Le temps de vacances estivales, plusieurs générations d’une famille se retrouvent dans une maison au milieu des bois. L’endroit respire une sérénité qui n’est pas celle des êtres et de leurs relations. Le thème de la famille, les tonalités naturalistes, la mise en scène patiente et posée : on retrouve tous les ingrédients qui font la vitalité et l’intérêt de nombreux films venus d’Allemagne, dont le remarquable Septième ciel d’Andreas Dresen en novembre. Bien que mené avec soin, Ferien peine toutefois à surprendre et, de ce fait, à convaincre pleinement.
Le premier personnage à être introduit est l’espace du film : une maison coquette perdue dans les bois avec un splendide jardin entretenu avec amour. On le découvre vide, juste peuplé des gazouillis des oiseaux et des murmures de la nature. Puis le réalisateur y intègre les êtres. Essayons de faire simple… Il s’agit du refuge d’Anna et de son second mari Robert. Leur fils Max sort de l’adolescence et papillonne avec la jolie Zoé. Arrive Laura, fille d’Anna issue d’un premier mariage, accompagnée de son époux Paul et de ses deux enfants. Et ce n’est pas tout, un coup de fil de mauvais augure nous apprend que la mère d’Anna est malade ; la voici qui déboule. Ce n’est qu’au bout d’une dizaine de minutes, après cette mise en place, que le générique est lancé avec un élégant travelling arrière. Jeunes, conquérants et sûrs de leur amour, Max et sa copine baignent dans une lumière rasante de fin de journée et parcourent amoureusement une route de campagne en mob.
Les protagonistes se retrouvent sans haine apparente mais sans euphorie ni chaleur. Ils ne sont pas réunis dans le même cadre, ils évoluent dans des espaces dissociés, à la fois dans le même lieu et isolés dans celui-ci. Les deux jeunes enfants vadrouillent gaiement dans la nature, le malaise est perceptible entre Laura et Paul, Robert et Anna cohabitent plus qu’ils ne forment un couple, la grand-mère glisse lentement mais sûrement vers la mort. Chacun est aux prises avec ses propres tourments, petits ou grands. Avec des ressorts dramatiques très économiques, Thomas Arslan distille quelques signes qui ne trompent pas : cette famille n’est en rien un noyau solidaire, il s’agit plutôt d’une constellation éclatée. Et voilà que même les deux jeunes tourtereaux s’engueulent. La lumière est solaire mais changeante, comme un miroir tendu aux personnages Et pendant ce temps-là, le vent fait frémir les herbes hautes et les feuilles des arbres dans des plans récurrents qui créent un contrepoint un peu systématique.
Les malaises personnels ou interpersonnels de chacun installés, il s’agit ensuite d’un petit théâtre cruel où les personnages se débattent. Laura a rencontré quelqu’un. Paul est trimballé de chambre en chambre, son matelas sous le bras, comme un enfant qui irait se construire une cabane. Et voici que Sophie, la sœur de Laura perdue de vue, vient assister la grand-mère dans la mort. Et qu’un plan malicieux semble annoncer une idylle potentielle entre elle et Paul. Et l’on apprend qu’Anna est toujours amoureuse de son premier mari. Sexagénaires, tout juste sortis de l’adolescence ou quadragénaires, on est en présence de personnages qui prennent conscience de la réduction des possibles dans une vie qui avance inexorablement. Le temps des vacances, temps suspendu par excellence, apparaît comme favorable à ces virages existentiels. Les protagonistes aimeraient bien se rendre heureux, eux-mêmes et pourquoi pas les autres, mais ne savent pas du tout comment s’y prendre. Ni comédie familiale cruelle, ni drame étouffant, Ferien est mené avec tranquillité et calme, de manière presque sage. Un peu trop, même si on pourrait considérer cela comme une sorte d’originalité.