Plaidoyer hésitant et jamais convaincant pour les accords de Genève, ce récit décousu met en scène l’espoir et le « courage politique » de six intervenants, Israéliens et Palestiniens, face aux doutes et aux craintes des populations. Le but est manqué, et on sort sceptique, sinon découragé, d’un documentaire qui de surcroît ne nous apprend rien.
Retour en arrière. Le 1er décembre 2003, après deux ans et demi de négociations inconnues du grand public, sont signés les accords de Genève par une délégation de négociateurs israéliens et palestiniens soucieux de mettre un terme à un conflit qui les déchire depuis plus d’un demi-siècle. Il s’agit, selon les propres termes du contrat, de proposer une solution « globale et définitive ». Le monde applaudit. Et les populations concernées? Pour le savoir, la caméra de Nicolas Wadimoff, cinéaste indépendant accompagné de la journaliste Béatrice Guelpa, va suivre pendant plus d’un an trois Israéliens et trois Palestiniens, tous signataires de l’accord, dans leur quotidien pour la promotion du document dans leur pays respectif. Côté israélien, sont présentés un militaire réserviste, le patron d’une agence de communication et une femme d’affaires investie dans la politique. En face, ou plutôt à leurs côtés, un universitaire, un ancien ministre et un gouverneur palestiniens.
Voici un bien étrange documentaire qui semble poser des questions auxquelles il ne répond jamais. Les motivations profondes des personnages, qui les poussent à prononcer le mot « paix », à dire « stop », à l’encontre de leurs concitoyens et parfois même de leurs amis, de leur famille, ces motivations qui sont le point de départ du projet, ne sont jamais connues. Qu’on les taxe de collaborateurs, de traîtres, que leurs auditeurs hurlent ou claquent des portes, on voit – on montre – l’impuissance de ces prêcheurs de bonne parole au charisme inexistant, le regard désabusé, les membres paralysés. Où est l’analyse? Où sont les arguments? Y a-t-il seulement amorce de débat? Pas la moindre. Et l’on reste choqué de constater que, là encore, c’est celui qui crie le plus fort qui l’emporte. On en voudrait presque aux auteurs de traiter un sujet si grave d’une manière si légère.
Peu à peu, et bien contre son gré, le documentaire dresse alors le constat amer d’un échec. Celui du film d’abord, au rythme confus, sans véritable ligne directrice, sans réelle volonté de pédagogie et privilégiant certains intervenants au détriment du temps de parole des autres. Il manque en outre à cette galerie de portraits le personnage pourtant principal et éponyme du film: l’accord lui-même. À part quelques vagues énoncés sur le nouveau tracé des frontières, et la séparation de la ville de Jérusalem (qui deviendra la capitale des deux États selon le principe suivant: est israélien tout ce qui est juif, est palestinien tout ce qui est arabe, musulman ou chrétien), les principaux termes du contrat restent dans l’ombre.
Mais surtout, et c’est plus grave, on ressent l’échec de l’initiative de paix elle-même, à laquelle on ne croit plus tant les ennemis semblent encore se haïr. Pire, puisque les plus sages des deux camps avouent encore se détester, mais ne faire l’effort que parce qu’ils y sont « obligés »… Enfin, le temps joue contre le film. Tourné entre 2003 et 2004, il semble, à la lumière de l’actualité, bien désuet. Entre temps, le mur a continué de se construire, et la bande de Gaza a été évacuée de ses colons juifs. Ariel Sharon est sorti de la scène politique de la manière que l’on sait. Et, hasard – ironie? – du calendrier comme des urnes, le documentaire est présenté à la presse française le jour même de la victoire du Hamas aux élections législatives palestiniennes… Les raisons d’espérer qu’évoquent les six intervenants sont-elles les mêmes aujourd’hui?