La compétition cannoise, on le sait, obéit à certaines lois. L’une d’entre elles stipule que les films doivent aussi de temps en temps nous « donner des nouvelles du monde », c’est-à-dire nous raconter, par le cinéma, quelque chose d’une culture, d’un événement historique ou d’une situation géopolitique que le public occidental méconnaîtrait. En principe, Boy from Heaven répond à cet impératif, avec son intrigue policière prenant pour cadre l’université al-Azhar du Caire, présentée comme l’un des pôles névralgiques de l’Islam sunnite. Tiens, voilà en effet un décor de fiction inédit, et qui frappe en premier lieu par sa dimension composite : il s’agit tout à la fois d’une école et d’un centre politique, d’ailleurs étroitement surveillé par le pouvoir égyptien. On ne verra hélas pas grand-chose de son fonctionnement, de la manière dont les cours s’organisent ou dont les différents courants idéologiques qui la composent parviennent à dialoguer et à cohabiter, etc.
Au contraire, le récit, qui s’articule autour de l’élection du nouveau cheikh suprême, renvoie plutôt à des modèles narratifs connus de notre côté de la Méditerranée. Complots, espions, traîtres : on se croirait presque chez les Borgia, même si le film dresse rapidement un état des lieux des doctrines et des organisations islamiques contemporaines, dont se dégage une opposition entre une ligne modérée et une autre, plus dure, menée notamment par les Frères musulmans. Par son récit d’apprentissage, qui voit un innocent étudiant, Adam, devenir par un concours de circonstances un « serpent » infiltré (ou un « ange », pour reprendre la terminologie utilisée par la police secrète), le film expose lourdement une idée simple : la religion, c’est d’abord et avant tout de la politique. Dommage que Tarik Saleh se repose sur des formules narratives bien connues au lieu de tirer réellement partie de la singularité du lieu.