Comme 20% de ses congénères, Iyad est un Arabe en terre israélienne. Enfant des années 1980 et de la guerre du Liban, il est aussi le premier de la famille à intégrer le plus prestigieux lycée de Jérusalem : malgré la réussite scolaire et une relative intégration sociale, Iyad découvre peu à peu le racisme des uns et la rancœur des autres.
De l’onirisme à la métaphore
Il y a dans ce dernier long-métrage d’Eran Riklis, réalisateur des remarqués Fiancée syrienne en 2004 et Citronniers en 2008, un curieux mélange entre la légèreté des films qui refusent d’abandonner le rêve au réalisme et la dureté des pédagogies un peu trop martelées. Les premières séquences, oscillant entre bouffonnerie et onirisme, présentent un enclos, une chasse gardée : celle du village d’Iyad, habité par des Arabes et gardé par Israël. Écho physique et humain des conflits du Proche-Orient, le village voit passer les missiles de Tsahal qui volent comme des charognards vers les immeubles modernes de Beyrouth. Il est aussi le théâtre d’une comédie humaine plus classique : de la bouffonnerie, Eran Riklis retient les caractères topiques des villageois (le maître d’école autoritaire et méprisant, l’épicier généreux, les enfants qui jouent à Sharon et Arafat…). Le développement de l’onirisme se fait, lui, en parallèle, chez les personnages moins écrits, plus brumeux, comme celui de la mère adorant discrètement un fils dont elle protège la liberté, ou celui de la grand-mère qui tente par tous les moyens de calmer les ardeurs politiques naissantes de son descendant. Comme souvent chez Riklis, ce sont les protagonistes féminins qui transmettent l’idée et l’émotion quand les personnages masculins assurent un contrepoids comique -pas toujours nécessaire.
L’hérédité chroniquée
Mais le nœud du récit est bien l’éclosion d’Iyad. Le village, de moins en moins mis en scène au fur et à mesure du film, va devenir le témoin d’un ancrage de la rancœur des minoritaires. À l’arrivée d’Iyad à Jérusalem (ville de la découverte mais aussi de l’ancrage), la thématique filiale se divise en deux récits : celui de l’Arabe en terre ennemie (Iyad) et celui du Juif sur la sienne (son ami Yonathan, handicapé moteur). Les deux mères, à quelques heures de bus l’une de l’autre, sont assez similaires : femme au foyer de classe rurale ou avocate reconnue, elles travaillent, écoutent, ferment les yeux quand ils le faut, comprennent en même temps et avec la même ardeur. Dans Mon fils, le plus réussi n’est pas le message de tolérance issu d’un programme chargé qui évoque l’amour mixte, l’intolérance du monde lycéen, la ségrégation des Arabes à Jérusalem et les maladies orphelines. Ce message semble nécessaire au réalisateur mais, bien qu’un peu maladroitement assénée, l’idéologie ne recouvre pas de postures discursives les gestes cinématographiques. L’image donne en fait plus de sens et de subtilité aux atmosphères et au hors-champ que les situations de scénario érigées en symboles -le fils qui reprend le combat du père, l’Arabe qui ne trouve pas de travail, le Juif qui peine à comprendre la douleur du rejeté… Mon fils, s’il tracte parfois, surprend souvent par sa capacité à insinuer plus qu’à raconter : la chronique historique familiale dévie, change de substances et de sujets jusqu’au dénouement (d’une curieuse amoralité d’ailleurs). Elle dévoile toutes les facettes de la confrontation entre deux dignités et deux histoires.