Et si la solution à la surpopulation et au réchauffement climatique passait par un rétrécissement de l’humanité ? L’amusant postulat de Downsizing, qui augure un film jouant sur un imaginaire lilliputien, débouche sur une fable atone, survolant son terrain de jeu pour mieux s’attacher à une allégorie quelque peu lourde. C’est que le rétrécissement de Paul (Matt Damon en Américain moyen altruiste mais guère gâté par la vie) n’est qu’une étape dans son cheminement vers « the path to happiness ». Le film segmente de fait son voyage moral en trois étapes : d’abord une verticale (le passage du monde des grands au monde des petits), puis une horizontale (la découverte que le monde des petits reproduit les inégalités de classes et raciales d’une société traditionnelle) et enfin un retour à la nature dans une communauté norvégienne qui emprunte autant à l’utopie qu’à une forme de structure altermondialiste. Alexander Payne filme moins tant la découverte et l’exploration d’un inframonde composé de multiples couches qu’il ne cherche, par le truchement de la science-fiction, à capter quelque chose de la crise de l’homme blanc occidental, écartelé entre ses problèmes quotidiens et son aspiration à dépasser son mode de vie individualiste pour donner du sens à sa frêle existence.
Si le ton est à la comédie gentiment piquante, il y a pourtant une réelle malhonnêteté dans la façon dont Payne cloue chaque personnage pour ses petits travers en faisant mine de les accompagner avec bienveillance. C’est le cas, par exemple, de l’épouse de Paul, qui décide à la dernière minute de ne pas se miniaturiser alors que son époux vient de passer l’opération : si elle argue après coup qu’elle ne peut pas abandonner ses amis et sa vie de « grande personne », son revirement survient lorsque la gravité de son changement de vie s’incarne dans son apparence (ses cheveux et ses sourcils, rasés pour le bon déroulement de l’opération). Il y a enfin une bien-pensance contestable dans la manière dont le personnage n’envisage son accomplissement en tant qu’individu que dans le dépouillement et la dévotion au plus près des démunis qui ne sont par ailleurs définis que par le regard de l’humaniste blanc leur venant en aide. C’est littéralement ce qui se joue dans le dernier champ-contrechamp, ou un vieillard hispanique n’existe en tant que personnage que pour valoriser l’expérience vécue par le héros, content d’avoir enfin trouvé sa place au sein d’un monde à l’agonie. Dommage que Payne, plutôt que d’exploiter la matière première de son intrigue, s’en remette ainsi à une mise en scène truffée d’images génériques (de l’imaginaire miniature à la vision caricaturale du mode de vie scandinave) et incapable de saisir ses personnages en tant qu’êtres.