Vingt ans après Jeannot l’intrépide, le réalisateur français Jean Image revient au long métrage avec une adaptation libre des Mille et Une Nuits. Face au géant Disney (ce sont les années d’or, avec Les Aristochats, Le Livre de la jungle et Robin des Bois), le réalisateur développe une fois de plus un esthétisme bien à lui, et surtout une énergie narrative héritée du foisonnement de Jeannot. Le conte est bon.
Brillant érudit, le Magicien d’Afrique est malheureusement une crapule de bas étage. Il n’y a qu’à voir ses fréquentations : il parle d’égal à égal avec le Génie des Ténèbres, rien que ça ! Lorsque celui-ci lui confie qu’une lampe merveilleuse, qui lui donnera un incommensurable pouvoir, est retenue dans une antique caverne, et que seul un enfant pur pourra l’en retirer, le malfaisant thaumaturge se met en route. Non loin de la caverne mystérieuse, son choix se porte sur le jeune Aladin, jeune homme pauvre mais dégourdi, qu’il trompe afin de lui faire voler la lampe. Mais le tout nouvel amour du jeune homme pour l’inaccessible princesse locale va tout chambouler…
Est-ce Aladin et la lampe merveilleuse, ou Le Magicien d’Afrique et la lampe merveilleuse ? En effet, si le jeune garçon est le héros final du conte mis en scène par Jean Image, la place du lion est réservée au mage narquois et méchant. Hâbleur, paillard, menteur, vain et sans scrupule, le Magicien d’Afrique est ainsi le personnage le plus travaillé, et le plus sympathique du film. Aladin et la princesse Badroulboudour, quant à eux, profitent des largesses esthétiques de l’équipe de Jean Image : personnages au graphisme étonnant, en regard des autres protagonistes du conte, ils rappellent Jeannot l’intrépide par leur absence de réalisme dans les proportions. Ces choix esthétiques, cependant, amplifient à la fois leur grâce, leur beauté, surtout face au grotesque, pataud et outré Magicien d’Afrique.
Avec ces deux personnages, Jean Image explore de nouvelles pistes visuelles, jusqu’ici inédites dans ses longs métrages, et prouve la versatilité de son style. Les décors sur lesquels évoluent ses protagonistes sont à l’avenant, et si certains effets « répétitifs » (le mouvement passé en un sens puis inversé, déjà présent dans Jeannot l’intrépide) donnant une impression de facilité, et datant terriblement le film, sont toujours présents, la féerie convoquée par la beauté des personnages et des décors n’en est pas moins réelle.
Adapté de multiples fois au cinéma, la légende d’Aladin trouve, avec Jean Image, un continuateur des plus précieux : parfois très libre dans son adaptation des Mille et Une Nuits, le réalisateur transmet pourtant un émerveillement réel. Certainement parce que son univers visuel et narratif foisonnant, inventif et tourbillonnant résonne comme une alliance parfaite entre la vision orientaliste occidentale du conte, et la lettre du texte original.