Troisième réalisation pour Zach Braff, et déjà peut-on noter qu’il n’est plus signataire du scénario, laissant penser d’emblée à une perte de terrain sur le plan de la liberté esthétique. Le prometteur réalisateur de Garden State et du Rôle de ma vie a‑t-il donc fini par se faire engloutir par les studios ?
Exigences thématiques
Il est vrai que tout semble laisser place à l’idée d’entrave : l’obligation du genre (film de braquage), la gestion de stars (Morgan Freeman et Michael Caine), les précédentes productions sur le principe de chocs des générations (Family Business de Sidney Lumet ou Going in Style, dont Braquage à l’ancienne est le remake). Pourtant, dans ce récit de vol à main armée nécessaire — un ouvrier retraité est forcé de mettre au point un plan criminel pour payer ses créances bancaires, sous menace de perdre sa maison — les thèmes chers à Zach Braff apparaissent dans les enjeux scénaristiques.
Il est en effet question, avant tout, de responsabilité (familiale, financière), dans la continuité des précédentes réalisations du cinéaste. Il semblerait qu’Aidan, le père post-adolescent du Rôle de ma vie, acteur rêveur et toujours en quête de sa place en société (et du succès), soit devenu ici le grand-père initiateur du braquage, Joe, incarné par Caine : un ancien travailleur, certes, mais désormais incapable de subvenir aux besoins de sa famille. Malgré son difficile labeur de quarante ans, le voici, du jour au lendemain, privé de sa retraite à cause des manigances financières opérées par la compagnie. Comme si Aidan avait fini par s’assagir, mais que la perte de ses aspirations et de ses rêves s’était retournée contre lui.
Film de commande
Effectivement, la causalité sociale est ici appuyée (le poids et les méandres du capitalisme), alors que cette dimension était uniquement sous-jacente dans Le Rôle de ma vie. Le poids social se trouvait en effet ailleurs : la poursuite de ses rêves et de son bonheur versus la nécessité de devenir responsable au détriment du reste. Ici, point de rêves pour Joe, qui n’aspire qu’à subvenir à ses besoins, et aucunement à contenter ses désirs, à l’inverse peut être de ses deux acolytes (l’un veut voyager plus souvent pour voir ses enfants, l’autre se met à fréquenter la mamie sexy du quartier). C’est finalement cette poursuite matérialiste, maquillée par des enjeux nobles, qui distingue nettement ce film du précédent, et marque assurément une césure dans la carrière du réalisateur. La mise en abyme est parfaite, puisque c’est un Braff aux mains des studios qui officie, autrement dit un indépendant avalé par le lourd attirail du divertissement mainstream. Difficile de ne pas voir dans l’opposition entre Aidan et Joe la situation de son cinéaste, contraint de mettre ici de côté toute la liberté dont il jouissait dans ses premiers films.
L’hypothèse d’un Braff exécutant, c’est-à-dire mettant en œuvre sa touche d’insolite au service d’un récit déjà calibré semblait pourtant séduisante. Après tout, nombreux cinéastes ont réussi à dompter la machine hollywoodienne pour y retranscrire leurs propres aspirations. Hélas, mis à part les petits ajustements caractériels des personnages (par exemple la langue fourchue de Joe en famille, et la blague du « watch your language » déjà présente dans Le Rôle de ma vie), l’intérêt du film reste son chapitre central, c’est-à-dire la performance imposée par le genre, à savoir la préparation du braquage et son exécution, sous le filtre des inconvénients de l’âge (vitesse moindre, rythme cardiaque défaillant, vue diminuée, etc…). Le scénario n’exploite pourtant pas véritablement ces éléments contextuels, qui auraient pu mener le film à des sommets de burlesque et d’insolite, conformes aux velléités stylistiques de Braff. Tout se passe ici au contraire quasiment sans embûches, de manière tout à fait fluide, et la séquence du braquage, dans sa mécanique implacable, confirme cette impression d’engloutissement. Sans être mauvaise, cette production sympathique est tout de même venue à bout des envies artistiques de son cinéaste.