Antonio Bay, ville insulaire fière de son patrimoine historique, se voit assiégée par une horde de fantômes vindicatifs. L’essentiel du Fog de Carpenter est là : fantômes et brouillard sont au rendez-vous. On regrettera juste que le reste du film ne soit qu’un catalogue des passages obligatoires du film d’horreur de consommation courante.
La pratique du remake tient autant d’un consternant manque de créativité et d’audace scénaristique que d’un besoin passablement commercial de rentabiliser une franchise déjà connue. Parfois, le talent ou le hasard sont au rendez-vous et nous offrent des monuments comme le King Kong de Peter Jackson ou, dans une moindre mesure, le Massacre à la tronçonneuse de Marcus Nispel. Un véritable amour du cinéma, une passion intacte pour le fantastique, genre réclamant des passionnés s’il en est, gardent ces films de sombrer dans les ornières de la pâle copie qui semble avoir oublié tout ce qui faisait le génie des originaux. Mais évidemment, certains films tombent dans ce piège avec un bel enthousiasme.
C’est le cas de ce Fog. Tout y passe : la scène « érotique » évidemment nécessaire aux émois d’un public adolescent, les scream queens aux rôles insipides, le noir de service pour les quotas, le gamin énervant, point focal du pathos du film, le jeune premier au physique de catcheur et au sourire Colgate, la psychologie de comptoir… La liste est encore longue et le reste du film n’est pas là pour rattraper le coup : mise en scène absente, airs de téléfilm, musique signée par un Graeme Revell qui semble n’avoir que très récemment découvert les vertus des suraigus dans les films d’horreur, ou encore une interprétation qui ferait rire les acteurs de Scream. Un soin extrêmement pauvre semble avoir été apporté à la forme dans ce film, comme si le réalisateur savait qu’il ne devait adresser son « œuvre » qu’à un public déjà conquis, et peu amateur d’extravagances artistiques.
Si la forme est déjà peu avenante, le fond est encore pire. La base d’un scénario de fantastique, pour qu’il fonctionne bien, est la transgression. C’est par elle qu’arrive l’horreur (ici, la transgression de l’ordre des choses veut que les morts ne le restent pas) mais c’est aussi par elle que doit s’exprimer la tension autour des protagonistes. Une fois posées les nouvelles limites amenées par cette transgression, le scénario se doit normalement de rester fidèle à sa nouvelle mythologie. Et si toute la – trop longue – première partie de Fog pèche par son utilisation sans vergogne des pires archétypes du fantastique de série B, la seconde partie s’abstrait totalement d’un scénario pourtant passablement cohérent et basé sur les conditions de la vengeance d’outre-tombe des fantômes, pour créer l’emphase sur certains points, en abandonnant d’autres. Résultat : pourquoi un personnage est-il victime d’une destruction très rapide quand de nombreux autres survivent dans des conditions infiniment pires ? Ou encore, pourquoi certains des « maudits » survivent-ils, sans explication ? Cette légèreté vis-à-vis d’un scénario qui réclame une plus grande rigueur finit de séparer le spectateur du film, pour ne lui instiller qu’un ennui fade.
Remake inutile et sans saveur, Fog s’éloigne de la rigueur passionnée d’un Carpenter – pourtant producteur –, pour ne plus ressembler finalement qu’à un prétexte à se goinfrer de pop-corn au beurre gras. L’un comme l’autre restent lourdement sur l’estomac.