Une bande de copines se prépare à fêter un mariage, et c’est comme si les portes de l’Enfer venaient de s’ouvrir. Mes meilleures amies, redux ? Bachelorette se présente volontiers comme tel, mais le film de Leslye Headland glace plus le sang qu’il ne fait vraiment rire. Insaisissable, réellement inconfortable, cette comédie qui n’en est pas une dérange et étonne.
La fête est finie
Avis aux spectateurs curieux de voir une énième variante féminine de Very Bad Trip : Bachelorette n’est pas une comédie. Certes, c’est ce que les distributeurs du film essaient de nous faire croire : vendu comme une sorte de Mes meilleures amies version vaguement indé, le film de Leslye Headland regorge de situations grotesques, montre des actrices plus ou moins connues débitant des horreurs et enfonce allègrement les portes ouvertes en s’attaquant à l’institution du mariage et ses codes comme si personne n’avait jamais songé à le faire avant. La comparaison s’arrête pourtant là. Si la comédie portée par la divine Kristen Wiig montrait avec panache que l’humour estampillé Apatow se déclinait parfaitement au féminin (quitte à même le surpasser), Leslye Headland utilise les mêmes ingrédients pour un tout autre résultat, beaucoup plus amer.
Le malentendu est tel qu’il est à vrai dire difficile de comprendre, dans un premier temps, que si Bachelorette n’est jamais drôle, c’est parce que la réalisatrice l’a très probablement souhaité ainsi. Le scénario, a priori inoffensif, raconte l’énième histoire d’une bande de copines réunies pour le mariage d’une d’entre elles. Premier couac : celle qui se marie est le vilain petit canard, la plus moche des trois, celle qui aurait du rester célibataire toute sa vie et certainement pas épouser un mec riche et beau (dans le rôle, plutôt à contre-emploi, Rebel Wilson – découverte, tiens donc, dans Mes meilleures amies – excelle). Second couac : les trois autres, beautés fatales ayant chacune consciencieusement raté leurs vies, l’ont tellement mauvaise qu’elles vont s’attacher, plus ou moins inconsciemment, à ruiner la cérémonie.
Apprenties sorcières
Il y a la garce frigide et cruelle dont le sourire figée effraie plus qu’il ne séduit (Kirsten Dunst) ; la brune cocaïnomane partie se brûler sous le soleil de L.A. et dont la vie amoureuse se résume à une succession de plans culs tous plus sordides les uns que les autres (Lizzie Caplan, la révélation du film) ; et la rousse décérébrée dont la seule possibilité de survie serait d’épouser un homme capable de l’entretenir (Isla Fisher). Ces trois-là sont des parasites, les prototypes parfaits des anciennes gloires du lycée devenues, sans s’en apercevoir, les ombres pathétiques de ce qu’elles ont incarné, de façon fugace, le temps de l’adolescence. La réalisatrice ne les ménage pas : véritables harpies, beuglantes et rugissantes, les trois mégères vomissent et vitupèrent à tout-va pour évacuer leur haine, leur rancœur et leur désespoir. Les vagues mésaventures que le scénario leur fait vivre (elles ont déchiré la robe de la mariée par mégarde et ont une nuit pour la réparer) ne sont qu’un prétexte. Les hommes autour d’elles existent à peine : la seule chose qui intéresse la réalisatrice, c’est le manège pitoyable de ces trois sorcières qui, la trentaine à peine passée, n’ont déjà plus rien à vivre.
L’aigreur du film est parfois à la limite du supportable mais, à la différence de l’horrible Young Adult de Jason Reitman (sur un sujet assez similaire), la cinéaste n’utilise pas la vacherie de ses héroïnes pour railler ses contemporains. Autour d’elles, le monde a changé, les ex-petits amis ne sont plus les jeunes coqs qu’ils ont été, les copines boulottes ont du surmonter leurs complexes pour avancer et la société ne fonctionne pas selon les mêmes codes que le lycée. Les ringardes, ce sont elles, et la réalisatrice ne rate pas une occasion de le souligner. Le film rame souvent, tentant maladroitement de rajouter des tonnes de gras dans un humour si noir qu’il se suffit pourtant à lui-même. Et la fin, presque joyeuse, est aussi incongrue qu’une touche de rose dans un costume de Tim Burton. Pourtant, le malaise subsiste, et la grimace de dégoût sur le visage de Kirsten Dunst, lorsque son amie lui annonce son futur mariage, continue de déranger longtemps après que les lumières se soient rallumées.