Naomi, israélienne, est une agente du Mossad sur la touche à qui l’on demande de rempiler. Sa mission, si elle l’accepte : veiller sur Mona, libanaise, informatrice pour la même agence, mais démasquée et traquée par le Hezbollah. Dans un appartement de Hambourg, les deux femmes se confrontent tandis que le danger se rapproche… C’est comme si les murs de l’appartement, en délimitant intérieur et extérieur, démarquaient en même temps les deux versants du nouveau film d’Eran Riklis. Au dehors : un film d’espionnage cochant consciencieusement mais sans inspiration les cases de l’anti-héroïsme paranoïaque post-John Le Carré, avec silhouettes suspectes, cadrages inquiets sur l’environnement, hiérarchie peu fiable au gré de la valse des intérêts des puissances, et intérêts personnels se mêlant aux objectifs officiels (on a même droit à des scènes suivant l’officier du Hezbollah aux trousses de Mona, laquelle a été sa compagne). Ce n’est pas mal fait mais, à l’exception d’une scène, cela ne marque jamais plus qu’un spécimen lambda du genre, et l’on sent que ce n’est pas cet aspect qui a attisé le plus le désir de cinéaste de Riklis. La scène en question, un cauchemar diurne de Naomi, est la seule où la paranoïa s’infiltre véritablement dans les murs, où le « film du dehors » et celui « du dedans » se rejoignent de façon convaincante, et s’avère le moment le plus troublant du long-métrage.
Le « film du dedans » : une confrontation de caractères féminins où la méfiance initiale va se muer pas à pas en complicité. On aimerait pouvoir mettre au crédit de Riklis de mettre un peu plus de cœur à ce double portrait, si seulement cela donnait quelque chose de convaincant. Les deux personnages (et leurs interprètes) sont tenus à des caractérisations inégales : face à la sobriété intrigante affichée par l’agente masquée derrière ses lunettes, l’informatrice en fait trop dans l’affectation de mystère tapageur et rebelle. L’une colle au rôle qu’on fait jouer dans le scénario d’espionnage, l’autre moins (au point de tenter, à un moment, d’évacuer l’immeuble en portant une robe rouge à la sensualité rutilante). Le décalage entre les deux attitudes offre la possibilité d’un intéressant décrochage du programme de film de genre, mais c’est là que le vrai handicap de ce face-à-face se montre le plus cruellement : le film se montre bien laborieux pour figurer l’échange (au-delà de la confrontation de base) entre ces contraires. Chacune des héroïnes, cloisonnée dans sa propre partition, semble habiter un film distinct, et seuls des artifices poussifs d’écriture (une scène où elles se « reconstituent » elles-mêmes simultanément, une autre flattant un cliché de complicité féminine, et enfin l’attente suscitée par défaut, tout simplement) nous enjoignent de croire qu’elles engagent un véritable rapport l’une à l’une. C’est un supplément d’âme de cinéaste qu’il eût fallu pour leur médiation.