Expérimentations hasardeuses d’artistes qui se cherchent ou réelles propositions cinématographiques, les deux films d’Arnold Pasquier et de Christian Merlhiot peinent à convaincre.
Pari risqué que de sortir simultanément deux films dépourvus de dialogues et d’enjeux dramatiques classiques. Difficile aussi de ne pas encourager une démarche audacieuse quand les productions nationales tendent parfois à ne faire aucune nouvelle proposition cinématographique. Pourtant, les deux films d’Arnold Pasquier et de Christian Merlhiot, respectivement Celui qui aime a raison et Silenzio, ne s’inscrivent pas réellement dans une démarche de cinéma à proprement parler. Ni cinéma expérimental (une trame narrative structure le film), ni même hommage au cinéma muet (éclairage naturel, visages plutôt inexpressifs, l’absence de parole ne suffit aucunement à prétendre à un retour aux origines), Celui qui aime a raison et encore davantage Silenzio ne dépassent que très difficilement le stade du projet libellé « Beaux Arts » où chaque scène devient prétexte à prendre la pose.
Si les deux cinéastes ne succombent jamais à la tentation de séduire à tout prix le public, Celui qui aime a raison sait pourtant se démarquer de son homologue Silenzio en parvenant à créer, très progressivement, une émotion très distillée, tout en retenue, notamment dans ses derniers plans. Mais pour en arriver là, le spectateur aura dû s’armer de patience, dépasser la perplexité induite par la scène de danse frénétique d’un homme qui se passe de musique, ou encore cette succession de scènes où un autre homme essaie toutes les chaises et autres fauteuils de son appartement, avant de terminer recroquevillé autour d’un petit tabouret. Arnold Pasquier aime la danse, plus précisément la danse contemporaine, plus généralement le corps en mouvement, et il n’hésite pas à nous le montrer. Mais à l’instar de Blush, la tentative cinématographique ratée du non moins talentueux Wim Vandekeybus, Pasquier rend cette volonté d’associer les codes du cinéma et ceux de la mise en scène de danse contemporaine dérisoire tant le cadre et le montage posent toutes les limites d’un propos qui ne dépassent que trop rarement le stade de l’expérimentation. Difficile d’apprécier et d’évaluer toutes les qualités plastiques et non cinématographiques de l’art vidéo dans le contexte d’une salle obscure.
Mais pour Silenzio, le constat est nettement plus sévère. Là où Celui qui aime a raison parvenait à distiller un parfum de nostalgie (notamment dans la scène où les trois acteurs principaux singent les dialogues d’un vieux film?), bref un peu d’humanité, Silenzio reste un film profondément aride, sans générosité. Cette errance de deux personnages (une très jeune Française toute en rondeur et un Japonais longiligne) repose sur un seul enjeu: faire coexister deux individus qui, séparés par la barrière de la langue, n’ont que leur corps pour communiquer. Perplexes, nous les observons prendre le train ou encore jouer aux cartes dans de longs plans-séquences d’un ennui mortel. Filmé en DV, Silenzio, l’un des titres de film les plus explicites de ces dernières années, n’a même pas pour lui la beauté de ses plans. Les couleurs passées et la lumière blafarde servent tout juste à rappeler que l’adolescence sied mal à la jeune fille, à tel point qu’on en vient à douter des intentions véritables du cinéaste de rendre aussi ingrat le physique de sa propre fille. Bref, deux expériences vidéos dont il est encore difficile d’évaluer les tenants et les aboutissants et qui ne susciteront d’intérêt que pour les Beaux Arts.