Dix ans après le succès remporté par Juste un baiser qui lui a ouvert les portes d’Hollywood (plus pour le pire que pour le meilleur), Gabriele Muccino revient en Italie pour donner une suite au film qui l’a révélé. Est-ce le baiser de trop ? Pas vraiment. Mais ce n’est pas non plus le baiser passionné. Ce nouveau film de Muccino tient plus du baiser routinier, celui que l’on partage lorsque l’on est en terrain trop connu, par habitude et qui ne provoque ni dégoût ni extase. Bref, un baiser banal et sans saveur.
Dix ans après, on prend les mêmes, donc, et l’on continue. Carlo, le Casanova philosophe (Stefano Accorsi toujours aussi charmant) s’est séparé de sa femme Giulia avec qui il a eu une fille. Son goût pour les lolitas ne s’est pas amoindri et il vit aujourd’hui avec Ginevra, une jeune femme de quinze ans sa cadette. Giulia, de son côté, a refait sa vie avec un acteur raté. Rentré de son périple en Thaïlande, Paolo a repris le magasin d’objets religieux de son père et se bourre d’anti-dépresseurs. Sa relation chaotique avec l’ex hystérique d’Alberto n’arrange rien à l’affaire. Marco, le macho, assiste impuissant à l’éloignement de sa femme Veronica qui noie la frustration de n’avoir jamais eu d’enfants dans les bras d’un jeune artiste. Quant à Alberto (qui se voit affublé d’une couleur de cheveux improbable), il a été emprisonné en Thaïlande pour trafic de cocaïne. Ses amis sont là pour l’accueillir lors de son retour à Rome et pour faire le bilan de ces dix années écoulées.
Avec cette suite, c’est un peu comme si les trentenaires de Juste un baiser marchaient sur les pas des quarantenaires de Souviens-toi de moi… sans avoir totalement grandi. En effet, Carlo et ses amis sont restés dans un état transitoire de crise perpétuelle qui ne les a pas fait complètement oublier leurs illusions de jeunesse, ni fait entrer dans l’âge de la maturité. Certes, ils ont traversé des divorces, les enfants sont arrivés… mais ils aiment toujours se complaire dans leurs statuts d’adolescents attardés et quelque peu embourgeoisés. De fait, là où, dans le premier film, le baiser cristallisait les frustrations de la crise de la trentaine et était objet de rupture (c’est après avoir flirté avec une lycéenne que Carlo mettait son couple en péril), aujourd’hui il devient l’élément déclencheur d’une reconstruction qui permettra, peut-être, aux personnages de résoudre ce complexe de Peter Pan. Car selon la morale du film, sans relation stable, il semble difficile d’avancer. Après des séquences d’exposition laborieuses, le maigre enjeu dramatique d’Encore un baiser tiendra ainsi dans le temps que mettront les anciens couples à se reformer et les nouveaux à se créer. Le coup d’envoi de ce processus de (re)conquête est une fois de plus donné par le duo principal Carlo et Giulia. C’est d’ailleurs à ce moment que l’on peut trouver la seule scène vraiment digne d’intérêt du film. Dix ans après leur séparation, ils échangent un nouveau baiser. Cela déclenche une partie de jambes en l’air, express et assez drôle, tandis que leur fille tambourine à la porte de leur chambre, ne comprenant pas pourquoi ses parents divorcés sont soudainement « occupés ».
On le sait, le principal défaut que peuvent rencontrer les films chorales vient de la multiplication des personnages qui pousse les réalisateurs à faire traîner le film en longueur sans pour autant proposer une matière solide. Le dernier Guillaume Canet en était la preuve ; Encore un baiser n’échappe pas à la règle du haut de ses longues 2h20. C’est d’autant plus flagrant que les personnages secondaires sont complètement survolés. Privés d’un véritable ancrage politique et social (au moins ils ne connaissent pas la crise), sans réelle force dramatique, il est difficile d’être en empathie avec eux. Heureusement qu’ils se disputent et qu’en Italie les crises de couple s’accompagnent de cris, de larmes voire de menaces au suicide. Le récit y puise une illusion de vie et un dynamisme bienvenus. Mais c’est bien là le problème, ce n’est qu’une illusion et l’on finit bien vite par se désintéresser de ces histoires d’amour d’enfants gâtés.
Dans Juste un baiser et Souviens-toi de moi, il fallait reconnaître à Muccino une certaine acuité et une vraie maîtrise dans l’écriture de ces destins croisés. Sans révolutionner le genre, il réussissait à faire une peinture assez touchante de ses personnages et à distiller habilement des ressorts dramatiques. Avec Encore un baiser, la mécanique a légèrement rouillé ! Pire, comme s’il ne croyait plus totalement à son projet (on sent quand même l’enjeu commercial derrière cette suite), Muccino cède souvent le pas à la facilité des situations et aux clichés. Du coup, ce Cœur des hommes à la sauce italienne paraît bien routinier et paresseux.