Film culte des années 1980 dont la chanson phare reste un incontournable des soirées revival, Fame méritait bien un petit lifting. C’est chose faite avec cette nouvelle version calibrée pour la génération Star Ac’. Catastrophe annoncée ? Pas totalement, car si ce Fame 2009 manque de profondeur, le film esquisse en filigrane une réflexion inattendue sur le bien fondé d’un tel remake.
Au commencement, il y a le film culte d’Alan Parker qui, au début des années 1980, brisait les codes établis d’un genre alors brinqueballant, la comédie musicale. Avec un montage au cordeau, une atmosphère presque psychiatrique et des numéros musicaux « crédibles » (dans une école comme celle-ci, il est normal que les personnages se mettent à chanter ou à danser), Parker réinventait l’esthétique du musical. Le film doit aussi sa postérité à un tube oscarisé, interprété par Irene Cara dont on ne compte plus les reprises plus ou moins heureuses (dont celle d’un girls band de mannequins anorexiques, pour n’en citer qu’une). Puis, logiquement, il y a eu l’adaptation scénique à Broadway, ouvrant une mode qui tend aujourd’hui à s’amplifier, celle de transposer des succès cinématographiques en musicals à grand spectacle (Hairspray, The Producers, Legally Blonde ou encore dernièrement Sister Act). Une adaptation française de cette version à d’ailleurs été jouée en 2008 à Paris et devrait rempiler pour quelques dates l’année prochaine. Enfin, le film s’est également décliné en série télé à succès. Bref, Fame est une véritable franchise que les producteurs ont jugé bon de rafraîchir pour la génération r’n’b élevée au biberon de la Star Ac’ et autre Nouvelle Star. Ce Fame 2009 est moins à prendre comme un remake à proprement parler qu’une tentative de rajeunir le filon avec une promotion d’apprentis chanteurs dans l’air du temps. Nouvelle année, nouvelle rentrée donc ; mais le cursus n’a pas trop changé : on suit (ou plutôt survole) pendant quatre ans le parcours d’un groupe d’étudiants de la High School Performing Art of New York qui doivent composer entre leurs rêves de gloire, la dure réalité du métier et leur appartenance sociale. Tous les attendus du genre sont évidemment là, de l’examen d’entrée impitoyable qui déterminera les heureux élus, aux premiers castings en passant par les violentes désillusions.
Comme pour se décharger de l’héritage forcément trop lourd du film d’Alan Parker, Fame ne cesse de justifier ses partis pris de modernisation par une réflexion constante entre l’ancien et le moderne. La bande originale en est la première victime puisqu’elle ne conserve que quelques classiques (dont le magnifique « Out here on my own ») au profit de nouvelles chansons ou numéros musicaux qui « beat » à 200 à l’heure. Si les fans du premier film pourront se sentir frustrés (Fame n’est chantée que dans le générique de fin, dans une version remixée bien sûr), le cru 2009 réserve quand même quelques bonnes surprises comme la séquence plutôt réussie de la fête d’Halloween. De manière parfois trop appuyée, les élèves ont aussi une fâcheuse habitude à se rebeller contre le patrimoine des aînés pour être pleinement en phase avec leur époque. Le personnage de Denise en est l’expression la plus lourdaude dans la mesure où le parcours artistique du personnage se construit en opposition avec les aspirations plus conventionnelles de ses parents. Au détour d’une scène, on verra également un étudiant se faire rappeler à l’ordre par son professeur, après avoir essayé d’ajouter sa patte à un morceau de Bach. Quoi qu’il en soit, dans le cadre d’un remake, la réflexion est plutôt pertinente et bienvenue. Dommage que les scénaristes aient privilégié un didactisme appuyé plutôt que la subtilité.
On ne s’étonnera pas que la réalisation ait été confiée à un jeune réalisateur, Kevin Tancharoen, dont c’est le premier film. Ce dernier n’a certes que 24 ans mais son CV de chorégraphe/réalisateur parlera certainement à ceux qui ne jurent que par Britney et les Pussycat Dolls. Un réalisateur en phase avec le public MTV qui a au moins le mérite d’avoir le sens du rythme sans user d’un montage hystérique comme c’est trop souvent le cas. Certes, la séquence d’ouverture n’arrive pas à la cheville de celle d’Alan Parker qui arrivait à générer une réelle tension par le biais d’un découpage millimétrés où les différentes auditions se répondaient. Kevin Tancharoen, lui, ne cherche pas à insuffler une nouvelle esthétique à la franchise Fame. Sa mise en scène, sans effets à outrance, privilégie une approche quasi documentaire. Cela se traduit à l’écran par des images tournées caméra à l’épaule, un grain prononcé ou encore une photographie qui privilégie les chromatiques bleues et grises.
Le film d’Alan Parker n’était certes dénué de cynisme et de cruauté. Mais la morale de l’histoire laissait planer un certain optimiste. Chez lui, la fureur de la célébrité passait par une fureur de vivre et d’apprentissage. Beaucoup de talent, de sueur et l’espoir, peut-être, de toucher aux feux de la rampe. Mais depuis, la télé-réalité est passée par là et a créé à la pelle des célébrités factices où la notion de talent n’a plus aucun sens. Il était donc impossible pour ce Fame 2009 de passer à côté d’une remise en cause du concept de renommée. Le film le fait même de manière plutôt radicale. L’esthétique, les velléités sociologiques donnent une vision plutôt désenchantée du destin des élèves. L’accent est, mis sur les difficultés à percer dans le métier, sur les espoirs avortés de voir aboutir un projet ou encore sur celles et ceux qui restent en coulisses alors que leurs camarades se voient offrir des ponts d’or à Broadway ou ailleurs. Si les dernières chansons ne venaient pas véhiculer leurs bonnes valeurs dans une guimauve lyrique (« crois en toi et en tes rêves »), on serait clairement à rebrousse-poil des success stories musicales pour adolescents (Sexy Dance) ou des bêtises marketées à la High School Musical, sourires ultra-bright à l’appui.
Mais pour que ce parti pris critique et esthétique soit clairement convainquant, il aurait fallu que le scénario offre de vrais personnages, l’une des forces du film d’Alan Parker. Malheureusement, nous nous retrouvons face un éventail d’archétypes multi-ethniques et sociaux (le beau gosse, la jeune fille timide, le black qui essaie de s’en sortir par la musique) auxquels l’on peine à s’attacher. De nombreuses scènes souffrent ainsi du manque de consistance des protagonistes et flirtent trop souvent avec le cliché et les situations téléphonées. On ne trouve pas non plus dans le choix des acteurs de vraies révélations vocales ou dramatiques à l’image d’une Jennifer Hudson dans Dreamgirls. Seule Megan Mullaly (l’héroïne de Will & Grace) arrive à nous surprendre lors d’une séquence de karaoké plutôt amusante. Au bout du compte, on se dit que ce nouveau Fame a tout de la copie d’un élève prometteur qui aurait survolé trop vite son sujet.