Le festival de Biarritz (ancienne CITA), rendez-vous immanquable du cinéma latino-américain sur la côte basque, s’est achevé le week-end dernier, sur des accords de musique cubaine. Pour cette quatorzième édition présidée par un jury prestigieux (Florence Delay, Bernard Rapp, Juan Solanas…), ce sont les films argentins et mexicains qui ont raflé la mise.
L’engagement politique et social est la grande caractéristique du cinéma latino-américain, confronté à une réalité cruelle régie par le grand système de l’iniquité sociale. D’où un cinéma politico-social qui cherche à se faire l’écho d’une pauvreté certaine et murée dans le silence. Les réalisateurs latino-américains rencontrés lors du festival de Biarritz traînent avec eux des déterminismes sociaux qu’ils cherchent à dénoncer par la seule force du cinéma. Pari compliqué et parfois mal tenu ; parce que ce souci de dénoncer les aberrations sociales, les conditions déplorables de vie (perspective ô combien légitime et digne) se heurte à deux écueils :
Le premier étant de dénoncer avec gentillesse, de raconter avec fraîcheur et parfois candeur ; ton de la narration qui se porterait ainsi garant d’un avenir plus rose. C’est ce qu’on pourrait reprocher à la réalisatrice vénézuélienne Solveig Hoogestejn qui, dans Maroa (prix du public France Bleue Pays Basque), suit le parcours d’une petite fille des rues sauvée par sa passion de la musique : la cinéaste offre un film facile truffé de bons sentiments engendrant par là une narration impeccablement propre et des situations peu subtiles.
L’autre écueil est celui dans lequel tombe le réalisateur Tristan Bauer. Ce cinéaste argentin retrace la guerre des Malouines (1982) dans son film intitulé Iluminados por el Fuego (primé au festival de San Sebastián). Film courageux dans la mesure où il montre la peur et les tourments de ces tous jeunes soldats confrontés à l’implacabilité d’une guerre. Pourtant la narration par ellipse occulte la folie perpétrée par les combats et se concentre sur la guerre elle-même, à coups de tirs de mitraillette et de blessures sanguinolentes : ce n’est pas tant la réalité toute crue de la guerre qui la condamnerait mais ses résonances effectives sur une jeunesse bousillée.
En revanche, le Mexicain Ricardo Benet a su dans Noticias Lejanas (Prix du jury) montrer la précarité sociale et psychologique avec une délicatesse toute poétique qui fait de son film un vrai livre d’images doux-amer, dont on se rappellera cette image : un albinos enfourchant sa bicyclette à voiles, à l’abri du temps et des autres.
Pourtant, la vraie bonne surprise du festival revient à l’excellent film du réalisateur argentin Eduardo Raspo qui signe avec Tatuado (Grand prix) un véritable film d’auteur, émouvant par sa féroce simplicité : un jeune garçon (très vulnérable Nahuel Pérez Biscayart) part sur les traces de sa mère disparue, avec l’aide de son père (excellent Luis Ziembrowsky). Un montage remarquable, d’une extraordinaire fluidité rythme avec brio les étapes d’une narration qui en filigrane révèle un père à son fils, l’analyse psychologique et intimiste primant sur le contexte politique. Un film très fin qui a éclipsé les autres longs métrages de la sélection et prouve que le cinéma latino-américain est nourri de talents qui ne sont qu’autant de promesses de bonheur.
Palmarès
LONG MÉTRAGE : Le jury présidé par Florence DELAY, et composé de Bernard RAPP, Jacques TRONEL, Juan SOLANAS et Gilles TURAND a décerné :
– Le Grand Prix du meilleur long métrage à Tatuado, d’Eduardo Raspo (Argentine)
– Le Prix d’interprétation féminine à Roxana Blanco dans Alma Mater, d’Alvaro Buela (Uruguay)
– Le Prix d’interprétation masculine à Julio Jung dans Cachimba, de Silvio Caiozzi (Chili)
– Le Prix du Jury : Noticias Lejanas, de Ricardo Benet (Mexique)
– Le Prix du Public France Bleue Pays Basque et Nouvelles Frontières à Maroa, de Solveig Hoogesteijn (Venezuela, Espagne)
COURT MÉTRAGE : Le jury présidé par Safy NEBBOU, et composé de Aton SOUMACHE, Prune BERGE, Pascal GAIGNE a décerné :
– Le Grand prix du meilleur court métrage ex-aequo : El Tesoro de los Caracoles, de Cristian Jimenez (Chili), et El Pasajero, de Matias Meyer (Mexique)
Sont également décernés :
– Le Prix Cinécourts avec la chaîne Ciné Cinéma à El Tesoro de los Caracoles, de Cristian Jimenez (Chili)
– Le Prix documentaire Union Latine – Festival de Biarritz du Film à Seres Extravagantes, de Manuel Zayas (Cuba, Espagne)
-Mention spéciale : El Blues de Paganini, de David Villalvalzo (Mexique)
– Prix du Jury jeune européen : long métrage à Cachimba, de Silvio Caiozzi (Chili), et court métrage à De Raiz, de Carlos Carrera (Mexique)
– Prix Écoles de cinéma ENS Louis Lumière Festival de Biarritz à Al Otro Lado del Mar, de Patricia Ortega (Venezuela) – École EICTV de San Antonio de los Baños, Cuba