Teen-movie angoissé, absurde, extrêmement référencé mais aussi un brin poseur, Ham on Rye se présente comme une curiosité parmi les curiosités du cinéma indépendant américain. Scindé en deux blocs, l’un choral, l’autre solitaire, le film décrit la dernière soirée de l’adolescence de jeunes d’une banlieue pavillonnaire anonyme, avant de se resserrer sur Haley (Haley Bodell), mal intégrée au groupe. Difficile d’être insensible à la drôlerie de certaines vignettes de la première partie, suspendue dans un « rien » agréable (l’intrigue pouvant se résumer en une ligne : il faut se rendre à la soirée), et dont la meilleure est sans doute celle qui oppose deux trios de jeunes garçons, d’un côté et de l’autre d’une rue, qui tentent avec un sérieux irrésistible de s’intimider par leurs démarches respectives. Ce duel improbable, rythmé par l’exagération progressive de leurs mouvements d’épaule et combiné au ridicule de leurs accoutrements (des costumes pour la plupart trop grands pour eux) annonce alors un film en forme de bulle irréelle et drolatique qu’Ham on Rye n’est malheureusement pas totalement.
Arrivé à la soirée, le film migre plutôt vers une étrangeté forcée autour d’un rituel mystérieux qui restera hors-champ, avant de se muer en non-dit dans la deuxième partie. Plus le film avance, plus l’imbroglio du récit se fait lourd et embarrassant, plein de silences appuyés, comme si Tyler Taormina, passés les charmants effets de manche du début, voulait dissimuler la vanité de son projet sous diverses couches d’ésotérisme bon marché. Devant une telle confusion, on est tenté de jeter un œil au dossier de presse. On y apprend alors, outre les évidentes influences mal dégrossies de Lynch et de Linklater, qu’une partie du casting (étonnant, il faut le dire) est composée d’enfants acteurs de la télévision des années 1990. Autour d’un feu de camp se retrouvent ainsi Danny Tamberelli, une voix originale du Bus magique (ça ne s’invente pas), Lori Beth Denberg de la série à sketchs All that, et d’autres encore. Les références illisibles censées produire un trouble pour quelques happy few s’amoncellent ainsi jusqu’à faire de ce film une sorte de stoner movie sans drogue, trimballant des marionnettes ahuries dans un spleen artificiel. À force de multiplier les métaphores sur le passage à l’âge adulte, Taormina s’éloigne de l’absence qui caractérise cette période de la vie : nul besoin de cérémonie mystique, de lumière blanche ou de disparition pour quitter l’enfance – ce n’est pas un seuil, c’est déjà un souvenir.