Avec Crache cœur, premier film sur l’adolescence qui s’accompagne des thèmes propres au genre (en l’occurrence découverte de l’amour et quête du père), Julia Kowalski propose une représentation assez traditionnelle de la jeunesse et de la découverte de l’amour. Le point de départ, pourtant, est bien de démonter les passages obligés du récit d’apprentissage amoureux, au moins dans leur logique narrative et symbolique. L’apprentissage se fait donc ici à l’envers et à trois, par intermédiaires : entre la protagoniste Rose, une jeune fille un peu perdue, Jozef, l’ouvrier polonais employé par son père pour retaper une pièce de leur appartement, et le fils de celui-ci, aussi copain de lycée de Rose. Crache cœur fait glisser son récit sur les ponts qui se créent entre les personnages, Jozef pouvant renouer avec son fils grâce à l’adolescente, tandis que celle-ci profitera de ce prétexte pour conquérir le jeune homme.
Dans Crache cœur, c’est la jeune Rose qui attire tous les regards et mène avec brio la danse du film. Il est basé tout entier sur la réserve et les silences de ses personnages, dont les intentions ne sont dévoilées qu’avec leur mise en œuvre. Du réseau de regards que tisse le film, Julia Kowalski propose, même si elle n’est pas particulièrement novatrice, une belle représentation d’une adolescente maîtresse de son désir.
Premiers émois
Avec ce parti pris, elle propose un film assez classique mais qui mène à bien son programme : celui d’une comédie romantique sensible qui, en toute discrétion, renverse les réseaux relationnels attendus… mais pour en arriver au même point – retrouvailles du père et du fils, début de la relation amoureuse pour les ados. Seul point vraiment trouble de l’intrigue, la relation qui s’installe entre Jozef et Rose, qui cohabitent malgré eux, est malheureusement mise à plat par ce dénouement conventionnel. Le film fait reposer son audace sur l’expression du désir féminin, et se tient sur le fil de l’émotion via une mise en scène alanguie. Elle étire les scènes au long des échanges de regards, de désir, et de décisions dont les motivations sont heureusement tues. Mais le film se lèse par là d’un certain mutisme, un peu trop maniéré et qui transforme en affectation la sensibilité de son personnage, restant ainsi à distance de son propre cœur.