George Pal, célèbre cinéaste d’animation, adapte en 1960 le roman d’anticipation écrit par H.G. Wells en 1895. Alors que les frères Lumière récoltaient un succès inédit en projetant, au Grand Café à Paris, des vues photographiques animées montrant la sortie de leurs usines lyonnaises ou la Place des Cordeliers, H.G. Wells publiait le roman La Machine à explorer le temps (The Time Machine). Où il est supposé qu’outre les trois dimensions connues, il en existerait une quatrième, dimension temporelle applicable à l’espace. Ce roman de science fiction envisage donc la possibilité qu’en restant immobile en un endroit, l’homme puisse paradoxalement accomplir un voyage temporel. Dans l’adaptation cinématographique de George Pal en 1960, ce type de voyage se pratique confortablement assis dans un fauteuil en velours rouge, muni, à l’arrière, d’un disque à rotation très rapide et d’une lampe. Ainsi, le héros voit-il défiler les jours et les saisons de son poste d’observation absolument fixe, engin qui, peut-on lire, a été « fabriqué par H. George Wells ». Tracer un parallèle entre le procédé cinématographique de recomposition du mouvement et une machine de science fiction permettant d’abolir les contraintes de temps, voilà le propos de ce film.
C’est bien en effet l’apanage de l’art cinématographique que de pouvoir se jouer du temps, le modeler à son envi. George Pal y est d’autant plus sensible qu’il est avant tout un cinéaste d’animation, ayant officié en Allemagne puis en Hollande, où il a réalisé de nombreuses publicités, notamment pour la société Philips, avant de rejoindre les États-Unis pendant la guerre, où la Paramount lui commande la série de courts-métrages des « Puppetoons », marionnettes animées. Les voyages dans le temps fournissent l’occasion et la justification au cinéaste pour pratiquer l’animation image par image au sein d’un film à prise de vue réelle. La construction générale du récit reprend quant à elle l’idée d’un temps fonctionnant en boucle, puisque le héros, revenant du futur, retrouve à deux reprises ses amis du présent, scientifiques rationnels qui ne veulent pas croire à son invention.
Pal joue aussi sur le long temps qui le sépare du roman de Wells en effectuant des voyages dans des passés plus ou moins proches, avant de se fixer sur un récit d’anticipation. Ainsi, le héros de 1900 débarque naïvement en 1917 puis pendant la Seconde Guerre mondiale, ce qui induit l’ évocation de la découverte de ce qui était futur pour Wells mais qui représente au contraire un passé connu, devenu historique, pour le spectateur de 1960. Pour le spectateur de 2009 que nous sommes, le futur est bien sûr devenu du passé, et tous ses emboîtements d’espaces temps prennent une dimension vertigineuse.
Pour le reste, La Machine à remonter le temps fait penser à nombre de films de voyages de science-fiction, que ce soit au centre de la Terre, à l’intérieur du corps humain ou encore vers le futur, on retrouve les codes habituels du genre, en particulier le personnage-type du savant, qui joue le rôle d’un voyant pour la société, non seulement dans sa quête de connaissance de l’autre, mais aussi de moralisation du monde dans lequel il vit. Par le décalage temporel, George Pal cherche péniblement à faire sourdre une interrogation politique et humaniste sur la place et le rôle de l’homme dans la société.