Pouvez-vous pour commencer raconter « l’histoire » d’Ode pavillonnaire, en précisant son dispositif très particulier, aux confins du documentaire et de la fiction ?
Au départ de ce film, il y a l’envie de travailler sur l’espace pavillonnaire, principalement sous un angle esthétique. Je m’intéressais à l’architecture et j’avais envie de me pencher sur ce type de construction délaissé par la pensée architecturale. J’ai commencé à regrouper les maigres informations à ce sujet avant de voir comment je pouvais orienter un projet de film. Ceci tout en sachant que je partais d’une situation un peu paradoxale en ayant passé une partie de mon enfance dans un pavillon, que j’avais quitté ensuite pour, je dirais presque, me réfugier en ville. Étant très en désaccord avec ce type d’habitat, j’avais d’emblée une position critique en même temps qu’un lien affectif du fait que mes parents vivent toujours en pavillon. Et j’avais moi-même passé du temps là sans être particulièrement malheureux. À mesure que j’avançais dans mes recherches et lors des premiers repérages, j’en suis arrivé à cette idée de mettre en scène le pavillon, ma famille, mes parents ma sœur et moi-même, afin de réfléchir au pourquoi de ce pavillon. Quels étaient les désirs de départ et pourquoi en est-on arrivé à ce que je considère, très globalement, comme un ratage ? J’avais envie de repartir de quelque chose qui me touchait personnellement, ce qui écarta l’idée de suivre par exemple un couple en train de faire construire. L’idée de mettre en scène ma famille partait de l’envie de faire émerger une critique du sein même du dispositif de filmage et de me mettre en scène. Ce qui est inhabituel pour moi qui suis, jusqu’ici comme documentariste, normalement bien au chaud derrière la caméra. En passant devant, ça provoque une foule de choses, et permet de mettre observés et observateurs dans une situation d’égalité. Un autre type de parole peut émerger et surtout émerger directement depuis le pavillon et non plus à distance, d’un point de vue extérieur, derrière une vitre.
Le dispositif est très fantaisiste, avec une permanente touche humoristique, on distingue en même temps une très grande rigueur dans la mise en scène, le filmage. Pouvez-nous préciser l’organisation et le déroulement du tournage ?
Dans un premier temps, il y a eu une phase de recherche documentaire visuelle avec une petite caméra et un appareil photo, je me suis promené dans les lieux. J’ai réalisé des entretiens avec mes parents, tout ceci s’ajoutant à des lectures nombreuses, parfois assez théoriques. À partir de ces éléments, j’ai construit un scénario dialogué très proche de la fiction, il s’agit de quelque chose de très écrit, je dirais presque trop. En cours de tournage, j’ai laissé un peu de cette rigueur pour laisser advenir des choses plus propres au documentaire, donnant cette coloration assez vivante au film. Par goût personnel et aussi du fait qu’il s’agit de mon premier film en pellicule avec une équipe, il y avait cette volonté de maîtrise assez forte. On retrouve cette rigueur dans les cadrages, souvent frontaux, les adresses caméra des personnages. Mais cette démarche trouve selon moi son sens avec cette prise de parole qui est une forme de revendication publique. Pour moi, la caméra est presque une chaire de prêcheur, ça m’intéresse de faire émerger cela dans un dispositif documentaire. La volonté était de ne pas être dans l’illusion d’un effacement de la caméra, avec des personnages qui feraient semblant de ne pas savoir qu’on les filme. Mon option est plutôt celle de l’intrusion d’un objet dont les personnages doivent essayer de se saisir à un moment ou à un autre.
Vous parlez de la prise de parole, mais il y a aussi le sens des mots, vous titillez vos parents sur ce point. Qu’est-ce qu’un pavillon ? Qu’est-ce qu’une maison ? On sent donc que les mots ont une place centrale. Est-ce que vous pouvez préciser les différents statuts et dispositifs de langage ?
Le film est constitué de plusieurs strates. Il y a un phrasé assez particulier dans la mesure où les personnages se réapproprient, en lisant ou en jouant, des textes issus des premiers entretiens documentaires réalisés à partir d’un questionnaire très classique. À partir de ces questions, j’ai agencé des dialogues, des correspondances selon les réponses des uns et des autres, au sein de petites saynètes typiques de la vie en pavillon. Avant chaque séquence, je communiquais aux uns et aux autres les textes, que nous réorganisions : chacun se retrouvant ainsi dans une réappropriation de sa parole. Cette démarche a au fur et à mesure trouvé son sens par le fait qu’un pavillon est bien sûr un endroit pour se loger, élever ses enfants, mais aussi, à mon sens, une sorte de prise de parole publique. Le pavillon, c’est la maison, c’est ce qui transparaît de soi dans l’espace public, comme la revendication d’une parole. Quant à l’intérieur du pavillon se joue aussi quelque chose qui est de l’ordre du théâtre, qui va dans le sens de la prise de parole. Tout ce que je trouvais allait en direction d’une mise en scène de soi. Il y a donc principalement deux couches de langage. L’une relève quasiment de la conversation, qui accompagne le film comme un intertexte, même si elle contient beaucoup d’informations. Ce niveau de langage est un échange qui court, comme une réflexion qui coule de manière associative. S’articule, comme le contrepoint en musique, une deuxième couche de parole qui est ce que l’on a envie de revendiquer, qui s’incarne dans une prise de parole que l’on adresse aux autres. Pour résumer très simplement : il y a la conversation et l’adresse. Ces deux paroles me semblent indissociables, nécessaires et complémentaires.
Comment avez-vous présenté le projet à vos parents et à votre sœur ?
Je l’ai présenté de manière à la fois très frontale et byzantine. À partir du moment où je me suis dit que le bon endroit à filmer était le pavillon de mes parents, je leur ai exposé les envies que j’avais autour de ce film, en leur demandant s’ils acceptaient le principe d’y participer. Ils étaient un peu surpris, mais en même temps la maison est un espace qui a une importance pour eux, et le fait d’avoir à réfléchir sur ce que l’on a fait au bout de 25 – 30 ans présentait à leurs yeux un certain intérêt. À partir de leur accord, il était entendu qu’on n’allait pas revenir dessus. La mise en scène s’est construite ensuite au fur et à mesure et ils l’ont acceptée tout en la trouvant surprenante, dérangeante. Des aménagements se sont faits en cours. Au départ, j’avais beaucoup plus l’envie qu’on lise les textes. Mes parents, quant à eux, voulaient jouer, revendiquer…
… être plus dans l’incarnation…
…voilà, sans papier devant, ce qui était perçu comme une gêne, une entrave.
Il y a donc eu une place pour l’improvisation.
De fait, oui. Il y avait un plan de travail assez rigoureux, mais les textes pouvaient bouger à chaque fois que nous abordions une séquence.
Passons à des éléments plus généraux sur le phénomène pavillonnaire. Pourriez-vous dire en quoi le fait de vivre dans ce type d’habitat détermine le regard que l’on porte sur le réel ?
Un mode de regard sur le réel… Oui, au même titre que tout point de vue, à partir du moment où l’on découpe l’espace et pose des barrières, ça structure le champ de vision et la façon de regarder. L’espace pavillonnaire est un espace encombré, mais en même temps il y a des failles, des endroits où regarder, qui n’ont pas été prévus pour. Ce qui en fait un espace intéressant à filmer, où l’on a pris beaucoup de plaisir, avec le chef opérateur Sébastien Buchmann, à cadrer, à s’approprier cet espace. Après, je parlerai plus de mode de vie. Pour la plupart, ce sont des lieux où il y a généralement un point d’entrée et de sortie, où il n’y a pas de commerces, pas de vie sociale. On se croise, on circule beaucoup en voiture. Voilà les grandes tendances. On est un peu craintif, recroquevillé chez soi. Beaucoup de gens vivant en pavillon ont fui l’habitat collectif, c’est le cas de mes parents, avec cette idée de tranquillité, du chacun chez soi, qui est le grand mot d’ordre…
… il y a aussi des formes d’appropriation, notamment lorsque votre mère dit : « notre lotissement ».
Oui, mais pas avec ce sentiment qu’il s’agit d’une entité en soi. C’est une entité physique dans un sens non collectif. Quand mon père évoque le bas du Bourg de Fondettes quand il était petit, c’est incarné, les gens se connaissaient. Ce qui paraît sidérant pour un bourg de 4000 habitants, c’est le fait que ceux du bas du Bourg se battaient régulièrement contre ceux du haut, séparés de 100m. Il y avait… [il rit]… une vraie forme de cohésion sociale, qui n’existe pas du tout dans le lotissement. Moi gamin, nous jouions avec ceux du Moulin à Vent, alors que nous étions du Val Joli, mais ce n’est pas comme ça que nous nous déterminions. Mes parents qui vivent là depuis trente ans sont incapables de nommer plus de dix habitants du lotissement, et d’ailleurs la réciproque est vraie. C’est une forme de structuration de l’espace qui génère un repli.
Vous évoquez l’anarchiste Jules Bonnot, votre père parle d’un « fil à la patte » qui rend moins mobile et contestataire, le film est aussi un discours sur l’atomisation des individus. Quelles dimensions et résonances politiques donnez-vous à cette forme d’habitat ?
Le film adoucit un propos très virulent, le fait qu’il s’agit d’une formidable machine à aliéner. C’est un de mes regrets par rapport au film, pour des questions de rythme et de mise en scène, il a fallu faire l’impasse sur une partie très documentaire à propos de l’histoire du pavillon. Quelques éléments sont intégrés et donnent des pistes, mais ils sont très peu développés. Notamment la fameuse loi Loucheur de 1928 qui facilite l’accès à la propriété des petites gens, ce qui est d’emblée une démarche purement politique, puisqu’il s’agit de casser l’émergence des banlieues rouges…
… classes laborieuses, classes dangereuses…
… exactement. À l’époque, les questions entre nos bons barons de la IIIe république sont assez simples et claires. Une grande partie d’entre eux préconise d’envoyer la garde et de taper. Mais une minorité dit : « il y a mieux, on va leur filer la propriété ». Et d’ailleurs, les vagues pavillonnaires sont très liées aux vagues contestataires. La crise de 29 pour la loi Loucheur. Les années 1950 sont plus complexes dans le contexte de l’après-guerre. Mais l’autre déferlante, dont mes parents font partie, celle des années 1970, est directement dans le sillage de mai 68 où une partie de gens un peu flippée, à petit moyen, est très contente qu’on facilite l’accès à la propriété. C’est alors l’époque des « chalandonettes ». Et aujourd’hui quand on entend les propos lénifiants de notre cher président sur le « tous propriétaires », on est en plein dedans. C’est reparti pour un tour… Tout ceci avec une dimension extrêmement problématique. Le fait que ce soit moche n’est pas grave en soi. Mais le pire est sans doute devant nous, c’est un mode d’habitat qui est bouffeur d’espace, d’énergie : il n’y a pas de solutions collectives dans ces endroits. Ce n’est pas le cas par exemple en Suisse où se développent des lotissements avec de l’habitat individuel semi accolé avec des chaudières qui permettent de chauffer une dizaine de logements…
… c’est le discours urbain émergent sur la redensification des villes…
… tout à fait, ça émerge chez certains urbanistes. Chez les maires de province, ça met beaucoup de temps. Et d’ailleurs beaucoup sont surtout démunis face à toutes ces questions et finissent par abandonner leurs prérogatives à des promoteurs avides. La dimension écologique est assez préoccupante, notamment en matière de politique des transports, ce qui fait que c’est le règne de la bagnole. Je pense que l’on n’a pas fini d’entendre parler des pavillons…
Pour en revenir à vous et à votre film, la vie pavillonnaire conditionne un rapport à la culture et à l’art, forcément médiatisé. Quel a été votre cheminement par rapport à cette question ?
On en revient sur ce point à l’aliénation. On y accède principalement par la télévision, par les magazines. Pour moi, tout ça était très lointain et la culture n’était une chose qu’urbaine. Elle existait à Tours, à 10 kilomètres, c’est-à-dire loin. Elle émerge donc par les reproductions. Il y a un plan que j’aime beaucoup dans le film qui est un cadrage sur une reproduction de La Liseuse de Renoir placée sur du papier peint à fleur. L’accès à l’art, il se fait là, dans le kitsch d’Abraham Moles. D’ailleurs ce dernier à un propos intéressant sur le kitsch en disant qu’il est très décrié par les classes bien-pensantes mais qu’en même temps c’est un outil assez formidable pour faire un premier apprentissage. Pour ma part, je crois que c’est un peu mon cas : un apprentissage des formes, plein d’affects, un peu pataud, mais c’est déjà ça. Après chacun se charge, ou pas, de passer à des formes plus riches, élaborées et satisfaisantes.
Le film se termine en un ready-made, faisant de cet objet sériel une œuvre d’art ? Est-ce qu’on peut voir dans Ode pavillonnaire la volonté de créer une utopie à la fois sociale, familiale et même culturelle ?
Ce n’est pas tout à fait le cas. On rejoint le titre en fait. L’utopie n’est pas tant une promesse qui doit être réalisée, mais plutôt laissée en suspens. La décision de mes parents, et de beaucoup d’autres, est en soi une micro utopie : de l’espace, un jardin, être libre. Mais bien souvent, on est mal outillé, notamment en terme de connaissances architecturales, donc l’utopie est rapidement mise au placard. Il y a cette scène du film où après que chaque membre de la famille ait créé une sorte d’habitat utopique dans une ville en 3D, on range toutes les composantes de cette ville dans les rayons d’un supermarché. On se rend compte que la vie est uniquement construite avec des boîtes et des produits de grande consommation. Le fait de finir par le ready-made est une manière de rendre hommage aux gens qui font construire ces maisons, à propos de quoi il n’y a pas de critique à faire. Il s’agissait de conserver la part belle de cette utopie en la déplaçant par un pied de nez. Pied de nez aussi envers le milieu de l’art contemporain que j’ai beaucoup fréquenté. Comme une manière de dire : oui c’est très moche, mais à peu près autant qu’une pissotière de Duchamp.
Il s’agit aussi d’une histoire familiale. Dans ce contexte, donner cette légitimité à ce pavillon, n’est-ce pas aussi une manière de réconcilier vos trajectoires, celle des parents et la vôtre, et de les faire se recouper à un moment donné ?
À un moment de fiction donné ! Oui, il y avait cette envie, celle de pouvoir se rejoindre à un moment dans le champ de la fiction. Mais Ode pavillonnaire est un film familial qui ne l’est pas, même s’il y a bien évidemment des choses personnelles. L’idée était de vraiment considérer notre famille comme une famille témoin, au sens du pavillon témoin : deux enfants, couple non divorcé, construction du pavillon pour la naissance du deuxième. Tout ça au beau milieu des années 1970 : bref une famille comme des millions. Mais en aucun cas je n’avais envie de faire un film familial où l’on se raconterait nos petits bobos…
… ni règlement de compte, ni réconciliation…
… non, il n’y avait pas ce désir, pas du tout. Je parlerais plus pour la scène finale d’une sorte d’épiphanie où quelque chose se joue dans la fiction.
Faire ensemble : en famille, avec les voisins. Il s’agit de la volonté d’introduire une sociabilité dans cet espace atomisé. Et puis aussi de faire venir « le monde »…
… oui par le biais de la télévision japonaise qui arrive pour couvrir cet évènement, avec toute l’interrogation que peut susciter leur arrivée. On se demande bien ce qu’ils viennent faire là…
… Japonais pris d’abord pour des Chinois…
… oui car il s’agit, pour beaucoup de personnes, d’un des grands symptômes qui fait que toute personne asiatique est a priori un chinois. Plus sérieusement, cette présence était envisagée comme un petit running gag à travers le film. Avec cette idée que les Japonais qui errent tout le long du film sont déjà au courant. Ce qui est une absurdité totale en terme de récit, mais ça me plaisait beaucoup. Et par ailleurs, ils incarnent l’étranger absolu, une présence inquiétante. Mais dans cet espace, quiconque ne fait pas partie du lotissement est un étranger en puissance, qu’il soit bleu, rouge… Peu importe.
Pour la petite histoire complète le programme. Vous vous y mettez à nouveau en scène, cette fois en GI américain, en quête de la mémoire d’un évènement. Il est aussi question de famille, en l’occurrence de votre grand-père. Présentez-nous ce film.
Il s’agit d’une anecdote que me raconte mon grand-père. Elle se déroule à Chinon en Touraine. Je suis saisi d’emblée, dans une sorte d’amusement, par cette histoire qui va complètement à l’opposé de toutes mes représentations autour de la Seconde Guerre mondiale et de la Libération, représentations nourries de lectures, mais surtout de cinéma, des films de guerre qui passaient beaucoup à la télé quand j’étais gamin. Ce qui me semblait aller de soi est tourné en ridicule par cette anecdote. Je commence donc à imaginer de travailler autour de cette question de la représentation historique de l’évènement et de sa mémoire. Il faut savoir que je me suis heurté très vite au refus de mon grand-père de témoigner à la caméra, avec l’argument suivant : « je suis l’un des derniers témoins, il n’y aura personne pour me contredire ». Du coup, je suis allé chercher d’autres personnes dans l’idée que cela débloquerait sa parole, mais aussi pour éclaircir son refus et d’aller plus loin sur la compréhension de cet épisode, qui en fait n’en est pas un. On pourrait paraphraser Duras en disant : « il ne s’est rien passé à Chinon mon amour ». Parce qu’à mesure où j’ai avancé dans les rencontres et les entretiens, j’ai eu le sentiment que cette Libération n’a pas existé, ou pas vraiment…
… des points de vue individuels mais pas d’événement…
… C’est-à-dire que dans la mesure où il n’y a pas un évènement tragique sur lequel se cristalliser, il devient très difficile aux gens de raconter quelque chose. Ils finissent donc par se raconter eux-mêmes et parlent donc de tout autre chose. Il y a un lien affectif très fort avec l’idée de Libération, mais pas du tout dans un récit au sens classique. Cela m’a posé beaucoup de questions sur la donnée fictionnelle de l’histoire officielle. Le film ne porte pas sur cette donnée puisque j’avais envie de rentrer surtout dans les personnages, leur intimité, mais au fond lorsque les gens sont appelés à se souvenir, ils sont assez loin de cette histoire écrite, ce qui les étonne eux-mêmes. Tout est très confus, alors que malgré l’âge avancé, les personnes que j’ai rencontrées avaient encore pour la plupart une mémoire très vive. Il y a donc une multitude de faits, et ils sont à un moment mis en scène par un historien. Par exemple le fait qu’il y aurait eu trois officiers américains, alors que mon grand-père, qui était sur la jeep, n’en a vu qu’un. Tout cela crée des confusions assez étranges, entretenues politiquement dans l’immédiat après-guerre pour des raisons assez précises. Il y avait une bataille pour le pouvoir extrêmement forte qui a été beaucoup gommée. Pour résumer brièvement : entre une France des barons voulant garder ses prérogatives, des gaullistes voulant mettre à bas une partie des barons, et des communistes qui se sont bien fait avoir par De Gaulle. C’était la course en fait, donc être juste en matière historique n’avait absolument aucune importance.
Il s’agit d’une mise en récit.
On peut vraiment parler de mise en scène. Mais en même temps la critique ne peut être totalement nette et franche, car sans commémoration il n’y a plus rien. S’il n’y a rien de spectaculaire, des morts, des ponts qui sautent, il devient très difficile de faire exister un évènement.
Sans mémoire, l’évènement n’existe plus…
… c’est ça, sans marqueur fort, il n’existe pas.
Votre film est sur cette mémoire désamorcée, il s’agit d’un constat d’échec de la mémoire et de la reconstitution.
En grande partie. Mais il y a ce personnage féminin final qui se libère. Elle saisit l’opportunité du film pour faire ce qu’elle n’a pas accompli en 1944, en disant aujourd’hui à son mari, qui profite de la Libération pour la plaquer, qu’il est un salaud. Ceci de façon très postérieure, mais c’est très beau et très juste, et peut-être plus important que le reste.