Comme chaque année, le cinéma fait office de grenouille météo. Le soleil peine-t-il à réchauffer les éventails de doigts de pieds ? Fiez-vous aux salles obscures. Parce qu’un produit aussi dénué de personnalité, et à l’origine aussi infiniment aberrante que cet Apprenti Sorcier ne peut signifier qu’une seule chose : c’est l’été.
Il faut vraiment tout faire à leur place. Alors que les gouvernements occidentaux peinent sous la charge d’un chômage, un emploi à long terme des plus indispensables reste vacant : celui de Muse du cinéma. Parce qu’à la vue des productions hollywoodiennes récentes, on est en droit de se demander si l’inspiration n’est pas en train de se tarir. Et personne, parmi les sœurs de Terpsichore et de Clio, ne semble sur le point de remédier à cette situation. Alors, nous voilà avec 17 649 remakes systématisés, adaptations de séries télés vintage, jeux vidéo et autres épiphénomènes sociologiques facebookiens, le tout selon le mode narratif nivelé et ethnocentré sur les États-Unis pour ne pas choquer les sujets de l’Oncle Sam. Mais parfois, un brin de chaos entre en jeu, et des projets vraiment étonnants voient le jour.
C’est le cas de notre Apprenti Sorcier, poulain de cette étrange écurie Disney qui avait déjà adapté au cinéma l’attraction de Disneyland « Pirates des Caraïbes », avec le succès que l’on sait. Cette fois, avec cet Apprenti Sorcier, c’est un segment de Fantasia qui fait l’objet d’un inattendu remake. Tout le monde se souvient des déboires du jeune magicien, tenu de faire le ménage, et déclenchant la Révolte des Balais et l’Insurrection du Savon en lançant un sort destiné à les enchanter pour qu’ils nettoient tous seuls. Et la séquence de l’Apprenti Sorcier demeure certainement l’une des plus populaires et des plus emblématiques de Fantasia.
Devant un tel plébiscite, une chose est sûre : on ne touchera pas à la séquence des déboires ménagers du gamin. Cette scène constitue donc le point d’orgue du film, autour de laquelle les scénaristes ont tant bien que mal brodé une histoire faisant de Dave (Jay Baruchel, un clone de Shia LaBeouf) l’héritier de l’antique puissance de Merlin l’Enchanteur, intronisé plus grand sorcier de tous les temps. Autour de lui, s’affrontent Nicolas Cage, gentil de l’histoire et mentor de l’apprenti, et Alfred Molina, méchant et suppôt de Morgane Le Fay, ennemie ultime de Merlin, et par là même de l’humanité. Au milieu de tout ça, Monica Bellucci suscite également la convoitise des deux anciens magiciens, mais vu qu’elle est enfermée dans une poupée russe, cela lui évite de dire des bêtises grosses comme elle du type Matrix II ou les Frères Grimm.
Avec à son service l’équipe des Benjamin Gates, l’Apprenti Sorcier demeure efficace, avec des péripéties remuantes promptes à accélérer la digestion du pop-corn beurré indispensable à la vision de ce film. Avec une tonne d’effets spéciaux numériques plus (les éclairs partant des bras des sorciers, la scène des balais) ou moins (le très joli dragon ravageant le Chinatown local, la course-poursuite en voiture dans les miroirs) ridicules, le film se pose en héritier des séries B de bonne tenue des années 1980 – 1990 – ledit dragon évoquant autant les délires de Tsui Hark que les Golden Child et autres Weird Science. Cage et Molina s’amusent comme des petits fous à cabotiner à mort, tout contents de pouvoir se lancer de fausses phrases cultes dans des péripéties amusantes mais molles.
Donc, cela est posé, il n’y a pas grand-chose de déshonorant dans cet Apprenti Sorcier qui, dans son genre, vaut sans doute aussi bien que les adaptations bancales de Harry Potter, celui d’Alfonso Cuarón excepté. Cependant, à la différence des sympathiques séries B à laquelle on peut le comparer, l’Apprenti Sorcier, enfermé dans son obligation à filmer son inutile scène des balais, manque de la plus élémentaire spontanéité. C’est clinquant, ce n’est pas laid, ni désagréable, mais ça manque de regard, d’intérêt pour son matériau, d’implication, d’âme. L’Apprenti Sorcier, un film qui ne sert à rien.