Fantastique et SF en France ont toujours eu du mal à définir une identité propre : c’est une tarte à la crème du genre. Il faut bien le reconnaître : la personnalité très inquiétante d’Albert Dupontel pour le rôle d’un flic fou de revanche et passablement violent est une bonne idée, de même qu’un aspect visuel travaillé. Dommage que le scénario se perde dans ses propres méandres.
David Hoffmann est un flic de l’Europol, conglomérat policier européen futuriste. Lorsqu’une confrontation avec le criminel Dimitri Nicolov laisse sa femme sur le carreau, il est dévasté, et mis aux arrêts. Quelque temps plus tard, le criminel ayant laissé sa marque sur le cadavre d’une jeune femme, la police fait de nouveau appel à Hoffmann, en lui adjoignant une recrue fraîchement émoulue. Mais son enquête le mènera bien au-delà de ce qu’il aurait même pu imaginer.
Dès les premières images de Chrysalis, on est frappé par l’évidence : Julien Leclercq connaît bien son sujet, le polar de SF. Et assailli par une crainte : sera-t-on en présence d’un petit film de genre malin et énergique à la Nid de guêpes ou à une grosse baudruche vaine à la Pacte des loups ? Malgré de nombreuses qualités, Chrysalis penche hélas vers le second : un film de fan, qui cherche tellement à placer ses références qu’il en perd rapidement toute identité. Visuellement, le film est un croisement entre le visuel stalinien d’un Equilibrium et le look néo-polar d’un Blue Steel (et, accessoirement, un côté très agaçant à la I, Robot pour les sponsors ostensiblement filmés pour bien montrer qu’ils ont financé le film…) , et l’alchimie prend plutôt pas mal, grâce notamment à un Albert Dupontel monolithique et passablement inquiétant, qui revient vers un personnage tendu, rôle qui lui va à merveille.
Mais Dupontel ne fait pas tout, et si Marie Guillard s’en sort plutôt bien, son rôle est d’un intérêt proche du néant, sans parler de celui de Mélanie Thierry, transparente, et des caricaturaux Marthe Keller et Alain Figlarz. La mise en scène du petit nouveau sur la scène hexagonale Julien Leclercq est efficace dans les scènes d’action (par ailleurs fort barbares par moment), mais se perd dans un maniérisme pompeux et référentiel dans les scènes d’enquêtes ou de développement des personnages. L’ennui guette rapidement, et finirait par fondre sur nous si l’on ne pouvait se raccrocher régulièrement à une débauche de brutalité impressionnante, qui tient lieu de liant pour tout ce que Chrysalis a de bancal, depuis sa mise en scène jusqu’au scénario, quant à lui parfaitement indigeste. C’est une loi du genre cyberpunk : le scénario se doit d’être une poupée gigogne, de ne révéler ses différentes couches de complots dans les trahisons dans les retournements de situation qu’à la dernière minute – mais encore faudrait-il que ces rebondissements ne soient pas outrageusement cousus de fil blanc, ce qui est hélas le cas ici.
Avec son remake inavoué de l’Assaut de John Carpenter Nid de guêpes, Florent Emilio Siri était parvenu à réussir l’alchimie entre film de genre à la française et film référentiel, une alchimie dont on aurait aimé retrouver la trace ici. Mais hélas, s’il se suit sans déplaisir, Chrysalis ne fait guère plus d’effet qu’un coup d’épée dans l’eau. Un coup vicelard, violent, mesquin, barbare, certes – mais tout de même, dans l’eau.