Productrice, réalisatrice et enseignante, Nora Philippe réalise avec Pôle Emploi, ne quittez pas ! son premier long-métrage documentaire pour le cinéma. Cet entretien est l’occasion de parler de son film à la lumière des influences qui ont forgé son regard de documentariste. Nous en profitons aussi pour aborder la situation du cinéma documentaire en France, alors que les chaînes de télévision sont de plus en plus frileuses à s’engager sur des œuvres dites « de création ».
Hier j’ai appelé une conseillère Pôle emploi et je lui ai demandé si elle comptait aller voir votre film. Elle s’est empressée de me répondre qu’elle en avait marre du « traitement médiatique » qui était fait des agents de Pôle emploi, et qu’elle ne s’y risquerait donc pas. J’imagine que vous avez été confrontée à ce même genre de réaction lors de la préparation du film. Comment avez-vous procédé pour mettre en confiance les personnes que vous alliez filmer ?
Oui en effet dès qu’il y a une volonté de tournage ou de représentation médiatique, ils sont très farouches. Ce qui est intéressant dans leur méfiance, c’est qu’elle montre à quel point ils sont extrêmement investis dans leur métier. Ils voudraient que ce pourquoi ils se battent, c’est-à-dire un meilleur fonctionnement de Pôle Emploi, soit de temps en temps montré aussi dans les médias. Pour gagner leur confiance je suis restée très longtemps avec eux, tout simplement. On a beaucoup échangé, ils savaient que je faisais du documentaire, que je n’étais pas journaliste, que je faisais un film de cinéma. On était trois, avec le chef opérateur et l’ingénieur du son, et on était tout le temps là. On arrivait tôt le matin, on repartait tard le soir, comme Nicolas Philibert pour La Moindre des choses, comme Mariana Otero, ou comme Claire Simon sur Récréations. Il s’agit de cinéma d’observation. Wiseman aussi par exemple : il filme entre six et huit semaines, en tous cas maintenant, et de manière continue. Une fois qu’il se lance dans un lieu, il ne le quitte pas, jour et nuit. C’est un peu comme ça que j’ai procédé.
Comment se passaient les journées de tournage ?
J’y étais pendant les horaires ouvrables, pas ceux des demandeurs, mais ceux des agents. Je suivais leurs journées de travail, environ de 8h à 18 – 19h. C’était d’ailleurs souvent avant l’ouverture aux demandeurs et après la fermeture qu’il se passait le plus de chose. Le matin tout le monde est là un peu avant pour gérer ses dossiers. Le soir, c’est le règne des managers, des gens qui ont plus de responsabilités, et des gens qui font le ménage. La situation est intéressante.
Êtes-vous du genre à beaucoup filmer ou à déclencher rarement la caméra ?
Il y avait beaucoup de temps de latence en vérité. Je pensais beaucoup ce que j’allais tourner avant de filmer. Je pouvais tourner deux heures sur une journée de neuf heures. C’était un réel qui était très chaotique, très hétérogène. On devait trouver des fils, ou des lieux, et nous y tenir. En plus la méthode pouvait varier d’un jour à l’autre. On ne pouvait pas se permettre de se dire : « aujourd’hui on ne filme que les files d’attente, demain, on ne filme que les ateliers. » Les calendriers changeaient sans arrêt, il y avait plein de scénarios qui n’arrêtaient pas de se faire et de se défaire. Du coup on devait être très mobiles, avoir les antennes sorties pour comprendre ce qui se tramait, ce qui se faisait, quelle réunion avait lieu… À un moment un agent déclare « Pôle Emploi c’est l’océan ». C’est vraiment ça ! C’est quelque chose qui est extrêmement mouvant, qu’il faut réussir à cadrer, dans tous les sens du terme.
Dans une scène, l’une des conseillère téléphonique est plutôt désagréable avec son interlocutrice. La séquence n’est en rien dénigrante pour elle, au contraire on peut tout à fait se mettre à sa place. Mais au moment d’intégrer ce genre de scène au montage, Ne vous-dites vous pas que vous allez potentiellement causer du tort à la personne filmée ? Comment abordez-vous cette question de l’éthique en documentaire ?
Oui c’est un questionnement à la Jean-Louis Comolli. Le documentaire, c’est sans arrêt un positionnement éthique. Même au tournage d’ailleurs. Il y a eu beaucoup de moments durant lesquels je ne tournais pas, car je sentais qu’il y avait des problématiques trop personnelles qui entraient en jeu. Évidemment, s’il y avait quoi que ce soit qui pouvait mettre trop en danger une personne, je ne la filmais pas. Chaque choix est éthique, à chaque moment. C’est aussi un travail fait avec la monteuse. Après, que cela plaise à la personne ou pas, que cela plaise à la direction ou pas, c’est une autre affaire. Mais je ne pouvais pas lisser, ce n’était pas possible. La réalité de Pôle Emploi est faite de violence, symbolique certes, mais elle est faite de tensions. Si j’avais lissé, j’aurais raté le film.
Quasiment tout est filmé caméra à l’épaule, à hauteur d’homme. Était-ce aussi guidé par un choix éthique ?
C’était un choix pensé et assumé, mais c’était aussi un choix réaliste. On n’avait pas la latitude nécessaire pour installer un dispositif. La réalité physique à Pôle Emploi est très mobile et très changeante. Installer des cadres fixes sur pied, était impossible. On avait essayé pendant les repérages avec Antoine Parouty, qui devait être le chef opérateur et qui finalement n’a pas été libre pour le tournage. J’ai d’ailleurs été décontenancée quand j’ai su que cela se ferait sans lui, et finalement cela m’a permis de rencontrer Cécile Bodénès, qui est maintenant une amie, avec qui j’espère que nous allons tourner plein d’autres films. Elle était plutôt assistante caméra en fiction avant, or elle a été très précieuse au tournage, elle a eu une intuition qui a beaucoup apporté au film. Et on s’est rendu compte que les plans sur pied rendaient impossible à capter ce qu’on voulait capter. Car paradoxalement, s’il y a une mobilité à filmer, elle ne se manifeste pas toujours physiquement. Cela nous est arrivé de filmer des réunions pendant trois heures par exemple, il fallait introduire le mouvement par l’image, plutôt que d’insister sur le côté fixe de la chose. Il fallait montrer qu’on était en mouvement comme eux, en mouvement avec eux. L’important était de ne pas faire ressentir au spectateur que j’aurais voulu enfermer les agents dans un dispositif de plus, qui se serait ajouté à ceux administratifs qu’ils subissent déjà. Toute notre énergie était mise dans notre volonté d’être au bon endroit au bon moment. Il y a mille façons de se perdre dans une institution comme ça, dans un film comme ça. Il faut tenir les séquences, à la Wiseman encore une fois. Quand une situation commence, il faut la tenir jusqu’au bout. Ces fils rouges étaient un des enjeux du film. Il fallait les tenir tout en se laissant la possibilité de se nourrir des situations bouleversantes, imprévisibles, qui pouvaient survenir du fait que de nouveaux demandeurs arrivaient constamment.
On ressent en effet beaucoup l’influence de Wiseman sur votre manière de regarder l’institution, non pas en expliquant son fonctionnement, mais en regardant plutôt ce qui se joue humainement dans et hors de ce fonctionnement.
Clairement Wiseman a beaucoup compté pour moi. À la base je ne voulais pas faire des films, je voulais écrire. À 22 ou 23 ans, alors que j’étais encore étudiante, j’ai découvert le cinéma de Wiseman. J’ai compris que le cinéma de fiction m’effrayait dans son rapport beaucoup trop distendu avec la réalité. Le documentaire d’immersion, dit d’observation, a été quelque chose de fulgurant pour moi. J’ai découvert une manière non pas simplement de parler du réel, puisque c’est bien plus qu’une démarche discursive, mais plutôt d’être au réel. C’est-à-dire une manière d’interagir avec une réalité, ce qui donne ensuite lieu à la fabrication d’un objet physique, d’un film. Pour ça bien sûr Wiseman est le maître. J’aime sa rigueur, j’aime son humour aussi, j’aime la manière dont il construit ses séquences, dans la durée, ce qui respecte beaucoup le spectateur. J’aime aussi que ce soit des films longs. Pour des impératifs économiques je n’ai pas pu, mais j’aurais voulu faire un montage plus long. On a les enjeux, les tenants et aboutissants d’une scène, et surtout il n’y a pas de commentaire.
Une des réussites de mon film dont je me réjouis, c’est qu’il parle à plein de gens différents. Je le vois lors des débats, des avant-premières, les spectateurs se projettent dans le film et viennent me dire qu’ils se sont attachés aux personnages. D’ailleurs les interprétations diffèrent beaucoup en fonction des personnes, ils ne s’attachent pas aux mêmes séquences. Évidemment le film a une dramaturgie, sur laquelle la plupart des interprétations du public se rejoignent, mais malgré tout je pense que je livre un matériau qui permet plusieurs interprétations. Pour moi c’est important de laisser la polysémie du réel agir.
Pour être honnête, la scène de la lecture des lettres m’a laissé un peu sceptique. Pourquoi cette rupture avec votre situation d’observatrice en immersion ?
Et bien justement aujourd’hui ce que je regarde, c’est moins les documentaires d’immersion que des « documentaires de création » pourrait-on dire. Par exemple j’ai donné un cours hier à l’EHESS sur un film sublime, Santiago de João Moreira Salles, qui se situe complètement entre documentaire et fiction. Ce qui m’intéresse beaucoup aujourd’hui ce sont ces interpénétrations entre fiction et documentaire, à la Jean Rouch. Il a inventé le cinéma vérité mais tu parles ! Il citait André Breton à longueur de journée ! C’était un grand poète. Son idée c’était de faire des documentaires pour documenter l’imaginaire. Il documentait des fables en quelque sorte, et Wiseman le fait aussi à sa manière. Il dépeint les fictions dans lesquelles nous sommes, les rôles que l’on tient, les masques que l’on porte au gré de la journée. Le réel, à ce titre, devient fictionnel et le monde du travail contemporain est à mes yeux complètement surréaliste. C’est aussi ce que j’ai voulu montrer : le surréalisme absolu, ubuesque, de cette réalité pourtant banale d’une bureaucratie.
Concernant la séquence des lettres, c’est une réalité bouleversante que ces lettres que les demandeurs d’emploi envoient en réponse à leur radiation. Or comment faire exister ces lettres cinématographiquement ? La présence des demandeurs d’emploi au guichet ne suffisait pas. Leurs écrits étaient encore plus révélateurs. Le banc titre ne marchait absolument pas. Les agents ne les lisent jamais. Ils les classent, ils les trient. Ils ne leur donnent pas d’existence. Il fallait inventer pour le coup un dispositif, je ne pouvais pas laisser ces lettres toutes seules. À la fin ils m’en rapportaient, je les collectionnais et il fallait qu’elles existent. Je suis intervenue parce que j’ai voulu donner voix à ces lettres en impliquant les agents. Donc je leur ai demandé de lire ces lettres qu’ils ne lisent jamais. Comme c’était eux qui me les apportaient, c’était une intervention sur le réel, mais nourrie par les agents eux-mêmes. Ça a été un moment important car ils se sont rendu compte qu’il y avait des choses qui se disaient, des vies même qui se lisaient dans ces lettres-là. Une agente m’a même dit en sortant qu’elle n’allait plus jamais les voir du même œil. C’était un moment d’interaction très intéressant. J’ai fait ce qui n’arrive plus dans les agences Pôle Emploi, une vraie relation, indirecte certes mais tout de même, entre les demandeurs d’emploi en tant qu’individus, et les agents.
On sent que vous portez une attention particulière à la directrice de l’agence dans le film. Elle se situe au croisement de beaucoup d’enjeux contradictoires. C’est d’ailleurs elle, sa présence, son regard, qui donne toute sa force à la scène de fin, qui est une charge assez violente contre la comédie médiatique des pouvoirs publics. À quel moment avez-vous décidé que votre film se terminerait ainsi avec elle ?
Pour la directrice, c’est très juste. Elle a un rôle crucial, ingrat, qui était très difficile à mettre en scène. Elle pouvait apparaître comme une manager sans cœur, ou au contraire trop humaine et sa direction aurait pu être très mal jugée. En même temps on ne peut pas s’attacher à elle comme personnage, en tous cas beaucoup moins qu’avec certains autres agents. Je ne pouvais pas la rendre trop présente dans le film. C’était donc un personnage très difficile à reconstruire au montage.
Sa présence à la fin, comme vous l’avez noté, est essentielle. Je ne sais pas si vous vous rappelez, mais elle est placée dans cette séquence finale. Et de quel côté on la place ? Du côté des demandeurs d’emploi. C’est hyper intéressant. Il y a des élus, des sénateurs, des ex-ministres, qui se congratulent d’avoir signé quatre contrats d’avenir comme Monsieur Hollande le leur a demandé, et de l’autre côté, il y a ces quatre jeunes et elle. On voit cette disparité irréconciliable entre ces jeunes-là et de l’autre côté cette autocongratulation politicienne. Ça c’est imposé comme étant la fin du film assez rapidement. Comme un regard macro succédant à un regard plus micro. Et ce qui est fou, c’est qu’on a filmé ça le dernier jour de tournage, ça s’est fait comme ça, à 16h le vendredi. Je voulais tabler, à la Wiseman, sur l’unité de lieu, avoir cette rigueur-là. Mais j’ai décidé d’y aller. Ma chef-opératrice m’accusait de la transformer en journaliste reporter d’images ! Mais j’ai dit « On y va, je sens que quelque chose peut se passer. » La magie de ce hasard m’a permis de dérouler des fils que j’avais tissés dans le reste du film. Peut-être que sans cette scène on aurait fini par le faire autrement, je ne sais pas, en tous cas ce n’était pas du tout écrit. Tout ce que j’avais écrit était uniquement basé sur les dynamiques à l’intérieur de l’agence.
C’est d’ailleurs intéressant de voir comme la forme et le fond sont en cohérence à ce moment, car la caméra rompt avec l’approche naturaliste pour sortir littéralement par la fenêtre et plonger dans le monde extérieur en direction du lieu à se déroulera cette dernière scène.
Oui c’est drôle que vous ayez noté ça. Parce que c’est vrai que ces agences donnent l’impression d’être dans des boîtes constamment. On va de box en box, et très souvent, comme on ne tournait pas tout le temps, je réfléchissais à la prochaine prise que j’allais faire en regardant par la fenêtre. Je cite un agent en disant qu’on voit alors une sorte de no man’s land. Il y a une mélancolie infinie dans ce paysage urbain quasiment en friche autour de l’agence. Mais pourtant on s’échappe quand même en regardant dehors quand on est dans ce genre de buildings. Il y a donc cette sensation d’évasion quand la caméra sort, mais c’est en fait pour tomber bien plus bas que précédemment ! Dans cette mascarade, dans ce ballet mécanique !
On entend une voix hors champ qui intervient dans la scène finale, est-ce la vôtre ?
Non c’est celle de la directrice de l’agence. C’est vrai que c’est toujours intéressant d’essayer de discerner si le réalisateur a laissé sa voix apparaître à un moment dans le film. Or je ne suis pas du tout intervenue à ce moment-là. Mais il y a un autre moment où on entend ma voix. Littéralement je n’ai pas pu m’en empêcher. Et ma monteuse m’a obligée à le garder ! C’est avec le jeune homme qui devait partir à Miami. Là ça a débordé, je lui ai demandé ce qu’il allait faire, il m’a bouleversée.
Vous êtes active sur plusieurs fronts, vous êtes réalisatrice, enseignante, productrice… Avec ce regard multiple, diriez-vous que ce projet a été difficile à monter ? J’imagine qu’un tel sujet peut faciliter ou beaucoup compliquer les choses…
Difficile est un mot faible ! Mais c’est vrai qu’avoir plusieurs casquettes ça aide dans le métier. C’est bien d’avoir de multiples compétences. Ça peut être une nécessité économique déjà. Pour les films que je réalise je suis produite par d’autres personnes. Mais avec les premiers producteurs à qui j’ai eu affaire ça a été tellement compliqué, car les chaînes ne se positionnaient pas, car il n’y avait pas d’argent… En fait tout le monde trouvait le sujet absolument génial mais personne ne voulait s’engager financièrement. Du coup ça m’a sauvée de savoir produire, d’avoir du matériel image, car au moment du tournage j’étais sans production. C’était paradoxal car on avait l’autorisation de Pôle Emploi depuis longtemps. Ils nous demandaient quand on allait venir tourner, c’était acquis depuis longtemps. On est arrivés à un moment où il fallait vraiment commencer à tourner, sinon le film n’allait pas exister tout simplement. L’autorisation serait peut-être tombée, bref, il fallait le faire. Donc j’y suis allée comme ça. En fin de tournage la scission a été définitivement consommée avec la deuxième boîte de production. Je suis finalement arrivée à bon port avec Gloria Films. Les Films de l’Air, c’est ma société, mais c’est surtout pour moi une source d’autonomie, et de décisions. Ça a servi le projet. Mais je crois que chaque projet a son histoire, et il y a des leçons à tirer de cette aventure. Les choix de production seront différents sur un autre projet.
Vous avez travaillé avec une chaîne de télé également.
Pas vraiment travaillé avec. C’était une petite chaîne, pas comme France Télévision ou Arte, avec lesquelles il y a des visionnages, de la validation sur scénario, etc… J’ai été laissée très libre heureusement. Une version plus courte du film a été diffusée ce qui m’a permis de financer la version cinéma. On a fait un 52 minutes, et j’ai fait un long-métrage parallèlement.
J’ai lu que vous aviez déclaré que « Si le documentaire à la télé était une fenêtre sur le monde, il est désormais un œilleton sur l’ordre établi », qu’il est là « pour déranger et non pour “lisser”», qu’il doit « faire exister le téléspectateur en tant que sujet et non en tant que consommateur ». Vous croyez que l’attitude des chaînes pourrait changer face au documentaire ?
En effet j’ai dit ça. J’avais lancé une grande pétition sur cette question auprès des confrères réalisateurs et producteurs. C’est allé assez loin en fait, c’était suite à la démission des financiers qui devraient justement soutenir les documentaires d’auteurs. Et face au projet Pôle Emploi, en gros c’était « on veut du discours, on ne veut pas de l’immersion », tout simplement. Wiseman, Philibert, Otero, c’était cool avant mais maintenant on s’en fiche, ça ne fait pas vendre. C’était vraiment ça. Du coup j’ai lancé un appel, même à des journalistes. Ça a fini en concertation de quelques personnes du milieu, et en article grâce à un journaliste du Monde qui était assez formidable, qui a vraiment traité le sujet. Bon la phrase m’a coûté très cher auprès des télés… Enfin pour répondre, non ça ne va pas changer, je ne pense pas que ce soit possible que ça change. D’où la furie de sortie en salles de documentaires. Car la télé ne s’engage plus sur le documentaire de création. Et encore « de création»… mon film est juste un film d’immersion à Pôle Emploi, il n’y a rien d’expérimental, ni de niche. Bref nous nous tournons vers le cinéma. Et ce qui me touche beaucoup, c’est que j’ai fait beaucoup d’avant-premières et beaucoup de débats. Ça m’a permis de faire de vraies rencontres avec le public. J’étais dans un village de Midi-Pyrénées par exemple, il y avait la moitié du village c’était génial, les débats étaient complètement enflammés, les gens avaient les larmes aux yeux, d’autant plus que parfois le film leur évoquait leur situation dans telle école primaire ou telle officine d’éducation spécialisée. C’était fort, c’était beau, ça m’a apporté beaucoup. Or même si la sortie en salles est embouteillée, je pense que défendre les sorties en salle de documentaire, c’est très important. Les exploitants le disent : il y a une demande, il y a un public pour ça. Il faut vite accompagner ces films. Donc oui, le documentaire a sa place en salle !