Riad Sattouf, jeune réalisateur jouasse, et sa première assistante Elsa Amiel (récemment à l’affiche de Nulle part terre promise d’Emmanuel Finkiel), nous proposent, à partir de leur expérience sur Les Beaux Gosses, une définition de la relation de travail d’un réalisateur avec son assistant. Échange bref mais sympathique avec les deux acolytes.
Pouvez-vous me parler de votre collaboration lors de la préparation et le tournage des Beaux Gosses ?
Riad Sattouf: Vas-y Elsa, parle de notre collaboration… et attention à ce que tu dis! (rires)
Elsa Amiel: Généralement, le premier assistant fait le lien entre le monde du réalisateur et le reste de l’équipe. On met tout en œuvre pour qu’il obtienne ce qu’il veut. Cela passe par la recherche de décors et le casting. C’est-à-dire qu’à partir de la lecture du scénario, on est en contact avec le réalisateur. Humainement c’est toujours différent, selon que ce soit un premier film, comme ici, où suivant le caractère du réalisateur et sa façon de travailler. Il faut être très psychologue (rires).
On a souvent l’image de l’assistant réalisateur «gendarme», autoritaire…
Elsa Amiel: Ce n’est pas ma méthode. (à Riad) Je ne sais pas… je suis un peu flic? (rires) Il faut être très rigoureux c’est sûr, et installer un cadre. Mais ça reste du plaisir, il faut s’amuser et travailler.
Riad Sattouf : Elsa m’a permis d’être mis à l’écart des tensions dans l’équipe. Elle les prenait pour elle, c’est inestimable. C’est vrai que je n’avais jamais fait de film, je ne connaissais rien. Mais j’ai eu la chance de pouvoir choisir tous les membres de mon équipe: le chef-opérateur, le décorateur… les assistants. J’en ai rencontré plusieurs pour chaque poste, et j’ai pris essentiellement les gens qui rigolaient à mes blagues un minimum (rires). Non mais c’est vrai qu’étant tous compétents, j’avais peur de l’illégitimité. Je craignais de devoir entrer en conflit avec des techniciens qui me diraient «non mais attends c’est pas comme ça qu’on fait…». J’avais rencontré Elsa quand elle faisait le casting, elle connaissait mes BD – déjà c’était un très très bon point. J’ai vu le film qu’elle a réalisé, Faccia d’Angelo, que j’ai aimé et trouvé très éloigné de mon travail. Et du coup je l’ai engagée, je lui ai dit: «You are on the project» (rires). Pour le chef-opérateur, Dominique Colin, j’aimais déjà beaucoup son travail, mais surtout, je sentais qu’il était sympa, c’était vraiment le point principal. Je préfère bien m’entendre avec les gens que de prendre tout de suite les «Top gun des Top gun» et n’avoir que des cow-boys insupportables.
L’économie du cinéma est réputée impitoyable et violente, vous qui êtes en pleine promo de votre film, loin du milieu de la bande dessinée, vous vivez ça comment ?
Riad Sattouf: Je ne vais pas me plaindre, c’est plutôt marrant. C’est vrai que ce sont deux mondes différents. C’est assez fatiguant parce qu’on est poussé à dire «j’en ai marre des interviews» alors que c’est déjà génial que des gens s’intéressent au film. Ce serait un peu comme dire «j’en ai marre de manger du caviar toute la journée… Du foie gras? Encore du foie gras, c’est pas possible…J’ai trop de fric à la banque, je sais pas ce que c’est un découvert…» (rires). Donc non, je le vis bien.
Et votre séjour à la Quinzaine, à Cannes ?
Riad Sattouf: C’était la première fois que j’allais même dans la ville de Cannes. La projection s’est bien passée. C’était marrant de voir les comédiens du film complètement déchaînés… ils se sont engueulés avec Monica Bellucci dans l’ascenseur (rires)…
Ces adolescents n’avaient jamais pratiqué la comédie avant le tournage des Beaux gosses, pourquoi ce choix ?
Riad Sattouf: Les comédiens adultes n’ont pas fait non plus beaucoup de films, à part Noémie Lvovsky. Car en fait je voulais vraiment des visages inconnus, et aussi je me disais que s’ils n’avaient pas un égo surdimensionné ils accepteraient de tout faire.
Est-ce que vous savez s’ils veulent continuer dans le cinéma ?
Riad Sattouf: Oui, parce qu’on n’arrête pas de leur dire qu’ils sont formidables… Alors j’essaie de les dissuader à mort.
Pourquoi ?
Riad Sattouf: Parce que ça m’ennuierait qu’ils ratent leur vie… Anthony, celui qui joue Camel, a vraiment envie d’être comédien, il fait tout pour le devenir, il participe à des clips… C’est son rêve. Vincent et Alice n’ont jamais montré un enthousiasme immense à l’idée d’être comédiens, en même temps, ils l’ont fait en se marrant à fond, alors maintenant ils se disent pourquoi pas… Mais je crois que c’est plus une excuse pour ne pas trop travailler à l’école! C’est difficile, après c’est leur choix…
Et vous-même vous pensez continuer dans la réalisation ?
Riad Sattouf: Pourquoi pas… Si je peux refaire un film dans les mêmes conditions que pour celui-ci, oui.
C’est vrai que lorsqu’on lit le dossier de presse, la production et le tournage du film paraissent idylliques…
Riad Sattouf: Oui. J’aurais bien aimé avoir des expériences sordides à raconter… Mais à part le fait que le comédien principal se soit cassé le genou trois jours avant le tournage… rien de tout ça.
Et adapter vos BD en film c’est quelque chose que vous envisagez ?
Riad Sattouf: Non non, je ne suis pas très fan, je préfère partir sur des idées originales. Là je continue mes projets de BD, je viens de finir Pascal Brutal 3.
Pensez-vous vous essayer à un autre genre que celui de la comédie ?
Riad Sattouf: Je ne sais pas… Ça me plaît bien de faire des comédies. J’aime bien rigoler, je suis un rigolo. Mort de rire.
Un souvenir du tournage ?
Riad Sattouf: Je me souviens plus… C’était tellement chiant, j’ai pas de bons souvenirs (rires).
Elsa Amiel: En fait ce qui était bien avec ce tournage c’est qu’on a tourné longtemps au même endroit, dans le collège: on prenait la route tous les matins et aucune journée ne se ressemblait… Avoir cette excitation tous les matins, ne pas avoir un boulot rébarbatif … c’était bien!
Riad Sattouf: … un moment fort… Si! C’est quand il a fallu faire pleurer Vincent Lacoste le comédien principal. C’était une scène qu’on devait tourner à la fin du tournage et j’avais angoissé tout au long en me demandant comment on allait faire pour le faire pleurer, et en fait, il était bien motivé, et il l’a fait vraiment…Ça a pris une heure!
Et comment avez-vous fait ?
Riad Sattouf: C’est une technique secrète… (rires)