Après Le Plein Pays, documentaire laconique sur les traces d’un Prométhée miniature, Antoine Boutet change d’échelle et pose sa caméra au chevet d’un chantier titanesque. Sud Eau Nord Déplacer tire son nom du plus vaste projet de dérivation d’eau au monde, dévisageant la Chine au passage sur les caprices des mandarins. Pour autant, le film ne s’en tient pas à une simple dénonciation politique. Il décolle miraculeusement du réel pour planer sur les ailes de visions chimériques, bien aidé dans sa conquête mythologique par le paysage-même, inouï et sans égal. Usé par un film qui aura mis cinq ans à sortir de terre, le cinéaste revient avec nous sur les choix qui ont présidé à l’élaboration de cette fable expérimentale – entre documentaire et surréel.
Votre film a connu un parcours plutôt atypique, vous êtes parti filmer en Chine à plusieurs reprises, puis vous avez cousu un pécule de mille pièces, avec notamment le soutien du festival de Belfort. Quelle économie avez-vous bricolée ?
En terme de production, si le film a pris autant de temps, c’est aussi parce qu’on a eu du mal à le monter financièrement. L’écriture a commencé en 2008, les repérages en 2009, puis en fonction de l’argent qu’on obtenait, je partais, puis je revenais. J’avais un producteur dès le départ, Les films du présent, puis au bout de quelques années on a sollicité un coproducteur, qui nous a permis de souffler un peu. Et comme cette structure était basée en Aquitaine, cela permettait de solliciter des fonds régionaux. On a par la suite obtenu les aides de développement classiques, de développement et de développement renforcé, et petit à petit, de voyages en voyages, le film s’est finalement orienté vers le cinéma. D’abord parce que les TV ne répondaient pas, et ensuite parce que la matière que je ramenais me laissait penser que ça pouvait donner lieu à un film de cinéma. On a recherché des financements dans ce créneau, mais le film s’est quand même fait avec une économie très réduite. Je suis au cadre, il y a un chauffeur et un assistant traducteur, c’est tout. Chaque repérage s’est fait à trois.
Vous venez de l’art contemporain, vous avez étudié en école d’art, et comme plusieurs cinéastes récents, vous passez par le documentaire pour aboutir au cinéma. Pourquoi le cinéma ? Avez-vous gardé un pied dans le milieu de l’art contemporain ?
J’étais dans les arts plastiques, je viens de là, j’ai fait les Arts Déco de Paris et les Beaux-Arts. J’ai toujours travaillé autour de l’image animée, mais sous forme d’installation vidéo, et j’ai petit à petit ressenti de la lassitude à rechercher des financements dans ce milieu-là. Mais j’ai toujours été intéressé par le documentaire, je le traitais simplement sous d’autres formes, comme l’installation. Puis je me suis retrouvé, avec un autre projet en Chine, Zone of Initial Dilution, à décliner le projet en format simple. Il y avait deux écrans, et je les ai réduit en un. Pour la première fois, je me suis dit que ça pouvait intéresser d’autres gens que le public de l’art contemporain.
Comment l’idée vous est-elle venue ?
Le sujet s’y prêtait, pour la première fois. Et c’était pour moi une manière de prolonger la durée de vie de mon travail. Lorsqu’on fait une expo, la projection dure deux mois, puis plus rien. J’ai fait ce test, avec Zone of Initial Dilution, qui a plutôt bien marché, grâce au réseau des festivals puis des centres d’art et musées qui ont choisi de le diffuser. C’était un film très contemplatif qui intéressait autant les gens de l’art plastique que du documentaire. J’ai continué dans cette voie, tout en faisant des expositions. Je ne me suis jamais dit « je vais faire un film », avant de chercher mon sujet. En règle générale, je commence sans me poser la question du support final. S’agira-t-il d’une installation ? D’un film ? D’audio ou d’une publication ? Peu importe.
Qui sollicitiez-vous pour l’art contemporain ? Doit-on, comme au cinéma, passer par un producteur, puis par des aides publiques ?
Pas du tout, les musées nous commandent des œuvres pour des expositions. Les musées ou des résidences, où l’on crée le temps de la résidence. C’est une démarche complètement différente. Dans ce nouveau film, ce qui m’a intéressé d’emblée, c’est que personne ne s’intéressait à mon parcours. Ce n’était pas fondamental. Le sujet primait. C’est une différence majeure avec le milieu de l’art contemporain, où l’on a plutôt tendance à regarder qui vous êtes avant d’accepter le projet. L’avantage de venir de l’art contemporain, c’est que je n’ai jamais appris à faire un documentaire. J’aime beaucoup le documentaire, mais le fait d’avoir travaillé sur la durée, les plans, et le son dans le cadre d’installations où l’on peut se permettre plus de choses, tout cela m’a facilité la construction du film. Je ne me réfère pas à des films existants, je pars de mon propre désir, et de ce qui me plaît.
Justement, cette précaution plastique, que l’on retrouve dans certains plans presque picturaux, vient-elle de votre parcours ou du sujet-même ? De ces paysages éléphantesques ? Car une bonne partie du film est constituée des plans contemplatifs, loin du régime de mobilité et de resserrement du Plein Pays, votre précédent film.
En fait ça s’est imposé avec le premier film que j’avais fait sur la Chine, sans chercher à porter un regard particulier. Je me méfie pas mal de ce genre d’esthétique, comme ça… Les plans fixes bien léchés, presque photographiques, c’est quelque-chose qui m’attire et m’est venu par l’impossibilité de faire autrement. J’étais confronté à une nécessité de recul, parce que l’espace était très vaste, donc j’ai naturellement pris de la distance pour avoir des vues d’ensemble. À cela s’ajoutait la difficulté de parler aux gens, en tant qu’étranger. Ils étaient assez méfiants. J’ai donc préféré rester en retrait. Jusqu’où peut-on aller avec l’image seule pour raconter un projet de ce type ? Mais petit à petit, je suis passé d’un état des lieux du terrain, tel que je le voyais, à des rencontres.
On a l’impression qu’il y a deux films en un, qui lutteraient l’un contre l’autre sans entente possible. Comment s’explique cette façon de dialectiser des plans d’ensemble avec des passages plus immersifs, à la limite du cinéma direct. Il y a une sorte de…
D’aller-retour ?
Il y a surtout une sorte d’indécision, comme si aviez dans un premier temps été fasciné par ces paysages pharaoniques, avant que ne surgisse une mauvaise conscience qui aurait présidé à la rencontre un peu tardive des ouvriers. On passe de tableaux lunaires, avec un regard d’enfant posé sur des chantiers démesurés, à un inconscient politique qui escamote l’imaginaire et ramène le film sur terre.
Cette question-là existait dès le départ. En fait, je me méfie de moi-même. Et là je me méfiais d’une facilité qui aurait consisté à ne filmer que le paysage. J’en ai vu les limites dans les films précédents. Je sais qu’on peut raconter plein de choses en filmant le paysage, et je savais aussi où cela buterait. J’ai toujours eu en tête de ne pas tomber dans une « patte » qui serait la mienne, un effet de signature. Faire un film uniquement constitué de plans fixes ne m’intéressait pas. Je voulais aller un peu plus loin et mettre ma position en retrait, pour capter d’autres éléments. Même si cela devait perturber l’esthétique d’ensemble.
Ça la perturbe, il y a même un conflit esthétique.
Oui, tout à fait. Mais justement, c’est une question qui est devenue très importante au montage. Le dosage des transitions, comment passer d’un moment de discussion ou de conflit proche du reportage à des scènes plus photographiques ? Je pense qu’il y avait un équilibre à trouver pour que l’ensemble s’articule. Mon souci, en tant qu’étranger en Chine, était de ne pas revenir avec un film où je me serais servi du pays, des gens, pour continuer mon propre travail plastique, personnel. Quelque-chose m’ennuyait là-dedans.
Une forme de mauvaise conscience ?
Pas une mauvaise conscience, mais plutôt un questionnement permanent. Qu’est-ce que je fais moi, étranger en Chine, et que vais-je raconter ? Je ne peux pas utiliser tout ça pour en faire un film personnel qui sera MON film, pour les musées, les galeries… Ce qu’on m’a parfois reproché. Comment aller plus loin pour intéresser un plus grand nombre de personnes, et comment transcrire les informations glanées en film de cinéma ? Il me semblait que ce travail était important, et que s’il devait passer par des entretiens et des séquences plus classiques dans leur forme, pourquoi se les refuser ? De même qu’il me semblait dommage de me refuser un ajout de musique par principe. Il faut toujours questionner la radicalité. Est-ce qu’on ne recrée pas un autre académisme finalement, qui existerait dans les films d’artistes ? Bon, il faut bien dire qu’on ne tombe pas non plus dans un film très classique, ce n’est pas du grand reportage, au sens journalistique. Tout simplement parce que je ne sais pas le faire. Il y a quelques interviews, des moments façon « caméra direct » avec des gens, qui correspondent à des scènes vécues, mais dans l’équilibre il n’y en a pas tant que ça. D’ailleurs, on ne commence pas là-dessus.
Vous cherchiez à vous déprendre d’un geste d’artiste ?
D’une part je filme les paysages, et d’autre part je filme les gens. On pourrait même rajouter un troisième aspect, avec des séquences plus oniriques, où intervient la musique, et cette caméra qui bouge, des séquences qui bougent. On est dans un autre traitement encore.
Pourtant ces plans en mouvement et en musique, on les rattache aux plans fixes. On y retrouve la même curiosité d’explorateur, de cosmonaute ou d’opérateur des premiers temps.
La question importante c’était : comment parler du projet ? Comment l’amener plus loin dans sa dimension politique ? Je voulais recueillir des éléments d’opposition à ce gros chantier. Je les ai trouvé en rencontrant les gens, et dans leur impossibilité de communiquer sur ces sujets-là. Parce que ce qui m’intéressait dans ce projet, c’est d’une part la dimension politique d’un projet urbain, mais aussi les traces qu’il inscrit dans un paysage et sur les gens. Et en même temps, la découverte de cette poignée d’individus en lutte me paraissait importante. Qu’il y ait, à un moment, par la voix et par des corps, des gens qui s’opposent à cela, sans pouvoir communiquer.
On avait déjà le sentiment d’assister à un film de géologue devant Le plein pays, et une fois encore, ce n’est pas en sociologue, ni en ethnographe ou en journaliste que vous montrez la Chine, mais en géographe. Ce qui vous intéresse, c’est le dessin des paysages.
Oui tout à fait, je suis surtout sensible à l’espace urbain. Sous d’autres formes, ça a très longtemps été ça, les transformations mêmes minimes de l’espace urbain ou d’aménagement urbain. Les périodes de chantier, où l’espace va être transformé, c’est un laps intermédiaire. On ne peut plus revenir en arrière, et on ne sait pas exactement où on va. Encore une fois, même si j’avais beaucoup d’informations sur ce chantier colossal, je partais sans réellement connaître le sujet du film. Je pense que c’est justement en cherchant dans la matière, dans ce que je trouvais en marge des chantiers, que s’est dessiné le film. J’avais besoin d’être sur le terrain au départ, pour savoir comment traduire et représenter sans forcément comprendre ce que je vois. J’essayais de filmer des éléments qui, les uns ajoutés aux autres, pouvaient déjà raconter quelque-chose. Pas la nature même du projet hydraulique, mais raconter une histoire de transformation, de chantier plus global qui change la Chine. Je parle de la Chine, mais je cherche aussi à rendre l’expérience commune. Finalement, on retrouve le même type de transformation ailleurs. Pas à cette échelle, mais je restais attentif à ne pas faire exotique. Qu’on ne se dise pas « ça se passe en Chine mais c’est normal, ça se passe là-bas », mais qu’au contraire, les gens s’interrogent aussi sur les transformations du paysage, entre la campagne et la ville, de façon plus globale.
Vous parlez de projets urbains alors que Le Plein Pays est perdu en pleine forêt, et Sud Eau Nord Déplacer en rase campagne. De la ville, il n’est jamais question finalement…
Quand je dis « urbain », je parle de l’urbanisme au sens large. Je me trompe peut-être, et qu’il ne s’agit que de la marque de l’homme dans le paysage, d’une manière ou d’une autre. Là c’est un détournement d’eau, mais c’est surtout la transformation d’un espace naturel pour des besoins précis. En Chine le besoin est lié à un enjeu économique, toute l’économie du pays dépend de ces gros projets. C’est aussi une manière pour les hommes politiques de marquer leur temps, comme Jean-Marie dans Le Plein Pays qui avait besoin lui aussi de dompter la nature autour de lui, et de laisser une trace. Les deux films sont marqués par une inquiétude dans l’avenir. D’ailleurs, j’avais la même approche dans les deux cas. Je débarque dans un territoire inconnu que j’apprends à apprivoiser. Dans Le Plein Pays comme en Chine, j’avais beau être en France, je me retrouvais à vivre avec une personne que je ne comprenais pas, et sur laquelle je n’avais aucune emprise. On était étrangers tous les deux. J’aime que ces films suivent ma propre progression sur le terrain, et qu’ils véhiculent mon incertitude des débuts, avant que les choses ne se décantent.
Vous ne prêtez pas vraiment allégeance au réel, vous y faites pousser du mythe. Jean-Marie était déjà un personnage caillouteux et prométhéen à son échelle, ici rebelote, les silhouettes viennent immédiatement s’installer dans notre imaginaire. Fantasmez-vous toutes ces visions ?
Non, c’est quelque chose que je ne pourrais pas expliquer. Je n’ai pas d’idées préconçues. J’ai juste un sujet qui m’intéresse, ce qui au passage est très rare, et d’un coup une rencontre se produit. Mais j’essaye de ne pas trop y réfléchir. On peut avoir l’impression que je fais la même chose, mais ce genre d’associations dont vous parlez, je ne les aperçois qu’après-coup. Je les détecte bien, je suis conscient de mes obsessions. Mais je travaille de manière assez intuitive à ce niveau-là, je me fais confiance sur des choix que je ne pourrais pas totalement expliquer. Parfois, je me retrouve devant un chantier et quelque-chose surgit comme une évidence. Je ne peux pas me l’expliquer, mais j’ai besoin de filmer cette chose. C’est après, au montage, que j’arrive à l’articuler. Ce sont des moments que j’aime beaucoup. Faire confiance à des intuitions, quitte à sculpter plus tard. Pour en revenir à la dimension mythologique dont vous parlez, elle existe, ce n’est pas pour rien que le film commence par un texte ancestral. D’ailleurs j’ai toujours envie que les images documentaires décollent vers autre chose. Que des indices nous permettent de les voir autrement, soit par l’ajout de ce texte, soit par des associations de montage, de plans. Par moments, on se rapproche davantage de la fiction que d’un travail documentaire.
C’est là que les plans plus journalistiques paraissent en porte-à-faux. On décolle du réel, puis vous nous ramenez, par touches « documentaires », à la réalité. Vous y revenez contre le film, en quelque-sorte à rebours.
C’est quelque chose qui a été soulevé, oui. D’un coup, ce qui se dit me paraît plus important que ce que je montre. Est-ce à dire que je n’ai pas réussi à le dire autrement, peut-être… Mais ça me paraissait intéressant de voir des gens, et de les entendre. C’est important qu’il y ait ce philosophe par exemple, qui apporte une figure humaine. Il n’y a pas que moi et mes associations oniriques, il y a un contrepoint vivant.
Vous semblez associer les images de l’art contemporain à un formalisme. Est-ce à dire que le cinéma exigerait du contenu et de l’humain ? Une histoire, autrement dit ?
Ce n’est pas tant une histoire de milieux qui s’opposent que de dispositifs. Quand on fait une installation vidéo, il faut gérer l’espace et le temps, on sait bien que l’espace de l’exposition n’est pas une salle de cinéma. Ça tourne en boucle, les gens viennent, repartent, ils ne stationnent pas longtemps, ça circule. J’ai du mal avec les travaux quasi-documentaires dans les salles d’exposition, ils pullulent, et c’est très rare que de voir des choses intéressantes – voire adaptées au lieu. Il n’y a aucune prise en compte de l’espace, or cette question se pose tout le temps. Il y a moins d’informations, moins de personnes qui parlent, mais des choses que l’on peut capter en 10 minutes. Une ambiance, même s’il y a une progression, suffit. Les gens peuvent revenir après, etc. On ne peut pas mettre un film de cinéma dans une salle d’exposition et inversement.
Pourtant ça se fait de plus en plus…
Oui mais ce n’est pas pour ça que c’est réussi. Je trouve que c’est de pire en pire. Avec les vidéos à tendance documentaire, c’est soit inintéressant, soit tape-à‑l’œil, mais jamais mémorable. Il n’y a pas de prise en compte de la manière de montrer les images. Ce n’est pas parce qu’on rajoute des écrans que la vidéo devient géniale, c’est débile ! Je pense qu’au cinéma, on ne peut pas montrer ce qu’on montrerait en installation. J’essaye de pousser au maximum les limites de ce qui m’intéresse dans la durée d’une image, je ne m’empêche pas un plan de 3 – 4 minutes par exemple. Or ce film-là se destine à la salle. J’aimerais qu’un public extérieur au documentaire et à l’art contemporain s’y intéresse. Si le public me questionnait sur la Chine ou le projet de déplacement d’eau en sortant du film, ce serait gagné. Contrairement à ce qu’ont pu me dire les télés, qui reprochaient au film son absence de voix-off, je pense qu’il ne faut pas prendre le public pour un con.
Et puis la majesté de vos plans le destinait de toute façon à la salle.
Oui, parce que les échelles et les durées sont amples. Encore qu’aujourd’hui les télés sont très grandes, mais bon. Ce n’était pas tant pour les plans que pour un défaut de didactisme. Je ne dis pas non plus que le film est radical, et quand on va en festival on se rend compte qu’il existe des choses assez surprenantes, qu’on ne voit que là-bas. C’est dommage. Mais je suis un grand nostalgique du vrai documentaire, d’il y a 20 ou 30 ans, en pellicule. Il y avait les moyens du cinéma pour faire du documentaire, c’est quelque-chose qui m’a marqué, plus que ce que je vois aujourd’hui.
Immédiatement votre film rappelle Still Life, de Jia Zhang-ke, sa romance sur fond de Barrage des Trois Gorges. D’ailleurs le projet « Sud Eau Nord Déplacer » en découle.
Quand Jia Zhang-ke tournait Still Life, je tournais au même endroit le premier film que j’ai fait en Chine, Zone of Initial Dilution. On retrouve des plans identiques d’un film à l’autre, une tour disparaît dans son film, elle apparaît au même endroit dans le mien, on se talonnait. On n’a pas connu le même succès évidemment ! Mais c’est en travaillant sur ce premier chantier que j’ai entendu parler de ce projet de dérivation d’eau qui me permettait d’aller un peu plus loin, de passer plus de temps là-bas et d’explorer. Ce qui est drôle, c’est qu’avec ce dernier film, on m’a à nouveau parlé de son dernier titre, A Touch of Sin. Même si c’est très différent, il y a encore une fois un travail sur la violence, la violence du monde politique mais aussi des étendues, des paysages, des territoires, et pas mal d’éléments qui permettent de tisser une correspondance.
Et pour la suite, avez-vous d’autres projets en chantier ?
Non. Aucun. Rien, rien. Celui-là a été très long. Trop long. D’autant que je l’ai lancé en même temps que Le Plein Pays. Je savais qu’il y aurait un vide après. Aujourd’hui, je cherche du travail. C’est tout le paradoxe, on fait des films et on se retrouve sur la paille en sortant !
On vous sent fatigué par tout cela.
Ouais… Ouais. Forcément, on se pose beaucoup de questions. Comment faire un film aujourd’hui, et pour qui ? Je pense qu’il y a des choses à inventer pour faire des films de nos jours, pour continuer à faire des films. Pour ne pas s’épuiser à faire les choses. Des choses vont être inventées entre les structures associatives, le monde de l’art, tout ça. On est plusieurs à se poser la question. Le cinéma n’est pas la seule solution. Il reste des choses à inventer.