Une bande de copains qui se sont perdus de vue se retrouve à l’occasion de l’anniversaire de l’un d’eux, devenu entre temps millionnaire grâce à ses émissions de télé-réalité. Les rancœurs du passé ressurgissent, et chacun règle ses comptes. Diane Kurys nous a-t-elle concocté une version des Dix Petits Nègres au Maroc ? On aurait préféré, mais au lieu de cela, elle se contente de filmer tout ce beau petit monde en alignant les clichés et en créant une émotion de pacotille et un humour dépourvu de toute finesse.
Raphaël Kessler a démarré sa carrière en doublant certains de ses camarades. Mais aujourd’hui, son passé le rattrape, son demi-frère a écrit un livre sur la bande et la trahison de son frère. Kessler a alors l’idée lumineuse d’inviter tous ses anciens camarades à fêter son anniversaire au Maroc. Sauront-ils se réconcilier ? Redeviendront-ils amis ? Tels sont les enjeux pour le moins inintéressants du film. Car il est très difficile de s’intéresser à des personnages tous droit sortis d’un mauvais feuilleton. Rien ne nous est épargné : la jeune coiffeuse qui fantasme sur un homme qu’elle croit être curé, le jeune de la boîte qui couche avec l’associé pour monter en grade, le frère malade mais qui bien sûr n’a rien dit à personne, l’actrice ratée, et autres spécimens.
Le pire est peut-être que Diane Kurys, prise de nostalgie pour les années Mitterrand, ne rend pas du tout hommage à cette époque qu’elle a tant aimée, où il soufflait un petit vent de folie, et n’en donne qu’une vague image. Les personnages qu’elle dépeint sont devenus matérialistes, pleins de haine envers celui qui leur a racheté leurs parts pour ensuite faire fortune, les laissant sur le carreau. Mais il faut les voir exploser de joie quand Kessler leur annonce qu’il a calculé ce que vaudraient leurs parts aujourd’hui, et qu’il leur offre 4 millions d’euros à chacun ! Cette jubilation collective fait peine à voir. Ça, un film sur l’amitié ? Il ne suffit pas de filmer une scène finale de repas où tout le monde s’est réconcilié, avec un frère mourant qui finalement n’est pas encore mort, sans doute pour pouvoir voir la naissance de son enfant, pour faire un film sur l’amitié. Et ce n’est pas la petite boutade ironique de Jules Renard sur l’argent au début du film qui sauvera le tout.
Le discours du film sur l’argent est tout à fait limite. Kessler, interprété par Lambert Wilson, méprisant les pauvres, et pensant pouvoir tout effacer en offrant des millions, est assez imbuvable. La scène dans laquelle il surprend ses invités en arrivant enrubanné de blanc, sur un beau cheval, est pathétique et à l’image de tout le film, inutile. De même, le film présente une position ambiguë envers la télé-réalité, gagne-pain de Kessler. Ce dernier trouve ses activités honnêtes, mais quand il découvre que son assistante, qui est aussi sa maîtresse, bien sûr, a filmé tout ce qui s’est passé dans la maison (hé oui, c’est la maison où a été tournée l’émission Marjolaine et les Millionnaires, dixit le personnage de Jenny, c’est pour cette raison qu’il y a des caméras partout !), Kessler le prend très mal, et renvoie la jeune ingénue chez elle. Et le point de vue de Diane Kurys, dans tout ça ? Pas de charge, ni de défense, c’est le métier de son personnage, voilà tout.
Si seulement le film avait pu n’être que plat et légèrement vulgaire sur les bords, mais en plus il est horripilant. On se demande vraiment quel est l’intérêt de nous montrer cette bande de zouaves se jeter dans la piscine, s’exclamer sur la taille de la maison, se marrer pendant une balade en chameau, et danser au rythme des tubes des années quatre-vingts, mis bout à bout en une compil’ insupportable. Tous les éléments du film souffrent d’une lourdeur impardonnable : le scénario, la direction d’acteurs, la mise en scène (il n’est pas si facile de tourner dans un espace à la fois clos et immense). Voilà donc une comédie française dont on se serait bien passés, et qui ne fera sûrement pas date dans l’histoire du cinéma.