Il semble que le cinéma français soit particulièrement concerné par la question de la maternité cette année. Après la séduisante proposition naturaliste de Marina Déak dans Poursuite, et un peu avant l’intriguant – voire inquiétant – Un heureux événement, c’est Emmanuelle Millet qui se lance, pour son premier film. Le sujet, hautement social, est traversé par des questions de féminisme, mais aussi de féminité ; il interroge le corps, l’être humain, sa place dans la société, l’évolution des regards, la femme et la modernité : bref, sous ses airs un peu reclus, il est à la fois intarissable, et au moins aussi glissant. Le corps, ici, c’est celui de Christa Théret. Omniprésent – beaucoup trop –, il se contente de séduire. Avec sa bouche espiègle, son air toujours boudeur, il ne lui en faut pas beaucoup. Sois belle et tais-toi : avec une complaisance d’assez mauvais goût vu la teneur sociale du sujet, Millet revient toujours à cette fille à peine femme (on n’est pas si loin de LOL) sans lui demander grand-chose, sinon marcher silencieusement au soleil, pavaner, porter de jolies jupes. Déjà, avant de se jeter dans le vif du sujet, La Brindille avance sa pièce maîtresse d’une façon un peu gênante : on ne flaire rien de très honnête derrière cette jolie fille.
Pour le reste, le programme ennuie son public presque immédiatement. Faut-il imputer aux acteurs, aux dialogues, ou à la direction cette impression terriblement factice qui suinte de chaque scène, chaque geste, chaque mot ? Bercé par un pédagogisme niais, le film retrace mollement l’itinéraire d’une jeune mère vers un accouchement sous X. On y retrouve, peut-être, le passé audiovisuel d’Emmanuelle Millet. La réalisatrice insuffle à son film la fadeur des clips humanitaires auxquels elle a vraisemblablement été biberonnée. On a souvent l’impression de feuilleter un de ces prospectus gouvernementaux, ou pire encore, un de ces spots publicitaires pour une assurance, une complémentaire santé, un prêt jeunes ; faussement habité, le film déballe une pléthore de citoyens modèles mais pas trop, mollement transgressifs, ils s’avèrent finalement bien dressés. Sarah, elle-même, répond absente à une poignée de rendez-vous à la maternité moyennement importants ; mis à part ça, elle suit avec le film un calendrier à peu près parfait. Jamais, ou presque, Millet n’attaque au vif son sujet, avec la violence de la vérité. Pas une seule saillie dans la réticence naturelle portée par la société à l’égard des accouchements sous X. À l’exception, notable, de la scène de l’accouchement, presque crédible, et surtout nourrie par une vraie prise de position à la caméra : l’absence du bébé à l’écran, réponse au refus de Sarah de lui porter un regard. Une pincée de sel dans la recette douceâtre servie par cette Brindille. On sait à quel point le coup d’essai d’un premier film peut s’avérer décisif : peut-être doit-on assigner à cette angoisse le manque d’engagement réel du film. Quoi qu’il en soit, c’est un départ bien inconsistant pour Emmanuelle Millet.