Pour son premier long-métrage, le jeune réalisateur belge Hans Van Nuffel a choisi, non sans courage tant l’exercice est périlleux, de traiter d’une maladie génétique, la mucoviscidose, à travers une fiction. Oxygène semblait sur le papier plein de promesses : sans drames et sans larmes, un portrait de groupe de malades atteints de la mucoviscidose, parmi lesquels un adolescent dévoré par le besoin de se sentir exister avant de n’être plus capable de respirer sans bouteille d’oxygène. Mais malgré un sujet ambitieux, le film se cantonne à une peinture terne de cette quête de soi adolescente desservie par une mise en scène assez plate.
Tom, animal de laboratoire depuis sa plus tendre enfance, habitué des longs séjours hospitaliers, sait que ses jours sont comptés à mesure que sa capacité respiratoire diminue. Implacable fardeau de la mucoviscidose dont son frère aîné est également atteint et dont il voit, de mois en mois, la progression infaillible. Tom refuse de vivre comme ce frère, enchaîné à une bouteille d’oxygène et attendant son tour pour obtenir une greffe de poumons. Enfant craintif observé comme un cas d’école par des savants au centre d’un théâtre anatomique dans la séquence d’ouverture, devenu un adolescent désabusé qui porte son mal de vivre dans les couloirs et la cafétéria d’un hôpital qu’il fréquente plus que sa propre maison, il préfère brûler la chandelle par les deux bouts que de se consumer dans l’attente d’une greffe qui rallongerait son espérance de vie.
Assorti de son pote Jimmy, version flamande du parfait cockney, la mèche lustrée avec le même soin que ses jantes de voiture, Tom tue le temps entre petits larcins et virées sans but dans une tire carrossée comme un Kinder surprise. Si le film est chapitré d’ellipses de plusieurs années, le temps ne semble pas avoir de prise sur Tom, qui reste le même adolescent indécis. Le scénario ébauche des pistes invraisemblables, tel un improbable trafic de médicaments auquel se livreraient les deux copains après un premier vol fructueux dans les réserves de l’hôpital ouvertes à tous les vents. Au détour d’un couloir d’hôpital, Tom finit quand même par rencontrer des têtes moins abruties que son vieux copain Jimmy dont le QI dépasse difficilement sa température annale. Xavier, un baroudeur aux airs de grand frère (Wouter Hendrickx, tout droit sorti de La Merditude des choses), souffre lui aussi de la mucoviscidose, tout comme sa petite amie Anneleen (la pétillante Marie Vinck) qui ne veut pas que sa maladie soit un obstacle à son désir d’enfant. Face à ce couple parental bien plus combatif que les siens, Tom échappe au fatalisme qui plombe son quotidien, longues disputes familiales où les adultes, médecins ou parents, voudraient prendre à sa place des décisions qui lui appartiennent, et anniversaires sans joie où ni son frère ni lui n’ont jamais assez d’air pour souffler leurs bougies. Avec Eline, princesse contagieuse en quarantaine dans une chambre vitrée, Tom ébauche une histoire d’amour téléphonique aux accents de sous-Restless. Sortie de l’univers ouaté de l’hôpital, leur romance tourne à l’aigre et Tom revient bientôt à ses amitiés masculines.
En dépit d’une toile de fond saisissante, la mucoviscidose, à laquelle la mise en scène aurait pu donner toute sa dimension d’étouffement et d’urgence, Oxygène se contente d’un portrait sans relief d’un adolescent maussade. À force de recentrer toute son intrigue sur un jeune homme incapable de faire un choix de vie, le film piétine dans des scènes sans véritable enjeu narratif. Tom est sans cesse confronté à des figures d’autorité (père, médecin) qu’il dénigre en bon adolescent, ou bien à des miroirs de lui-même (son frère ou Xavier) dans lesquels il ne parvient pas à trouver des modèles. Reflets des doutes qui habitent le jeune homme, ces figures en miroir ne font pas progresser un récit qui s’embourbe dans une chronique monotone du spleen adolescent sur fond de couloirs d’hôpital. Le montage aurait pu être sensoriel et haletant, témoigner de l’essoufflement propre à la maladie qui accable presque tous les personnages du film. Au lieu de quoi il s’étire en intrigues parallèles sans grand intérêt. Reste un film dont on pourrait bien écrire sans mauvais jeu de mots qu’il manque de souffle.