17 octobre 1961. Des milliers d’Algériens, sous le coup d’un couvre-feu imposé par les autorités françaises, manifestent pacifiquement dans les rues de Paris, à l’appel du FLN (Front de Libération Nationale). La répression, sous la coupe de Maurice Papon, alors préfet de police, sera féroce. Arrestations, blessés en pagailles. Hommes jetés à la Seine. Alors que les travaux de nombreux historiens parlent de centaines de morts, le dernier bilan officiel toujours avancé par la France est la petite centaine de morts dont a parlé, en 1988, Constantin Melnik, conseiller du Premier ministre Michel Debré.
Cinquante ans après, les salles de cinéma s’emparent de « l’événement » : deux documentaires inédits, qu’on peut mettre en regard l’un de l’autre, qui dialoguent, diffèrent et se complètent, sortent simultanément sur les écrans : Ici on noie les Algériens, de Yasmina Adi et Octobre à Paris, de Jacques Panijel. Le premier a été tourné avec le recul du temps, la précision de la recherche, de l’archive interprétée, montée, analysée. Le second, tourné pendant et juste après la manifestation, fut interdit puis bloqué pour des questions de droits jusqu’à aujourd’hui. Les deux films permettent, enfin, de lever le voile du tabou, de pouvoir peut-être enfin substituer officiellement, au mot « événement », le terme de massacre.
Cinquante ans après les meurtres de la police française, le sang des victimes remonte à la surface. Sur les écrans de cinéma, dans les mots des témoins de l’époque, dans l’appel d’intellectuels, d’hommes politiques, d’artistes, pour la reconnaissance des responsabilités de la France. On attend qu’il remonte à la gorge du locataire de l’Élysée… et qu’il parle.