Si dans sa note d’intention, le cinéaste confie avoir voulu réaliser « un petit film gentil », on pourra lui reprocher de n’avoir pas suffisamment « osé » et ce malgré la beauté de l’image (surprenant résultat de la haute définition) et le naturel des acteurs.
Après minuit a le tendre scrupule de se présenter comme un film sans prétention, bourré de gentillesse et de clins d’œil sympathiques aux cinéphiles avoués. Tourné en numérique, le film détonne par le piquant de l’image et la fraîcheur des couleurs. L’histoire, bien que tarabiscotée, pourrait tenir la route. Amanda (Francesca Inaudi), dont la coupe à la garçonne rappelle la Jean Seberg d’À bout de souffle, mène une vie tristounette entre un petit boulot ingrat et un amoureux coureur de jupons (excellent Fabio Troiano). Dans un moment de rage, elle ébouillante son chef à l’huile de friture et se cache dans la vertigineuse Mole, musée du cinéma turinois. Martino, le gardien (Giorgio Pasotti), obnubilé par le cinéma muet, la dorlote le temps de l’escapade et le cœur d’Amanda balance.
Cette historiette, un peu truffauisante dans le fond (amour à trois) et dans la forme (emploi de l’iris par exemple) pèche malheureusement par un aspect trop douillet. Le scénario est diablement confortable, Ferrario n’hésitant pas, dans la difficulté, à « zigouiller » ses personnages.
Par ailleurs, notre cinéaste exulte dans l’emploi d’une voix-off qui s’applique à décrire les personnages sur le mode « archives » d’un médiocre Amélie Poulain. Procédé douteux, parce que paresseux, si l’on considère que les personnages doivent se révéler d’eux-mêmes et dans l’action.
Mais l’historiette, et c’est ce qui est le plus énervant, n’est qu’un prétexte épatant au véritable but de Ferrario : rendre hommage au cinéma par le cinéma. Tentative risquée pour au moins deux bonnes raisons : d’abord parce que Martino ne trouve sa consistance et sa logique dramatique que dans les films dont il se nourrit. Formalisation d’un personnage un peu trop convenue : Martino est muet et gaguesque. On l’aurait voulu plus pétillant… Autre écueil plus sinueux : puisque Ferrario a décidé de faire l’éloge du cinéma muet, il jongle avec les collages (un brin de Keaton par-ci, de Charlot par-là). Bien sûr, on peut voir dans ces collages une perspective dualiste : un aveu d’humilité d’un côté, une récréation du souvenir de l’autre. Mais ce qu’on en retient c’est la frilosité d’un film qui ne s’affirme que sur un mode d’hétéronomie. Ferrario aurait dû rivaliser avec les grands, malgré le périlleux de l’entreprise, et non prendre ses jambes à son cou.
On se rappellera pourtant les excellentes première et dernière séquence, même plan d’un film en boucle : L’Angelo, clope au bec, meurt à petit feu adossé à une vitrine. Un camion publicitaire passe et la photo d’un politicien réjoui nous détourne un instant de notre héros. On peut lire sur le camion : « Votez pour mon combat contre l’insécurité. » Et L’Angelo de maugréer : « Oh merde ! Et dire que c’est la dernière chose que je vois ! » Un joli pied de nez à la sécurité du film tout entier.