Le 22 décembre 1958 sortait sur les écrans Les Aventures de Tom Pouce, premier film réalisé par le producteur et spécialiste des effets spéciaux, George Pal (Le Choc des mondes, La Guerre des mondes, La Machine à explorer le temps) avec dans le rôle titre un des futurs danseurs de la West Side Story de Robert Wise, Russ Tamblyn, et Peter Sellers en indécrottable mauvais garçon. Quarante-huit ans plus tard, l’enchantement est toujours aussi présent. De la musique (Peggy Lee, qui composa les bandes originales de Johnny Guitar et de La Belle et le Clochard) à la chorégraphie en passant par les séquences animées, Les Aventures de Tom Pouce est un bijou de la comédie musicale et de l’animation combinées. Oscar 1959 des effets spéciaux, la première merveille de George Pal est à voir en chantant.
Tiré du conte des frères Grimm, qui eux-mêmes tirèrent substance de la vie du général Tom Pouce (1838 – 1883), Lilliputien mythique qui fit la gloire de Barnum au XIXe siècle, les aventures de Tom petit Pouce plonge dans les affres et le merveilleux de l’enfance. Jonathan, un sympathique bûcheron, et sa femme, Anna, ont l’absolu bonheur de voir réaliser leur vœu le plus cher : avoir un enfant. La Reine de la forêt prend au mot le souhait exprimé par Anna d’avoir un petit malgré tout et de l’aimer même si sa taille n’excède pas un pouce. Voici alors l’intrépide et bien naïf Tom qui provoque moult bêtises en voulant rendre service et finit par faire, à tort, accuser ses parents de vol. Deux abominables mais truculents voleurs vont en conséquence subir les foudres du minuscule jeune homme. Parallèlement à cette trame narrative qui clame que l’on a souvent besoin d’un plus petit que soi, la Reine de la forêt soupire pour un beau musicien et n’a qu’une idée en tête : que son ardent amoureux lui dépose un baiser sur ses lèvres. D’immortelle, elle deviendrait mortelle, comblée de désirs et non plus simplement fantasme désiré.
D’une drôlerie qui ne se dément certainement pas quarante-huit ans après, le film de George Pal est avant tout une comédie musicale finement chorégraphiée. Et la séquence la plus célèbre, la plus inventive, la plus longue, reste bel et bien celle qui voit Tom Pouce danser, jongler, courir, escalader et s’amuser avec les jouets qui parsèment sa chambre. Car le jeune homme turbulent fait des entrechats et quelques acrobaties en compagnie de dessins animés et de toutes sortes d’objets qui prennent vie à son contact. Cette idée en apparence anodine – des jouets qui reprennent souffle auprès de l’enfant qui les veut vivants – est particulièrement réussie. L’animation, nullement forcée et par moment simplement suggérée, est un vrai tour de magie. La mise en scène, qui pourtant travaille le gigantisme et la miniature, pourrait s’enliser dans ces changements constants de dimension mais est particulièrement bien maîtrisée. Du gros plan au plan d’ensemble, de la plongée à la contre-plongée, au grand angle et en passant par les trucs qui font l’image (travelling-matte, maquette, reconstitution en grand d’objet, etc.), la taille est rendue sous toutes ses coutures. Elle fait alors rêver : un gobelet pour une table, un dé pour un tasse, un bouton pour une assiette et l’oreille d’un cheval pour locomotion. Comme l’a jadis souligné Gaston Bachelard dans La Poétique de la rêverie, bienfaisante, tonique, la miniature donne l’objet : dans ce film, l’objet est de fait à porter de main comme de regard.
Des décors peints aux paysages bucoliques, l’atmosphère envoûte. Elle renvoie à celle du Magicien d’Oz, notamment lors de la scène où Tom Pouce et Ulysse le musicien font un tour à la foire. L’utilisation de couleurs très chatoyantes donne enfin cet aspect féerique. Que rajouter encore pour convaincre les adultes d’accompagner en masse leurs bambins ? Que l’interprétation est excellente et que l’inénarrable Peter Sellers, le Dr Folamour de Kubrick, la Panthère rose de Blake Edwards, est juste et terrifiant !
« Une cabriole, moi je batifole / Mon refrain s’envole dans une cabriole »