la pluie et le beau temps… Alors à mes yeux, par rapport à ce que je lis, je vois et j’entends, il y a des gens dont on parle trop (à mon goût), et d’autres, dont on parle peu.
1/ Ce sont pour moi des réalisateurs qui enthousiasment trop souvent les critiques, avant même que le film ne sorte, on en entend déjà parler comme le Messie. Souvent, à tort. Quitte à me faire des ennemis, voici ma liste ; non exhaustive.
— Arnaud Desplechin
— Christophe Honoré
— Michel Hazavanicius (…)
— Jean-Pierre et Luc Dardenne
— Jean-Pierre Jeunet (…)
Je ne m’expliquerai pas sur ces choix, ce serait trop long, simplement, il y a des cinéastes monstrueux, et pour moi, ce ne sont pas ceux-là. Eux sont les chouchous de certains critiques. Dès qu’on les a dans la poche ces gens-là, hop, la vie d’un film se prolonge (dans les médias, il ne faut pas nier l’influence d’un critique). Et puis tout ce qui est passablement intellectuel donne l’impression à celui qui le regarde de l’être un peu aussi, et cela, c’est pas rien, la prétention de posséder une certaine culture passe souvent à travers des films comme cela (le dernier et le troisième, bien sûr, n’en font pas partis, cela, c’est inexplicable pour moi) .
2/ Sous-estimés, on ne les voit pas, ils sont peu diffusés, on trouve des articles riquiquis sur ces cinéastes, en disant, oui c’est très bien, foncez c’est difficile de faire des films comme ça, mais c’est pas nécessaire non plus puisque dans le prochain numéro on n’en parlera pas. Il y a un sentiment de bonne action dans tout ça.
— Guy Maddin
— Kim Ki-duk
— Terrence Malick (aucune rétro de ce cinéaste hors pair dans nos cinémas dits d’arts et d’essais. Rien. Même quand il disparaît. On fait de la promo à des gens parce qu’ils font des choses en ce moment, sinon, qu’ils aillent au diable)
— Le cinéma africain (on en parle ? Ah ? Où ?)
— Pierre Léon (un tout petit film comme L’Idiot est sorti dans peu de salles (si je m’en souviens bien c’était le MK2 Beaubourg et le Reflet Médicis), peu de semaines, il a été fait avec rien du tout, comment peut-il trouver un public si sa durée de vie est courte ? On pourrait me répliquer qu’il sortira en DVD, oui mais non, un film se voit au cinéma, un point c’est tout.)
— Jane Campion (c’est pas parce qu’on a eu la palme que les critiques nous aiment. Écoutez ou lisez les critiques cannoises. Si c’est un homme, il ira cracher sur Bright Star (si, je vous assure, c’est trivial, mais c’est vrai). Et comme la plupart des critiques sont des hommes, c’est pas de chance. Je crois que les femmes dans ce milieu sont acceptées en tant qu’actrices, mais pas vraiment en tant que réalisatrices, sinon, pourquoi existerait-il un festival sur les films de femmes ?)
Matthieu Santelli
Afin de ne pas rentrer dans des débats qui remettraient en cause l’histoire du cinéma et pour rester un peu dans l’actu, je vais me focaliser sur des cinéastes encore en activité, afin de porter un certain regard sur la cinéphilie d’aujourd’hui.
1/ Parmi les réalisateurs que je trouve surestimés, je retiens trois cinéastes américains :
— Michael Mann : Qui a beaucoup séduit la critique française pour ses digressions formalistes, très attachées aux sensations, aux rendus plastiques, au sein d’un cinéma hollywoodien calibré. Ce fétichisme de la forme, ou l’obsession du visuel et du son se fait un peu au détriment du récit, est généralement caractéristique des maniéristes. En soit, le maniérisme, je n’ai rien contre, mais bien souvent, j’ai du mal à y voir autre chose qu’un cache misère thématique. Je suis à chaque fois sidéré quand je sors d’un film de Mann de constater à quel point le propos de départ, plein de prétention et qui se pose comme un grand sujet, n’est jamais vraiment développé, comment rien n’en sort. L’exemple parfait, c’est Ali, pour moi son pire film, dans lequel Mann est bien peu concerné par la place qu’a tenue le boxeur dans l’histoire des Etats-Unis et son discours idéologique (on en apprend d’ailleurs très peu à ce sujet) mais préfère par contre s’attarder sur l’oreille de Will Smith, et est plus soucieux de sa façon de filmer les combats, plutôt que ce qu’ils représentent. En gros Mann s’intéresse plus à son découpage, à ses petits soucis de cadrage et de format HD qu’au monde qui l’entoure. Que les cinéphiles soient séduits par ça, démontre une certaine perte de repère par rapport à l’image cinématographique, une croyance un peu bête en une solidité visuelle, comme si le cinéma allait se jouer sur ce terrain-là. La technique a beau être une spécificité du cinéma, elle se doit avant tout d’être au service d’une vision, et non pas une finalité.
— Quentin Tarantino : Ce qui est agaçant chez ce réalisateur, c’est la manière dont il autorise soudain un certain public (le public cannois par exemple), qui prétend se distinguer par la rigueur de ses goûts, à apprécier un type de cinéma qu’il aurait d’ordinaire dédaigné. Comme si, la citation, le recul cinéphilique, le détournement malicieux, étaient des gages de qualité. Du coup je n’ai jamais pu m’empêcher de voir dans l’admiration que l’on peut vouer à des films comme Jackie Brown ou Kill Bill une pointe de condescendance, voire de mépris, pour le cinéma dont ces films se réclament. Une sorte de snobisme qui consisterait à ne les apprécier qu’à travers le prisme parodique de Tarantino. Ca me dérange beaucoup. D’autant que son cinéma reste d’un point de vue thématique très faible, très adolescent dans sa fascination un peu bébête de la violence, et sa façon d’affirmer son héritage cinéphilique, tout en copier-coller et en mélange de genre. La référence, là, devient un peu le symptôme d’une stérilité filmique.
-Paul Thomas Anderson : Je n’ai pas vu tous les films de PTA, mais les visions de Punch drunk love et There will be blood, suivies de leurs appréciations critiques, suffisent à m’inquiéter sur l’état de la cinéphilie actuelle. Il y a une chose qu’il est important de comprendre : c’est qu’un style, une marginalité, une vision du monde, ça ne s’invente pas de toutes pièces, ça se trouve. Les cinéastes classiques américains ont eu la chance d’avoir beaucoup de temps avant de trouver leur voix cinématographique et d’y construire au fur et à mesure une œuvre, avant que quelques cinéphiles les célèbrent en tant qu’auteur, souvent bien malgré eux. Les chef‑d’œuvres ne se calculent pas. Et manifestement PTA désire faire un chef‑d’œuvre avant même de vouloir raconter une histoire. Il y a donc quelque chose de tronqué, perverti dans ses films, une manière bien consciente d’élaborer une originalité visuelle, un ton, des thèmes et d’y constituer soi-même son propre statut d’artiste. Tout y est habité d’un symbolisme trop propre, de ruptures trop nettes, d’intentions trop claires. Se placer à l’encontre de ce que l’on voit généralement, prendre à rebours les attentes du spectateur, ce n’est pas être original, c’est toujours œuvrer par rapport à une norme, et donc, en fin de compte, en faire partie. Il n’y a pas de démarche plus malhonnête.
2/Parmi les cinéastes que je trouve sous-estimés, il y a :
— Hong Sang-soo : Bien sûr il est reconnu mais pas pour ce qu’il est à mon sens : le meilleur cinéaste en activité aujourd’hui. Des réalisateurs qui filment comme ils l’entendent, qui ne se positionnent pas par rapport aux autres (chose que l’on trouve chez tous les autres cinéastes Coréens notamment) mais qui inventent leur propre système, dont la mise en scène n’est que le pur résultat de leur vision du monde, c’est rare aujourd’hui. Et de tous les metteurs en scène qui ont pu émerger durant ces dix dernières années, je ne vois que lui qui correspond à ça. Cette façon qu’il a de toucher, à travers des personnages et des mœurs typiquement coréens, à l’universel, de nous parler de nous, de nous montrer tel que nous sommes, de filmer littéralement les rapports sentimentaux et sociaux qui nous unissent ou nous séparent, c’est certainement ce qu’il y a de plus précieux dans le cinéma actuel.
— Tsui Hark : Bien sûr, lui aussi est reconnu, mais le caractère en dents de scie de sa filmographie le discrédite trop facilement aux yeux de la critique pour qui il est avant tout un réalisateur parfois inspiré mais inégal. Son œuvre est pourtant incroyablement riche, et très moderne dans son approche cinéphilique où se combinent la conscience d’un héritage culturel et le désire de le faire évoluer vers l’expérimentation. Inventeur fou, formaliste qui ne néglige jamais le récit, cinéaste kamikaze— donc très stimulant — , il a trop été éclipsé par des réalisateurs plus « présentables » comme Wong Kar-wai. Mais c’est justement cette fidélité au cinéma commercial et de genre qui me séduit et que je trouve bien plus authentique et instructive sur la culture chinoise que ce que nous renvoie ce que j’appelle le cinéma de festival. Sa carrière semble aujourd’hui être coincé dans un creux, je reste curieux de savoir ce qui va en sortir…
— Sylvester Stallone : Le rire que ce nom provoque à chaque fois que j’essaie d’en parler m’insupporte de plus en plus. Cette moquerie idiote et facile (due à une filmographique parsemée de quelques films poussifs, mais dans l’ensemble très honorable) empêche vraiment de voir à quel point cette ancienne star de films d’action peut se révéler un réalisateur sensible. Ce que j’aime dans les deux derniers films de Stallone (Rocky Balboa et John Rambo) au-delà du caractère passablement improbable de leur existence, c’est la façon dont toute la mégalomanie de l’acteur débouche sur une grande humilité de la réalisation. Aucune prétention chez lui, juste l’ambition de servir son histoire efficacement mais toujours soutenu par le désir de se raconter, de parler de lui. En résulte des films très personnels, pas du tout démonstratifs et qui ont foi en le spectateur en ne ressentant pas le besoin de flatter son intelligence, de l’asperger de psychologisme. Certes, c’est du cinéma mineur, ça ne révolutionnera pas grand-chose, mais dans le paysage narcissique et boursouflé du cinéma américain actuel, cette simplicité me touche.
Ophélie Wiel
1/ Quitte à paraître un peu vieux jeu (« c’était mieux avant »), 5 cinéastes contemporains dont l’univers m’ennuie ou m’exaspère au point que j’ouvre de grands yeux écarquillés quand on les défend.
— Quentin Tarantino : j’ai abandonné après Kill Bill, déluge de second degré complètement ridicule. Mais peut-être n’ai-je simplement pas les bonnes références. J’avais pourtant déjà vécu Pulp Fiction comme une torture. Tarantino, c’est beaucoup beaucoup trop de bruit pour absolument rien à l’arrivée.
— Brian de Palma : même pas un maître qui se fatiguerait, comme d’autres avant lui… Pour moi les films de De Palma, « vieux » ou récents, n’ont jamais présenté d’intérêt… Comment le faiseur de Scarface peut-il se considérer comme l’héritier du cinéma hitchcockien ? Offrir un mauvais rôle à Al Pacino, c’est déjà une insulte en soi. Faire des films aussi stupides — et du même coup faire oublier un vrai chef d’œuvre du même nom — se passe de commentaires. Dans le même registre, Oliver Stone n’avait pas besoin de réaliser World Trade Center pour m’insupporter. Platoon, JFK, etc. Bof, bof, bof.
— Shyamalan : le roi de l’esbrouffe. Une fois percé « l’insoutenable » suspense de ses films construits comme de mauvais best-sellers, que reste-t-il ? Rarement un bon spectacle, de fausses bonnes idées et une morale parfois douteuse (l’horrible Signes ou le très passable Phénomènes en sont de bons exemples).
— Steven Spielberg : à part pour Duel et peut-être La Liste de Schindler (car je suis une horrible sentimentale), voici un cinéaste qui ne m’a jamais touchée et qui m’est toujours apparu comme un faiseur de blockbusters pour box-office, jamais comme un auteur (toute la différence selon moi entre un « réalisateur » et un « cinéaste »). Ses films des années 1980 et 1990 semblent aujourd’hui bien datés, ce qui est à mon avis la marque d’un réalisateur dont les cinéphiles se souviendront à grand peine.
— Judd Apatow : si j’éprouve un certain respect, même infime, pour les cinéastes pré-cités, en voici un qui ne m’inspire que du mépris. Je n’ai même plus envie qu’on essaie de m’expliquer pourquoi il faut voir dans cette bouse, 40 ans toujours puceau (filmé avec les pieds et une image abominable), un sommet de comédie alors qu’il ne s’agit que d’un délire d’ado aussi vide de sens et crétin qu’une romance pour filles (mais comme la plupart des critiques de cinéma sont des garçons…).
2/ Des cinéastes qui mériteraient plus de reconnaissance qu’on ne leur attribue sont légion. Je ne connais pas l’oeuvre de Luc Moullet ou de Pierre Etaix, mais je suis certaine qu’ils ne sont pas estimés à leur juste valeur, bien qu’on les sorte du placard de temps en temps pour faire bonne figure. Ceux dont les noms me viennent à l’esprit ont été écrasés par leurs contemporains, pour des raisons obscures, souvent extérieures à leur talent.
— Ainsi, Cukor et Hawks sont des maîtres incontestés de la comédie, mais l’inénarrable Preston Sturges et le délicat Gregory La Cava n’ont rien à leur envier
— En France, le génie de Marcel Carné et de Jean Renoir a éclipsé celui de Jean Grémillon, dont les films se rattachent pourtant aussi au genre du réalisme poétique, et du plus inclassable Jacques Becker, dont la scène de danse de Casque d’or continuera longtemps de me hanter
— Enfin, pour changer de continent, on oublie souvent à l’ombre du génial Satyajit Ray son contemporain et compatriote Ritwik Ghatak, dont l’oeuvre torturée et tragique, cinématographiquement brillante, mériterait qu’on la (re)découvre vite, vite, vite.