Contrairement à la « tarte du pauvre » qui donne son titre original à l’ouvrage, il y a un peu de tout dans cette adaptation du best-seller Le Cercle littéraire des amateurs d’épluchures de patates. On y trouve de la romance entre classes (une écrivaine et un fermier), du décor d’époque (la Grande-Bretagne d’après-guerre, entre Londres et l’île anglo-normande de Guernesey), du flash-black historique (l’occupation de cette île par les Allemands), des secrets dramatiques révélés un à la fois, des situations comiques, des seconds rôles rendus assez attachants pour faire sourire même dans le drame, d’autres seconds rôles à la méchanceté incurable (ça se lit sur leurs visages), et même un accessoire qu’on aurait pu croire réservé aux comédies romantiques au cadre plus proche de nous : un meilleur ami gay. Le rappel promotionnel que le réalisateur de ce grand buffet est aussi celui de Quatre mariages et un enterrement se justifie : dans son nouveau film comme dans l’autre, Mike Newell compte essentiellement sur une direction d’acteurs capables de mettre un peu d’esprit dans leurs dialogues pour agrémenter d’un ton de fraîcheur entre légèreté et amertume un programme pas si goûteux à l’origine.
Or ici, la petite recette fonctionne sensiblement moins bien, eu égard à un matériau romanesque généreux qui, pour faciliter sa digestion, appelait un doigté un peu plus affirmé que ces appels à la connivence suscités par un savoir-faire relatif et sans envergure. Surtout, elle masque mal un arrière-goût de complaisance dans l’idée un peu fantasmatique du « retour à la terre », appuyée plus ou moins discrètement par la mise en scène, et dont on réalise à la longue à quel point elle sous-tend tout le film. L’héroïne, jeune femme marquée par les bombardements sur Londres, ne se sent pas adaptée à la vie citadine trop vite reconstituée, et semble déjà vouloir fuir sa promesse de mariage avec l’Américain fortuné et un brin possessif qui lui a offert un gros diamant sur sa bague de fiançailles. Arrive à point nommé une correspondance épistolaire avec le fermier de Guernesey, qui pendant la guerre a trouvé son nom et son adresse dans un livre qu’elle a un jour détenu. Sans hésiter, elle plaque tout et vole à la rencontre de cet ailleurs au charme pittoresque, de son club littéraire gentiment excentrique à l’histoire rocambolesque, tout cela ne s’avérant à l’arrivée qu’un produit d’appel roublard pour affirmer chez elle son aspiration à une vie rêvée comme plus simple et plus sincère. La dernière image du film, quand la belle Londonienne aura comme prévu choisi de rester avec le beau Guernesiais qu’elle vient d’épouser, sera un gros plan sur leurs alliances, de modestes anneaux marquant bien le contraste avec le gros caillou du Yankee éconduit. Ce petit programme ronronnant glissé entre les lignes d’un romanesque laborieux n’incite pas vraiment à l’indulgence envers le manque de saveur réelle de l’ouvrage.