Les thématiques très codées des films sur l’adolescence (passage de cap avec découverte de la sexualité notamment) vont souvent de pair avec un traitement genré des anecdotes, enfermant filles et garçons dans leurs rôles en devenir. L’adolescence au masculin et l’apprentissage de l’âge adulte via la mise en scène d’une sensibilité masculine font cela dit parfois quelques éclats, comme c’était récemment le cas d’un premier film italien, L’Éveil d’Edoardo, qui détournait les symboles du passage de cap charnel au féminin en les attribuant à son personnage principal. De la même façon Keeper, autre premier film qui a fait le tour des festivals européens où il fut récompensé de quelques prix, utilise le prétexte d’une grossesse pour examiner chez son protagoniste, dont la petite amie est enceinte, un inattendu désir de paternité.
Junior
Confronté à une grossesse accidentelle, un couple de jeunes adolescents d’une quinzaine d’années décide de garder l’enfant. La première originalité scénaristique du film tient dans cette dynamique amoureuse qui pose comme acquise la relation du couple, ne fait en tout cas pas de la romance un enjeu du scénario. Tout ce pan de l’intrigue, et les justifications psychologiques qui en auraient découlé, constituent le hors-champ de Keeper, qui ne fait pas traverser à ses personnages l’habituelle mise à l’épreuve sentimentale. Dans son récit Guillaume Senez ne cesse de confirmer, par ces écarts auxquels s’ajoutent un certain nombre d’ellipses qui laissent des étapes décisives en suspens, la singularité de son point de vue. Cela va avec une habile dynamique de jeu basée sur la spontanéité (les acteurs découvrent le scénario au fur et à mesure du tournage). Elle est portée par l’excellent Kacey Mottet Klein, qu’on ne présente plus depuis L’Enfant d’en haut où il jouait avec brio le rôle d’un garçon livré à lui-même, fils là aussi d’une mère trop jeune. Il incarne ici un protagoniste perdu entre un désir de paternité qu’il a du mal à comprendre et l’opposition du monde à ce qui apparaît comme une folie inconsciente. Malgré le premier soutien de ses parents, l’opposition de la mère de Mélanie (elle-même fille-mère en son temps, incarnée par Laetitia Dosch) reviendra comme un boomerang arrêter les ambitions paternelles de Maxime et montrer son impuissance.
Spontanéité
Guillaume Senez fait le choix d’un regard naturaliste, notamment dans son propos dénué de toute démonstration. Au-delà même de la spontanéité des dialogues, l’authenticité du propos naît contre le sentimentalisme et la psychologie, et le réalisateur renvoie le désir de paternité de son personnage autant du côté de la lubie (cela semble commencer comme un jeu d’enfants) qu’à l’instinct le plus primitif et essentiel.
En faisant le choix d’un sujet précis et unique, le scénariste-réalisateur s’enferme dans les limites de ce sujet de société singulier, trop calibré sans doute, d’autant plus parce que la grossesse est mise assez maladroitement en parallèle avec les perspectives professionnelles du garçon. Apprenti gardien, Maxime est destiné à une carrière dans le foot – d’où le titre et la concurrence de trajectoires qui symbolisent choix personnels et ambitions individuelles. Guillaume Senez montre un peu lourdement la dépossession de tout un pan de la masculinité, ici via l’impuissance du personnage à se saisir de sa paternité. Les cartes ne sont pas entre ses mains et c’est à cela que s’intéresse Keeper, sans heureusement jamais remettre en cause le pouvoir de Mélanie sur la situation, affirmé en creux. Suivant ce désarroi, qui ne se transforme jamais en détresse, le réalisateur propose un premier film habile et singulier, mais qui comme son personnage reste en deçà de l’élan qui l’anime.