Après les Mariage à la grecque et les Braquage à l’italienne, voici donc le Divorce à la finlandaise, qui n’est en rien une suite des deux précédents, mais plutôt l’expression du manque d’originalité des « chercheurs » en titres de films. Belle illustration involontaire de la banalité de l’ouvrage, tant Divorce à la finlandaise manque de personnalité, de punch et de ce brin de folie qui fait le sel des meilleures comédies.
Il n’est pas toujours aisé d’écrire sur un film. Trois cas de figure généraux se présentent fréquemment à l’esprit du rédacteur. Premièrement, il a aimé le film, et la tâche peut s’avérer ardue car il a tendance à vouloir que l’article soit à la hauteur de l’œuvre, piège dans lequel on peut tomber couramment. Secundo, il a détesté le film : généralement, les arguments sont plus faciles à développer, car il est toujours plus aisé (voir confortable) d’écrire un article à charge. Le troisième cas de figure, sans doute le plus déstabilisant, c’est lorsque le film n’a rien suscité de particulier chez le rédacteur, si ce n’est de l’indifférence (dans cette configuration, on a coutume de dire que le film « se laisse regarder », comme si le public abandonnait sa position de spectateur pour se muer en observateur impartial). Écrire devient alors un véritable casse-tête, tant on a l’impression qu’il n’y a « rien à dire » sur le film. C’est malheureusement le cas ici : Divorce à la finlandaise est une comédie inerte, au sens où elle se borne à recycler des situations éculées. En résumé, Juhani (Hannu-Pekka Björkman) et Tuula (Elina Knihtilä) sont un couple en bout de course, la séparation est inévitable tant ils se détestent cordialement. Ils tentent donc de mettre en place une charte de savoir-vivre sous le même toit, afin que chacun respecte l’intimité retrouvée de l’autre. Évidemment, tout va partir rapidement en cacahuète.
La présentation de nos deux personnages passe par un jeu d’oppositions systématiques : elle donne des séminaires grassement rémunérés, il travaille dans le social. Ainsi, lorsqu’ils partent au boulot le matin, elle prend sa BMW tandis qu’il se traîne un vieux tacot, la mise en scène soulignant de manière symétrique le fossé qui s’est créé entre les deux protagonistes. Tout se transforme rapidement en un petit jeu de massacre, chacun s’évertuant par basse vengeance à ne pas respecter les conditions de la charte du « vivre ensemble mais séparément ». Cela passe évidemment par quelques scènes de cul pas très reluisantes, où le principe est de susciter ce qu’il reste de jalousie chez l’autre pour le pousser à bout. Kaurismaki mène la situation jusqu’à un prévisible ménage forcé à quatre dans la même maison, sous les yeux d’un voisin éberlué, running gag agaçant qui vient sans cesse commenter l’action. Tuula se trouve un petit jeune et se transforme donc en femme « couguar », pendant que Juhani ramène une petite nénette empruntée à son frère, proxénète de bas étage. Le récit se double alors d’une vague enquête policière sur la mort d’une prostituée, mais l’ensemble est tellement décousu qu’il peine à éveiller le moindre intérêt.
Si au moins le film provoquait quelques rires, on pourrait plaider l’indulgence. Mais les gags développés ici ne sont que des variations dignes de la comédie de boulevard la plus indigente. Le chien du voisin vient sans cesse perturber les tentatives d’espionnage des deux époux, ou un cigare qui prend feu vient dévoiler aux yeux de tout le quartier (et des pompiers) la nudité disgracieuse d’un Juhani se faisant tailler une pipe. Le niveau est effectivement très bas, mais ce qui chagrine le plus est vraiment le développement brouillon du récit, surtout dans une dernière partie qui débouche sur l’enlèvement de Tuula par des malfaiteurs (se joignent à cette intrigue des imbroglios familiaux avec les beaux-parents qui ne tiennent absolument pas la route). Le problème névralgique des films qui suscitent l’indifférence se situe peut-être là : dans l’incapacité à stimuler la croyance du spectateur en ce qu’il voit se dérouler sous ses yeux. Et lorsque l’invraisemblance s’allie à la médiocrité, le spectateur ne peut en dernier recours que démissionner de son poste.