Cette petite série B fantastique réalisée par Patrick Lussier (Meurtres à la St Valentin 3D; longtemps collaborateur de Wes Craven) laisse dubitatif. Si elle s’avère sympathique par son programme filmique sans concession, s’attaquant de front au gore et au road-movie à l’ancienne, elle s’enferme vite dans « le cinéma bis de mauvais goût » sans démontrer d’originalité dans sa mise en scène. Elle confirme surtout que Nicolas Cage est en train de se ringardiser à force d’accepter tout et n’importe quoi.
La carrière de Nicolas Cage prend une tournure surprenante : cet acteur infiniment cabotin, qui a fait preuve d’un certain talent – ou plutôt d’une certaine présence – dans quelques bons films d’auteurs et dans une flopée de blockbusters plus ou moins réussis (Ghost Rider pour le pire, Volte-Face pour le meilleur), semble enchaîner les productions sans réelle cohérence artistique, passant des médiocres Benjamin Gates à l’excellent Bad Lieutenant de Herzog tout en tournant depuis peu des œuvres fauchées comme le pathétique Le Dernier des Templiers et Hell Driver. Le spectre du dérapage incontrôlé vers le direct-to-video commence à pointer le bout de son nez. Ces choix chaotiques peuvent être expliqués par la quasi-ruine de Cage suite au krach boursier de 2008, drame financier qui l’a « sûrement » amené à accepter tous les scénarios proposés pour effacer une ardoise colossale. On ne lui tiendra alors pas trop rigueur de ses divagations récentes, d’autant plus que l’acteur va au turbin avec son bleu de travail et ses outils, s’attaquant aux petites productions et aux films de genre à bras-le-corps.
Hell Driver en est la preuve : Cage, monolithique et très concerné par son rôle, joue de son physique imposant et maladroit en alternant sérieux et burlesque avec décontraction. Il incarne Milton, spectre vengeur, qui s’échappe de l’enfer pour traquer les membres d’une secte satanique ayant assassiné sa fille et kidnappé le bébé de celle-ci. Un scénario très bis, influencé par les comics américains, notamment par le fameux Ghost Rider. Mais, si le film est plaisant par ses intentions de rendre hommage aux œuvres de genre des années 1970 et à la sous-culture US, il s’avère malheureusement décevant par son contenu réel. Pendant une bonne demi-heure, il délivre une atmosphère jouissive (surtout pour les fans des œuvres d’actions d’antan), faite d’automobiles rutilantes, de hard-rock, de grosses pétoires, de gore et d’humour noir efficace. Le délire filmique de Lussier ressemble à une sorte de mise à jour 3D et numérique réussite des films d’actions old-school, fondés sur des courses-poursuites musclées sur les très cinématographiques routes américaines. Hell Driver arrive également à faire quelque peu oublier les défauts gênants du genre (machisme et violence gratuite) grâce à son second degré. Mais, passé cette entrée en matière rythmée, il tombe rapidement dans la redondance de ses effets humoristiques et horrifiques, en n’évitant pas le piège de l’idée formelle par plan, qui annihile la cohérence de l’ensemble. Cette production devient fatigante sur la durée, et vire au grotesque dans sa dernière partie en raison de rebondissements outranciers et d’effets spéciaux de très mauvais goût. Il en résulte un gloubi-boulga numérique un peu écœurant.
Surtout, comme beaucoup de films à hommage, Hell Driver ne renouvèle pas le genre et se contente de dérouler un programme convenu, sans que la mise en scène ne puisse lui apporter une dimension autre : Lussier se contente d’enrober son jouet dans un cocon esthétique numérique brouillon, cherchant à masquer l’absence d’originalité de son road-movie satanique. Dommage pour Cage, qui, malgré son enthousiasme apparent, s’empêtre dans des choix artistiques malheureux, annonçant une suite de carrière très délicate, à moins qu’il ne choisisse de se reprendre en main afin de s’aventurer dans des terres plus accueillantes, comme celles qu’il a foulées chez Werner Herzog.