L’Heure du crime est un petit thriller italien, qui procure la grande joie de retrouver Filippo Timi (le ténébreux Mussolini de Vincere). Hélas, c’est bien le seul plaisir que procure le film, tout le reste n’étant qu’astuces de scénario malignes et sans envergure, une sorte de Vertigo inversé où c’est l’homme qui fait d’étranges apparitions. Mort, pas mort ? Et la femme qui le voit partout ? Folle, pas folle ? Et le spectateur dans tout ça ? Assoupi, endormi, somnolant ?
Sonia et Guido vivent un début d’idylle amoureuse dans une existence morne. Elle est femme de ménage dans un hôtel. Lui, ancien flic reconverti dans le gardiennage de grandes demeures, se remet doucement du décès de sa femme trois ans plus tôt. Si L’Heure du crime prend d’abord les atours d’une romance contrariée dans l’Italie berlusconienne, c’est pour mieux s’en écarter totalement, et rejeter ainsi tout rapport avec une réalité donnée. Le premier trauma du film se concrétise en une scène de cambriolage dans une bâtisse surveillée par Guido, et où Sonia va perdre le nouvel amour de sa vie. S’ensuit une pénible (et prévisible) descente aux enfers : Sonia aura droit à des apparitions de Guido pour signifier son éloignement de la réalité, suggérant ainsi à grands renforts de musique agaçante son possible basculement dans la folie. Mais le scénario est encore plus retors que cela, et se double d’une intrigue vaguement policière, faite de trahisons et de petits calculs. À aucun moment ne transparaît le climat qui règne actuellement en Italie, et le film peine grandement à trouver un point d’ancrage qui l’élève au-dessus du simple film à suspense.
Finalement, Capotondi choisit de ne mener aucune de ces pistes jusqu’à leurs termes, préférant se perdre en petits coups de théâtre et manipulations roublardes du spectateur. L’intérêt pour les personnages s’effiloche rapidement, à mesure que la mécanique d’un scénario qui se voudrait être « hitchcockien » se met en place, sans en avoir ni l’humour, ni l’étrangeté trouble. Le récit se complait dans l’installation d’un système de signes qui sont supposés produire du sens : un dispositif pratique de récurrence en forme de clin d’œil, comme un petit coup de coude complice pour réveiller le spectateur inattentif. Une chanson de The Cure qui hante Sonia, le camion du cambriolage qui ne cesse de faire son apparition, une photo prise à Buenos Aires…Autant d’indices parsemés tout au long du film, et qui ne prennent une signification qu’une fois passé l’ultime coup de théâtre (en gros, une partie de ce qui nous a été raconté ne s’est, en réalité, pas produit). Il reste que ces pistes ne proposent en aucun cas une seconde lecture du film (comme l’aurait laissé présager le titre original du film : La Doppia Ora, littéralement « la double heure », 23h23 par exemple). L’Heure du crime, comme le récent Inception de Nolan, propose finalement un récit mécanique et normalisateur d’un champ de perception qui ne l’est pas, avec la même désagréable impression que le créateur de l’histoire possède toujours malignement une longueur d’avance sur nous.