Tout part d’une violente dispute inexpliquée entre Margaret (Stéphanie Blanchoud) et sa mère (Valéria Bruni-Tedeschi). La première, dont les dialogues nous apprennent vaguement qu’elle a connu (mais aussi infligé) de nombreuses violences physiques et psychologiques, se voit alors soumise à une injonction d’éloignement : elle ne pourra plus approcher sa mère et sera séparée d’elle par une distance de 100 mètres, physiquement délimitée par sa plus jeune sœur, Marion, qui trace sur le sol une ligne bleue. En se gardant de livrer les raisons de ce conflit, le film se fonde ainsi sur un pur arbitraire de scénario qu’il ne remettra jamais en cause. Ursula Meier semble d’ailleurs ne filmer que cela, des postulats et des prétextes. Le personnage de Valéria Bruni-Tedeschi en est l’exemple type, tant le jeu exubérant de l’actrice ne cesse d’asséner la fantaisie de cette mère par ailleurs sourde – autre prétexte artificiel pour renforcer l’incommunicabilité. Dans cette perspective, les seules idées notables sur le plan de la mise en scène consistent à faire entrer ou non cette ligne de démarcation dans le plan, pour illustrer à l’écran les fractures ou les rapprochements.
Le film paraît de fait étrangement atone, quand bien même il brasse différents registres. Meier rejoue platement Bergman et annone sans conviction le b.a.-ba de la crise de communication : aux sonates rigoureuses de sa mère, Margaret répond d’une balade mélancolique à la guitare ; aux logorrhées fantasques, elle oppose le mutisme et les poings. À quoi s’ajoutent d’autres éléments trop artificiels ou survolés, tels que les accès de mysticisme de la jeune sœur, dont on peine à saisir l’intérêt. La cinéaste voudrait pourtant franchir la ligne et sonder le trouble qui se joue au sein de cette famille ; elle reste hélas de l’autre côté, à disserter vainement sur les conséquences d’un mal abstrait et désincarné.