Film d’ouverture de la Quinzaine des Réalisateurs du festival de Cannes 2010, Benda Bilili ! et surtout ses vaillants intervenants n’ont pas eu trop de mal à se faire applaudir par les festivaliers, et il n’est guère risqué — ni enthousiasmant — de tabler sur un succès en salles dès cette semaine, surtout au vu de la conséquente médiatisation dont il fait l’objet, des affichages envahissants à la centaine de salles auxquelles il aura droit. Le « Staff Benda Bilili » : une poignée d’énergiques musiciens congolais, au noyau dur formé de quatre handicapés moteurs et d’un garçon de 13 ans détenteur d’un instrument original, composé d’une seule corde et une boîte de conserve. Notoires dans les rues de Kinshasa où ils chantent avec talent leurs déboires et leurs espoirs, ils vont, avec le soutien logistique suscité par… les réalisateurs de ce film, tenter de s’imposer en Europe.
D’emblée, Benda Bilili ! s’installe moins comme un documentaire que comme un « making-of » de leur premier album studio — Très très fort — et de leur tournée européenne. La musique est bonne, les musiciens malmenés par l’existence ont de la volonté à revendre, mais tout dans ce film fait dire que leur aventure méritait un récit bien plus fidèle. En s’intéressant sérieusement à la réalité de leur existence, par exemple (travailler sur le réel, c’est un peu le rôle du documentaire, rappelons-le), au lieu de ne se concentrer, comme le font Barret et La Tullaye, que sur ce qui constitue une success-story édifiante à peine contrariée par l’incendie qui, au milieu de l’enregistrement de l’album, jeta certains musiciens à la rue. Kinshasa, le Congo ? Une vague toile de fond de misère. D’où le Staff tire-t-il sa musique, ce son si singulier ? On s’en moque, du moment qu’ils jouent ! Qui sont-ils, au juste, au-delà de leurs fauteuils roulants, de leur béquilles, de leur son et de leur increvable optimisme ? Pas grand-chose, semble-t-il, aux yeux des réalisateurs qui jamais ne cherchent à creuser les individualités, à rendre leurs sujets en individus plus complexes que la figure de cliché condescendant de l’Africain débrouillard et hâbleur.
Sympathiques au demeurant, les musiciens se trouvent ici instrumentalisés dans une entreprise de séduction du public qui l’est nettement moins, eu égard au fond de préjugés douteux auxquelles il fait appel. Ce qui rend d’autant plus inquiétante la bienveillance — des festivaliers, des annonceurs voire des critiques — dont il fait l’objet un peu partout.