Au cinéma, Riad Sattouf y est entré par la grande porte : succès critique autant que public, Les Beaux Gosses, sorti en 2009, lui avait permis de faire le grand écart entre la Femis et l’UGC du coin. Toujours inspiré de son œuvre de dessinateur et scénariste BD, Jacky au royaume des filles incarne une louable ambition de satiriste athée, minée par des mises en situation déceptives.
Les accessoires des a priori
Des quelques cases de son strip Pascal Brutal, l’homme le plus macho du monde, Riad Sattouf a extrait une dystopie plutôt fouillée, décrivant une dictature militaire avec à sa tête un pouvoir exclusivement féminin. La meilleure idée visuelle du long-métrage est sans conteste cette robe dont sont affublés les hommes, pour leur éviter d’exciter les ardeurs des représentantes de la gent féminine. À mi-chemin entre la bure des religieuses et la burka des musulmanes, non sans évoquer l’étoffe des bouddhistes, le morceau de tissu est perçu de différentes façons par les spectateurs, selon leur culture et leurs croyances, révélant les oeillères de la peur de l’étranger. Sattouf ne s’est pas arrêté là, lui et son équipe allant jusqu’à créer une police de caractères spécifique pour la dictature féminine de Bubune.
Une certaine ambition vient donc soutenir la satire, et Sattouf ne se contente pas de survoler les systèmes politiques et sociétaux qu’il entend présenter sous un autre jour. Il n’évite pas, par ailleurs, certaines scènes plus étrangères à la comédie, comme cette tentative de viol sur un Vincent Lacoste au centre des attentions des femmes du village. Dans ses meilleurs moments, Jacky au royaume des filles parvient à l’équilibre entre crudité de la représentation et malaise de ce réalisme, que le dessinateur pratique de façon hebdomadaire dans Charlie Hebdo, avec La Vie secrète des jeunes, soit 5 ou 6 cases tirées du quotidien.
L’âge ingrat de la comédie
Pour son casting, Sattouf évolue, à l’inverse, en terrain connu, puisqu’il retrouve la bande avec laquelle il avait mis sur pied Les Beaux Gosses, de Noémie Lvovsky à Vincent Lacoste. Ce dernier, omniprésent à l’écran, confirme des capacités d’acteur, mais reste, à l’instar d’un Michael Cera auquel on a pu le comparer, cantonné à un jeu bipolaire, entre courage un peu ridicule et couardise complète. Résultat prévisible, le long-métrage s’essouffle vite, avec des gags et un humour général qui ne reposent que sur l’inversion des genres pour certains mots (« culottin » pour « culotte », « blasphémerie » pour « blasphème »), et la domination féminine sur les hommes. On pourra taxer les critiques d’une analyse forcément machiste, en phase avec la société phallocratique, mais difficile d’accrocher un sourire sur le visage du spectateur pendant une heure trente, d’autant plus que le comique de situation, autre ficelle du film, s’avère plutôt poussif. La parodie de religion, celle des chevalins sacrés, est ainsi peu heureuse, et l’écriture des gags relatifs à cette dévotion envers les poneys n’est pas des plus réussies.
Précédé par une réputation de conte transgressif, Jacky au royaume des filles déçoit particulièrement, d’autant plus que son scénario était marqué par une ambition généralement absente des comédies françaises. La réécriture de Cendrillon se contente de creuser le sillon de l’humour adolescent du film précédent : Riad Sattouf réalise un nouveau fantasme pubère, quand le brûlot attendu reste plutôt pépère.