L’École pour tous est une comédie pas drôle, pseudo-sociétale, suintante de bons sentiments, simpliste, clichéeuse. Éric Rochant pratique la politique du pire cinématographique.
Voilà un film qui va mettre du baume au cœur des professeurs de ZEP, c’est certain : heureusement qu’Éric Rochant est là pour dédramatiser leur situation. Car au fond, les cancres de collèges difficiles ne sont que de gros durs au cœur tendre, à qui l’on renvoie depuis toujours une image de médiocrité. Il faudra remercier pour la leçon… et repasser si l’on avait l’intention de rire un minimum. L’École pour tous passe complètement à côté de son sujet.
S’agissait-il d’évoquer le système scolaire à l’épreuve des banlieues sous un jour humoristique ? Le synopsis tendait à le faire croire : Jahwad, petit malfrat des cités, prend opportunément la place du professeur de français M. Despalin, terrorisé à l’idée d’enseigner dans un collège de ZEP. Il prend peu à peu goût au métier, mais comme il ne sait presque pas lire, ses cours restent catastrophiques – ce qui fait l’unique ressort comique du film, à base de « l’adjectif invariable s’accorde toujours avec le nom auquel il se rapporte », ou « du côté de Guerrmannntès, ça fleure bon le sable et la paella ». Pire : « Ce sont des vieux mots, personne n’y comprend rien, ça ne sert à rien que je vous les explique. » Et le sketch poussif de se dérouler sur une heure et demie. Comme dirait Jules Renard, ce film ne fait pas sourire, il fait sous-pleurer.
On sait bien que la caricature sert le comique. Mais le film va au-delà de la caricature elle-même, et flirte avec la malhonnêteté : qui peut croire qu’un major à l’agrégation de lettres peut se retrouver à quarante-cinq ans et contre sa volonté dans un collège de ZEP ? Comment adhérer un instant à cette galerie de personnages tous moins crédibles les uns que les autres : le proviseur ultra-paternaliste qui accorde une avance en liquide à son nouveau professeur (!!!), le collègue envieux qui se livre à des dénonciations publiques de Jahwad, le copain qui met plus d’une heure de film à réaliser que son ami est réellement devenu prof. Seule Noémie Lvovsky tire son épingle du jeu en poussant l’outrance à son terme dans des gueulantes qui font trembler les murs et ses collègues (cf. la bande-annonce, cela devrait suffire). Mais surtout, comment croire à ces élèves qui, malgré la nullité et le je-m’en-foutisme de leur professeur, continuent à assister assidûment aux cours, et à rester sagement assis sur leur siège ? Une seule explication est possible : ils sont là pour réciter leurs répliques, apprises on le voit bien avec application. Pourtant Éric Rochant a coécrit le scénario avec Mara Goyet – la jeune héroïne de La Vie de famille de Doillon, qui est professeur en ZEP. C’est à n’y rien comprendre.
Le pire vient sans doute avec la fin, summum de démagogie et de bons sentiments : les élèves se mettent à apprendre tout seuls leurs leçons en échange de gages qu’il font subir à Jahwad (!!!), qui, une fois le pot aux roses découvert, est tout de même embauché au noir par le proviseur (!!!) et se met en tête de passer son bac, tout en sortant avec la jeune et jolie professeur de français du collège. « Y a pas besoin de savoir lire pour être prof », déclare Jahwad. Eh bien, y a pas non plus besoin d’être drôle pour faire des comédies, semble-t-il. En attendant un vrai film pertinent sur le sujet, on reverra L’Esquive d’Abdellatif Kechiche, non seulement beaucoup plus marrant (sans être une comédie), mais surtout infiniment plus subtil.