Moins de deux ans après un premier film esthétisé à la manière des comédies américaines les plus bankable de ces dernières années, Philippe Lacheau et Nicolas Benamou se proposent, forts d’un certain succès commercial (2,3 millions d’entrées en France pour un budget d’1,9 million d’euros), d’offrir à leur public une suite à leur frénétique Babysitting. Faisant stricto sensu appel aux mêmes dispositifs visant à faire passer – à grossiers coups de chausse-pied – leur petite production pour un blockbuster hollywoodien à la française (des costumes un peu douteux que nos trentenaires parisiens assumeraient difficilement à la ville, passé quinze ans, aux morceaux de pop dénués d’imaginaire), Babysitting 2 en reprend également le principal ressort en vogue que constitue l’utilisation du found footage.
À mi-chemin entre procédé narratif et technique de réalisation, le found footage, popularisé par différents films d’horreur tels que The Blair Witch Project, en 1999, permet de tourner des long-métrages particulièrement immersifs à des coûts plus que concurrentiels (on pense immédiatement à l’incroyable rentabilité de Paranormal Activity, budgété à 13 500 dollars pour près de 200 millions de dollars de recettes) par l’inclusion de plusieurs scènes directement filmées par les personnages eux-mêmes. Or, si l’utilisation du procédé peut sembler judicieuse dans le cadre de films à vocation horrifique – avec tout le jeu qu’il peut impliquer sur le regard et le hors-champ – y faire appel à l’occasion de comédies éméchées entre copains aurait plutôt tendance à insuffler a ses scènes les plus festives l’aspect vulgaire d’un Project X sans manquer de dédouaner leurs réalisateurs d’une part considérable de leur travail, tant au niveau du cadre et de la lumière que de la direction des comédiens.
Petit racisme ordinaire…
C’est hélas le cas dans ce Babysitting 2 qui, faisant fi de toute crainte de redondance, fait appel au même procédé scénaristique que son prédécesseur. Après le parc d’attraction du premier volet, c’est cette fois au Brésil que ses principaux protagonistes ont disparu, alors qu’ils y avaient pour mission de prendre soin d’une personne âgée. Leurs proches, ayant retrouvé leur caméra, devront donc faire défiler les différentes vidéos s’y trouvant afin de les localiser. Sans jouer avec les possibilités offertes par ce dispositif (comme la possibilité de briser la linéarité chronologique, d’accélérer des scènes, de zoomer, de confronter les personnages à des fichiers altérés, etc.), Nicolas Benamou et Philippe Lacheau (incarnant également la figure centrale des deux films) nous livrent un scénario mécanique, peu inventif et dont les enjeux pourront difficilement s’émanciper de la simple succession de sketches. Ajoutant une couche de lourdeur supplémentaire à cette « caméra-prison », les protagonistes de Babysitting 2, impossibles adulescents, n’opposent pour toutes visions du monde, que le modèle patriarcal du gentil garçon – devenu sage car il va bientôt se marier – et de son ami stupide, n’ayant pour autre vocation que de tout rendre dérisoire. Ainsi Babysitting 2 nous contraint-il à assister à la rencontre forcément gênante de trentenaires parisiens à l’esprit de colons, porteurs des lumières occidentales de l’homo-festivus, et d’une tribu d’Amazonie outrageusement présentée comme composée d’homosexuels forcément queer, de guerriers sans jugeote, et de matriarches obèses sexuellement mises à disposition des visiteurs. Impossible alors d’énumérer les si nombreux clichés que le long-métrage étrille sur le Brésil, mais ces derniers, emprunts de ce racisme naïf et bienveillant que n’aurait pas manquer de saluer Jules Ferry en son temps, achèvent d’en dire long sur le peu de subtilité de ses auteurs.
Finalement dénoncé
Toutefois et au delà de ses lourdeurs idéologiques, les cabotineries dans lesquelles les comédiens de Babysitting 2 s’accordent à placer la plus sincère énergie parviennent régulièrement à amuser le spectateur. Et c’est notamment lorsqu’ils ne sont plus inconscients, mais véritablement destinés à se voir tournés en dérision, que les clichés racialistes du film acquièrent une utilisation légitime, dans la veine des dénonciations d’un OSS 117. Mises en mots dans la bouche d’une mamie raciste et pince-sans-rire, ces répliques subversives font fréquemment mouche et autorisent quelques gloussements en cela qu’elles invitent, non plus à rire avec les clichés mais à rire de ces derniers. Mieux encore, les saillies tournant en dérision le personnage incarné par Valériane de Villeneuve parviennent-elles – en dernière instance – à conférer à l’originelle bande de têtes à claques qui l’accompagne, un peu caractère et de sympathie. Certes, OSS 117 : Rio ne répond plus ne vacillera pas du trône des comédies françaises expatriés chez les Auriverdes, mais ce retour au Brésil, dont l’outrance ne saura dépasser celle du personnage incarné par Jean Dujardin que dans la maladresse, aura au moins le mérite de parfois s’y frotter avec succès.