J’ai vu le visage du diable s’inscrit dans une tendance lourde du cinéma de festival contemporain dont on a déjà amplement rendu compte dans ces colonnes : le saupoudrage de motifs empruntés au cinéma horrifique dans une perspective discursive et allégorique. En l’occurrence, l’équation proposée par Julia Kowalski est la suivante : (L’Exorciste de Friedkin + une plongée dans une bourgade polonaise) x le point de vue d’une jeune femme réprouvant son homosexualité = une dénonciation arty de l’obscurantisme religieux.
Tourné en 16mm, le film cloisonne en grande partie ses deux versants, l’un réaliste, l’autre surnaturel ; l’incursion du fantastique passe essentiellement par des séquences mentales et atmosphériques qui donnent trop limpidement la clef du « mystère ». Le film s’ouvre ainsi sur un zoom avant vers le trou d’un arbre quand, plus loin, c’est l’embrasure sombre d’une bâtisse désertée qui montre comment la supposée « possession » de Majka résulte en vérité de l’angoisse suscitée par la découverte de sa sexualité. Les scènes d’exorcisme, qui reposent sur les seules épaules de la jeune Maria Wróbel, trahissent le mélange bâtard que vise l’écriture : saucissonnées en une série de « séances » elliptiques, elles soumettent l’horizon horrifique à la cadence de la chronique. Si possession il y a ici, c’est uniquement celle du cinéma de genre, qui se retrouve aujourd’hui sous la pernicieuse emprise d’une mode « auteuriste ».