Pour son premier film, Sam Levinson choisit de mettre en lumière les tares émotionnelles d’une famille américaine, rassemblée à l’occasion d’un mariage. Handicaps, non-dits et rivalités pèsent lourdement sur Another Happy Day, en faisant une banale comédie dramatique qui s’affaisse sur elle-même.
Pour Lynn (Ellen Barkin), le mariage de son fils aîné est loin d’être une bonne nouvelle : l’événement oblige au rendez-vous familial. Entre quatre murs, le temps d’un week-end, les tensions ont tout le temps pour se développer, et l’arbre généalogique de pourrir sur pied. Flanquée de ses deux autres fils, Elliot (Ezra Miller) et Ben, la quadragénaire a toutes raisons d’être excédée, puisqu’elle s’attend à retrouver son ex-mari maqué avec la MILF Patty (Demi Moore), ainsi que sa fille aux bras couverts de scarifications. « Familles, je vous hais » ? Ah, on avait oublié : Elliot et Ben ont eux aussi leur lot d’afflictions, puisqu’ils sont respectivement atteints de Gilles de la Tourette et du syndrome d’Asperger, rendant l’un violent et l’autre autiste. À croire que les personnages ont dû montrer patte blanche (voire livide) pour figurer dans le scénario d’Another Happy Day, distingué par un prix au festival de Sundance 2011.
Récompensé pour un scénario qui s’appuie uniquement sur les confrontations des protagonistes, Another Happy Day est un film choral qui sonne horriblement faux, à la partition outrancière et attendue. Sans vraiment le vouloir, le long-métrage fait finalement figure de véritable parodie d’un cinéma labellisé « indépendant » tant l’intérêt de ses personnages ne tient qu’à leur pathologie exposée à chaque scène pour tenter d’y apporter un peu d’épaisseur. Forcément, c’est le jeu des acteurs qui en pâtit : Ellen Barkin ne fait que gober l’air lors des rixes verbales, tandis que les commentaires mi-lucides mi-désabusés d’Ezra Miller (voulu comme une sorte de Daria au masculin) arrachent difficilement un sourire. Même traitement pour les personnages secondaires de cette large famille recomposée, taillés comme autant de stéréotypes écervelés, réactionnaires ou sadiques.
Sans tendresse ni folie, le regard de réalisateur que porte Levinson sur la structure familiale et ses membres rend toutes les situations inconsistantes (y compris le grand secret familial) et le manque de rythme se fait très vite cruellement sentir. La faute à un huis clos mal exploité : il engendre des scènes stériles (notamment celles où Ben filme son frère comme un présentateur TV) plutôt qu’un resserrement de l’action sur la psychologie des personnages. Lesquels ne provoquent aucune empathie : c’est le prix à payer pour un drame complaisant, qui finit par mettre mal à l’aise à force de poser la caméra au milieu de tout ce linge sale.