Je vais mieux, tiré du roman de David Foenkinos, est une comédie portant sur la crise d’un quinquagénaire victime d’un mal de dos soudain. Accusé par sa femme de se laisser marcher constamment sur les pieds, Laurent passe d’un médecin à l’autre jusqu’à prendre conscience que l’origine de sa douleur ne peut être que psychologique : il doit donc trouver la solution pour aller mieux. Si le réalisateur Jean-Pierre Améris réussit le pari d’une comédie attachante dans la première partie, il s’aventure progressivement vers un style assez naïf dans lequel le film gagne malheureusement en banalité.
Critique de la transparence
Le film réussit pourtant d’emblée à susciter le rire autour d’une satire légère de l’univers hospitalier. Pris comme un objet de science, Laurent se voit infliger plusieurs examens médicaux sans que les médecins ne parviennent à trouver l’origine de son mal de dos. Ces scènes critiquent ouvertement une médecine trop attachée aux manifestations visibles de la maladie, comme le suggère l’évocation par le film du motif de la transparence dès le générique, constitué d’un enchaînement de radiographies. À la fin du XIXème siècle, l’apparition des rayons X engendre une pensée de la transparence qui fantasme de dégager la structure secrète de ces corps rendus opaques. Ce paradigme également présent à travers les éléments du décor : tout en surfaces vitrées, le bureau d’étude où Laurent exerce ou le foyer conjugal sont des lieux dont l’esthétique transparente est trompeuse. En prenant l’apparence de la lisibilité, ils cachent qu’ils ne sont en réalité que des cages de verre. À travers le prisme de l’opposition opaque/transparent, c’est également la dichotomie entre le corps et l’esprit qui semble remise ici en question. Le fantasme de pouvoir percer le mystère d’un objet, voire d’un être grâce aux technologies modernes, s’avère être un véritable obstacle à la guérison, et la quête du personnage principal tient alors à cette idée relativement simple : chercher à relier le corps et l’esprit.
Une trop grande littéralité
Au fur et à mesure des épreuves qu’il traverse, Laurent parvient à se dégager progressivement de ses problèmes les plus enfouis, notamment grâce à la rencontre d’un psychanalyste qui lui fait comprendre que son mal de dos témoigne d’un trouble plus profond. En commençant à dévoiler ses frustrations, Laurent tombe toutefois dans une logique assez brutale de libération de la parole qui finit par blesser son entourage. Mais si le principe comique d’un homme frustré qui tombe dans l’excès du dévoilement est plutôt intéressant, le film fait preuve d’une certaine littéralité en l’explorant. L’idée de rattacher sa douleur physique à une origine psychique est par exemple symbolisée par l’édification, sous la houlette de Laurent, d’un pont reliant les deux rives d’un cours d’eau en Seine-Saint-Denis. Le film s’achève d’ailleurs sur la livraison de ce projet grâce auquel il se voit remettre la médaille de la ville : le mal de dos de Laurent disparaît comme par enchantement et nous peinons à y croire.
Pourtant traversé par de très claires références aux films des frères Coen et d’Aki Kaurismäki, l’esthétique de Je vais mieux manque de personnalité ; quant à la musique doucereuse et les surimpressions kitsch, elles détonnent tout à fait avec le ton satirique du début qui trouvait de l’intérêt dans sa critique de la posture mécaniste que la médecine adopte parfois. En réalité c’est le film lui-même, à cause de la mécanique narrative trop bien huilée de la guérison de son personnage, qui finit par faire preuve d’une trop grande transparence.