Il était une fois un producteur, Bernie Goldmann, un producteur exécutif, Josh Pate, et une scénariste, Melisa Wallack, qui voulaient faire un nouveau film sur Blanche Neige, moderne et décalé. Pour le réaliser, ils pensèrent immédiatement à l’Indien Tarsem Singh et à sa foisonnante imagination. Pour l’interpréter, ils réunirent un casting parfait : la grande Julia Roberts, la jeune Lily Collins, et le beau Armie Hammer. Ils vécurent un tournage heureux et espéraient beaucoup de succès… Le conte de fée s’arrête ici : le film est peu audacieux et assez ennuyeux.
Dans cette nouvelle version de Blanche Neige, il y a bien la gentille princesse, la méchante marâtre et le prince charmant sans oublier le miroir magique, la pomme rouge, les sept nains et le fameux baiser… Mais les codes du genre ont été bouleversés. À commencer par les personnages, et Blanche-Neige elle-même. La beauté est toujours là, l’air mièvre aussi ; mais Blanche-Neige est devenue une jeune fille engagée au grand cœur, qui n’hésite pas à manier les armes pour récupérer son royaume où elle souhaite faire régner paix et prospérité. Pas facile en face d’être le prince charmant, surtout lorsqu’on en est réduit à jouer un toutou en chaleur à cause de la reine qui s’est trompée de philtre! À côté de ces deux jeunes gens bien gentils, la reine irradie de méchanceté. C’est de loin le personnage le plus intéressant et le plus drôle du film, que Julia Roberts interprète à merveille. Son désir insatiable de jeunesse rappelle avec amusement celui de certaines actrices botoxées qui imposent à leur corps une discipline de fer pour ressembler aux jeunes premières. Rien n’est assez redoutable pour que le miroir constate la beauté suprême de la reine: ni le soin du corps aux bestioles corrosives et aux excréments d’oiseaux, ni l’engin de torture pour rentrer après quatre mariage dans la même robe. Qu’on se rassure, la reine est masochiste, et bien entendu sadique aussi. C’est la pauvre Blanche-Neige qui en fait les frais, sans que le spectateur en soit vraiment outré…
Tarsem Singh et son équipe ont voulu faire une parodie de Blanche Neige tout en conservant le beau rôle à la jeune princesse, ce qui est dommage. La balance entre romance et humour, qui était tout à fait réussi dans Shrek, ne produit pas ici l’enchantement savoureux attendu. Il faut dire que l’humour est souvent lourd et la romance un peu simplette. Il y a bien quelques petites saillies qui font sourire, comme la référence à Don Quichotte lorsque le Prince croit se battre contre des Géants ou celle au précepte du « less is more » lorsqu’il s’agit de percevoir les impôts et de faire croire aux gens que le pain est de la viande… Mais les sourires se font rares, et l’ennui finit par dominer.
Même les immenses décors et les somptueux costumes peinent à émerveiller complètement le spectateur. À force d’avoir voulu voir grand et abondant, le film tombe dans une sorte de clinquant kitsch, pas particulièrement beau. La magie opère tout de même dans certaines scènes, comme celle du bal costumé, fantastique carnaval animalier où les déguisements rivalisent d’originalité, avec bien entendu une mention spéciale pour ceux des trois héros : Blanche-Neige s’est métamorphosée en un beau cygne immaculé, tandis que la reine règne en paon majestueux, et que le prince charmant est un lapin un peu ridicule. Mais ce déploiement de merveilleux sonne trop souvent faux : les décors donnent parfois l’impression d’être en carton-pâte et les costumes ne sont pas tous aussi travaillés que les extravagantes robes de la reine (la jalousie de la reine aurait-elle encore frappé ?). Ce côté factice est renforcé par une photographie lisse: les images manquent trop souvent d’expressivité et d’âpreté pour envoûter le spectateur qui n’entre pas dans ce monde merveilleux, mais reste au contraire à l’extérieur dans sa torpeur.