Très inspirée de l’époque crépusculaire du Danny Boyle des années 2000 (28 jours plus tard, Sunshine), cette petite production australienne pourrait sembler anachronique. Sur le même sujet de l’apocalypse vécue à échelle humaine, ces dernières années ont en effet vu passer des œuvres aussi marquantes que Melancholia de Lars Von Trier ou 4h44 dernier jour sur terre d’Abel Ferrara. Mais par son écriture précise et sa mise en scène efficace, le réalisateur australien Zak Hilditch parvient tout de même au prix de quelques facilités à bâtir un film à suspense tendu et émouvant.
Deep Impact
Dès le générique d’ouverture, nous savons que quelque chose (un astéroïde ? une éruption solaire ?) a frappé la planète quelque part dans l’Atlantique Nord : le film n’est pas encore commencé que les dés sont d’ores et déjà jetés. À l’autre bout du monde, les Australiens bénéficient de ces quelques douze heures de sursis qui constitueront l’unité de temps du film, avant que l’intégralité de la surface de la planète ne soit balayée par une tempête de flammes. Les apocalypses cinématographiques de ces dernières années ont décidément en commun d’être réellement définitives, exception faite du 2012 de l’immuable Roland Emmerich. En l’absence des stars des actioners des années 1990, les quêtes des personnages deviennent alors purement symboliques, la survie n’étant plus une option. Le contexte ne semble pas idéal pour bâtir du suspense, et c’est pourtant la réussite principale de Hilditch. James, le protagoniste, est un jeune trentenaire terrifié par la mort, qui n’a qu’une idée en tête : se défoncer le plus possible pour ne pas avoir à affronter sa propre fin. Mais suite à sa rencontre avec la petite Rose (et sa croix portée en pendentif) sa fuite va prendre peu à peu la forme d’une suite de choix moraux, d’autant plus déterminants qu’ils seront les derniers, au milieu d’une humanité rendue folle par la certitude de sa destruction imminente.
Malgré un scénario parfaitement linéaire, le film évolue en sens inverse de ce que l’on pourrait craindre d’une production qui semble de prime abord chercher le spectaculaire low cost coûte que coûte. Les premières scènes semblent littéralement extraites d’un jeu vidéo, reprenant les codes de mise en scène des « survival horror » modernes. Au fil d’un découpage purement utilitariste, James échappe à diverses menaces dans un cadre urbain pavillonnaire devenu enfer sur terre. Alors que ces premiers moments d’effroi laissent supposer une progression vers une violence de plus en plus ludique et insoutenable, These Final Hours surprend par le panel d’émotions qu’il propose d’explorer. Entièrement concentré sur l’évolution de son personnage, le film est tout à la mue de son héros, et il y sera moins question de survie, que d’un travail de deuil qu’il faudra parvenir à mener à temps.
La couleur tombée du ciel
On regrette que le film soit jalonné de poncifs parmi les plus éculés, de l’animateur radio resté seul derrière son micro pour commenter les derniers moments de l’humanité, aux incontournables envolées post-rock de rigueur depuis 28 jours plus tard. L’évolution morale de James le conduit par ailleurs vers une rédemption tout ce qu’il y a de plus religieusement correct. Nous sommes loin du trouble métaphysique de La Route (le roman de Cormac McCarthy, plus que son adaptation cinématographique qui en réduisait grandement l’ampleur). On voyage en terrain connu, chaque personnage est immédiatement identifiable comme bon ou mauvais, à tel point que Rose distingue des gens « beaux » de ceux « moins beaux ».
Mais il faut bien reconnaître que la mécanique fonctionne, d’autant plus que les bondieuseries y sont finalement plus rares que ce que l’on pouvait craindre dans un premier temps. Malgré cet étalonnage jaunâtre tirant de plus en plus sur le rouge commun à trop de fins du monde, le décor de ces petites villes côtières australiennes se voit investi d’un vrai pouvoir de fascination. Par la proximité de la fin du monde, les lieux que James traverse se muent peu à peu en vestiges d’une ancienne civilisation avant même sa disparition. Ses habitants, pourtant bien vivants, se comportent déjà en spectres, apparitions statiques jouant éternellement la comédie de leur quotidien (faire la fête, finir des puzzles…). Parmi eux, le chemin de croix de James, personnage certes un peu fade mais touchant, réserve quelques beaux moments d’émotion, notamment grâce à l’interprétation de l’excellente Angourie Rice (Rose) et de quelques seconds rôles réussis. Si These Final Hours constitue ainsi une œuvre mineure du fait de son conformisme, il bénéficie d’un souffle dont manquent souvent les grandes démonstrations hollywoodiennes.