Pour ce nouveau film après leur trilogie dédiée à la liberté, Jean-Marc Barr et Pascal Arnold se frottent au monde de l’adolescence et du fait divers. Ne traitant vraiment aucun des deux sujets, les deux réalisateurs pensent compenser le vide de leurs propos dans une position esthétique et morale ambiguë. Ils finissent par tuer totalement leur œuvre, ne laissant aux spectateurs que le rire nerveux comme seule réponse.
Destin tragique chez une bande de jeunes. L’un d’entre eux est retrouvé assassiné dans une forêt. Mais qui a pu bien faire le coup ? Chaque protagoniste fronce alors les sourcils et prend l’air sérieux pour réfléchir… Les gitans ? Le vieil homosexuel partouzard ? Tandis que les cerveaux de nos chères têtes blondes fument, les flash-backs fusent et l’ennui rode…
Ce n’est pas de gaîté de cœur que l’on ressort aussi déçu d’un film de Jean-Marc Barr. On sait l’immense acteur qu’il est, dû en grande partie à la prestigieuse collaboration qui le lie depuis des années à Lars von Trier (ici co-producteur du film par le biais de sa société de production Zentropa), mais force est de constater qu’une fois derrière la caméra, c’est une tout autre affaire. Chacun sa nuit est avant tout l’histoire d’un ratage total, un film qui laisse pantois tant rien ne vient le sauver de son naufrage. D’une histoire à l’ambiguïté de comptoir, les deux réalisateurs tirent un film qui est clairement un navet. On y croise aussi bien de l’inceste, de l’homosexualité, de la bisexualité, de la prostitution et du voyeurisme, le tout traité sur le même plan, celui d’une fausse audace qui montre un goût douteux pour les sujets racoleurs arbitrairement collés sur le monde de l’adolescence.
Pas de valeur sociologique dans cette chronique adolescente qui, mêlée au fait divers glauque, aurait pu jouer sur une ambiance de film noir. Mais Chacun sa nuit se prend trop au sérieux, persuadé de délivrer un message important. Pourtant il ne fait qu’enfiler les clichés comme des perles. A l’image de ses comédiens, beaux comme des mannequins, mais au jeu qui sonnent faux et toc, avec une mention spéciale à Lizzie Brocheré qui devient au fur et à mesure de l’histoire de plus en plus insupportable. Faire porter un film sur les épaules d’une telle actrice peut même relever du suicide artistique. Avoir placé ces acteurs qui semblent tout droit sortis du cours Florent dans un arrière-pays aixois sauvage, et jouer le jeu du réalisme à tout crin dans la mise en scène prouve une absence de maîtrise de l’écriture cinématographique qui serait aussi bien à incriminer aux réalisateurs.
La construction explosée en flash-backs, au lieu d’apporter un regard nouveau sur le récit, ne fait qu’enrober une triste histoire d’un mystère de pacotille. On aura rarement vu un film exprimant de façon aussi pompière et maladroite l’énigme des actes humains, sa violence et son autodestruction. Reste un fatalisme dans l’air du temps, comme si les réalisateurs haussaient les épaules devant des faits qui leurs sont incompréhensibles. Rien de nouveau, rien qui ne vient frapper l’œil ou les sens, juste des dialogues qui vous font passer ceux des films de Max Pecas pour du Proust, délivrant le drame des adolescents qui refusent de quitter leur jeunesse.
Cruauté de la vie, Chacun sa nuit sort le même jour que le très beau 12 and Holding de Michael Cuesta, qui sur une intrigue assez proche (les réactions d’une bande d’ados après la mort de l’un d’entre eux) réussit le pari de livrer une palette d’émotions d’une richesse bouleversante. Il s’agit sûrement d’une affaire de goût, mais inutile de vous dire lequel il faut aller voir si vous vous rendez au cinéma mercredi…